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Viper a vera Indice orientales. S e b . Thef. 2 ,
p. 9 , t. 8.
La tête de ce Serpent eft marquée de diverfes
futures , qui divifent fa furface en un certain nombre
de petits efpaces. Entre les yeux , on en voit
cinq , dont celui du milieu eft plus grand que les
autres ; fur la partie antérieure, il y en a neuf
difpofés circulairement , 8c qui en-renferment
dans leur enceinte deux autres plus petits. Sur
le derrière' de la tête , 8c- vis-à-vis l’intervalle des
deux.yeux, on remarque encore deux nouveaux
efpaces plus étendus que les précédens.
La mâchoire fupérieure eft armée de part 8c
d’autre de deux grandes dents recourbées , &r
renfermées dans une même membrane. Le bord
de la lèvre fupérieure eft d’une couleur blanche
fur les côtés*
Le tronc eft couvert fupérièurement de dix-fept
rangées d’écailles ovales & relevées en carène,
excepté les rangées latérales , oh l’on n’obferve aucune
faillie. L ’abdomen eft garni de cent quarante-
quatre grandes plaques, 8c la partie inférieure de
la queue de trente-neuf paires de petites plaques ,
affez larges, excepté la dernière paire qui eft en
pointe aiguë. La couleur de tout le corps eft noire.
La variété B diffère de la précédente par fa
couleur. La mâchoire fupérieure, dans cette variété
, eft mouchetée de taches blanches 8c noires.
Sur le dos , qui eft d’une couleur cendrée , règne
d’un bout à l’autre une.bande découpée fur les côtés,
en forme d’échancrures, & les parties latérales du
corps font marquées de taches noires, qui cor-
refpondent aux différentes finuofités de la bande
dont on a parlé.
On trouve ce Serpent dans différentes parties de
l’Europe. Selon Linnæus la variété B eft affez commune
en Suède , 8c ceux qui vont nuds pieds pendant
l’été , dans les champs , les près & les bois ,
font fouvent mordus par ce Serpent, dont le poifon
eft a éfif, 8c occaffonne bientôt l’inflammation ,
la douleur, l’enflure ôc autres fymptômes fâcheux ,
mais qui rarement fe terminent par la mort. ( L in.
ïbid. )
La Vipère fe trouve en France, fur-tout dans le
Dauphiné & le Poitou. Lorfqu’elle eft parvenue à
fon entier accroiffement , elle a deux pieds de
long , .ou même davantage , & fa grofîeur eft au
moins égale à celle du pouce d’un homme. La tê te ,
eft plate; elle a une efpèce de rebord formé par la
peau , qui eft comme retrouffée autour de la
mâchoire fupérieure. La Vipère diffère à cet égard
de la couleuvre , qui a ce même contour émoufîe
8c rabattu, & dont la tête eft d’ailleurs plus pointue
& plus étroite , à proportion des autres parties du
corps. La tête de la Vipère a un pouce de longueur ;
fa largeur, qui eft de fept à huit lignes vers le -
fommet, va en diminuant infenfiblement , enforte
qu’elle n’eft plus que de quatre ou cinq lignes à
l’endroit des y eu x , 8c de deux lignes feulement vers
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le bout du mufeau. Sa hauteur ou fon épaiffeur eft
d’environ deux lignes 8c demi.
Les ouvertures des narines font rondes , petites 9
& fituées de part 8c d’autre fur le devant du mufeau.
Les yeux font très-vifs & ont le regard fixe 8t
hardi. Il n’y a aucune ouverture extérieure qui
puiffe tranfmettre le fon à l’organe de l’ouïe ; les
trous des narines y fuppléent.
Le nombre des dents varie dans les différens
individus; il y a de chaque côté de la mâchoire
fupérieure une 8c quelquefois deux dents , qui
ont environ deux lignes de long , 8c qui fixât
crochues, blanches, creufes , diaphanes 8t très-
aiguës. Chacune de ces dents eft environnée, à
peu-près jufqu’aux deux tiers de fa hauteur, d’une
tunique ou véficule affez épaiffe , remplie d’un fuc
jaunâtre , tranfparent 8c médiocrement liquide»
Dans cette véficule, 8c fous la principale dent ,
il fe trouve depuis deux jufqu’à fept autres dents ,
inégales , crochues 8c implantées dans de petits
creux que la groffe dent a près de fa racine. Elles
paroiffent deftinées à la remplacer , lorfqu’elle eft
tombée naturellement ou par accident.
Les longues dents canines font ordinairement
couchées lur la mâchoire , & leur pointe ne pa-
rQÎt qu’au moment ou la Vipère veut mordre. Alors
elle les redreffe , les avance conjointement ayec
la mâchoire fupérieure, 8c les-enfonce en même-
temps qu’elle fait couler fon venin dans la plaie.
Les Phyficiens ont fait plufieurs recherches fça-
vantes fur le liège 8c la nature de ce venin, mais
dont le détail n’eft point de notre objet.
Les mâchoires fupérieure 8c inférieure font de
plus garnies de huit dents, ou même davantage ,
îemblables aux grandes dents, mais beaucoup plus
petites.
La langue eft compofée de deux corps ronds 8c
charnus, qui adhèrent l’un à l’autre jufques vers
les deux tiers de leur longueur, 8c qui fe terminent
en pointes très-flexibles 8c très-aiguës. Elle eft renfermée
d’un bout à l’autre dans une efpèce de
gaine. L ’animal la darde & la retire par des mou-
■ "Vemens fucceflifs & très-rapides ; mais cette langue
ne pique point, 8c n’a rien de nuifible. Elle fert à
la Vipère principalement pour attraper les petits
animaux qu’elle veut dévorer. 11 y a des Vipères
dont la langue a trois 8c même quatre pointes. £
Le cou , vers l’endroit de fa naiflance , eft environ
de la grofîeur du petit doigt. Celui des mâles
*ft ordinairement un peu plus gros que celui des
femelles.
La peau de l’animal eft toute couverte d’écailles.'
Les grandes lames qui garniffent le ventre , au
nombre de cent quarante-fix , ont une couleur
d’acier dans toute l’étendue de leur furface , en
| quoi elles diffèrent de celles de la couleuvre, qui
j font ordinairement mouchetées de jaune. Les petites
écailles qui couvrent toute la partie fupérieure
de l’animal font arrondies par leurs extrémités
, recouvertes çn partie les unes par les,
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iu fres , 5c difpofées dans un ordre très - régulier.
Elles forment des rangs qui fe croifent 8c le pré-
fentent toujours obliquement , de quelque côté
qu’on fe place pour les regarder. Elles diminuent de
grandeur à proportion de celle des parties qu’elles
garniffent, 8c elles font ftriées par plufieurs lignes
droites, déliées & diftinâes, qui s’étendent depuis
le derrière de la tête jufqu’à l’extrémité de la queue.
Cette denfère partie eft garnie en deflous de quarante
neuf paires de petites plaques. Elle eft plus
longue 8c plus groffe dans le mâle que dans la femelle.
Elle a environ quatre travers de doigt de
longueur ;mais celle des femelles n’en a guères que
trois. La queue du mâle, prife à l’endroit de fa
naiffance, eft à-peu- près de la grofîeur du cou ;
elle fe termine en pointe, de meme que la queue
de la femelle ; ni l’une ni l’autre ne piquent 8c ne
font venimeufes.
Le fond de la couleur eft différent dans les divers
individus. Il y a des Vipères de couleur blanchâtre ,
rougeâtre , grife ,■ jaune & tannée. Ce fond eft
toujours pariemé de taches noires, ou du moins
beaucoup plus obfcures que le refte ; ces taches
paroiffent comme des chiffres ou des caraâères de
différentes figures , diftribués avec une forte de
fymétrie , principalement fur la furface fupérieure
8c fur les côtés du corps.
La femelle met fes petits au jour par une ouverture
qui eft au bas du ventre , 8c à laquelle abou-
tiffent l’anus & les parties de la génération. Ce que
les Vipères ont de particulier, c’eft que leurs petits
reçoivent leur entière perfeftion dans la matrice de
la femelle , 8c qu’ils en fortent vivans 8c en état de
courir, au lieu que les oeufs des autres Serpens ,
après avoir été dépofés , ont befoin d’un certain
temps pour éclorre. Les Vipères s’accouplent ordinairement
deux fois l’année , 8c portent quatre ou
cinq mois leurs Vipereaux, qui font au nombre de
vingt ou vingt-cinq.
On fçait combien la morfure de la Vipère eft
dangereufe ; mais on a exagéré les périls auxquels
font expofés ceux qui la rencontrent. Elle n’attaque
jamais ni les hommes, ni les animaux , à
moins qu’ils ne l’irritent 8c ne la tourmentent. Naturellement
paifible, elle ne devient cruelle que
pour fe défendre ou pour fe venger, 8c s’il arrive
quelquefois qu’elle morde une perfonne endormie
à la campagne,, il faut néceffairement que cette
perfonne l’ait foulée 8c preffée fans y faire attention.
( Mem. de V Acad, des Sciences, T. 111, defeript,
de la Vipère, par M. Charas ).
Cependant, lorfque la Vipère eft preffée par là
faim, elle fe jette fur -les Cantharides, les Scorpions,
les Grenouilles, les Souris, tes Taupes,
les Lézards & autres animaux femblables, qu’elle
avale tout entiers, après les avoir tués avec fes
grandes dents ; & comme la capacité de fon efto-
mach n’eft pas toujours affez grande pour contenir
tout ce qu’elle a avalé , le refte eft- dans
fon oefophage»
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La Vipère ne rend pas beaucoup d’excrémens ,
& ils n’ont point de mauvaife odeur , comme ceux
de la Couleuvre , qui exhalent une puanteur d’urine
gardée & corrompue. Charas a ouvert des
vaiffeaux dans lefquels on avoit confervé des
Vipères en v i e , & il ne s’eft point apperçu qu’il
en fortît, comme on le prétend , un air infeéle 8c
nuifible , à moins qu’il n’y eût dans le vafe quelque
Vipère morte & corrompue.
Les Vipères ne bondiflent ni ne fautent jamais
en quoi elles diffèrent des autres Serpens : elles
rampent aufîi avec plus de lenteur. Elles ne font
point de trous dans la terre pour s’y cacher ,
comme font les autres Serpens ; mais elles fe cachent
ordinairement fous des pierres ou dans de
vieilles mazures, où on les trouve affez fouvent
entaffées & entortillées en grand nombre. Quand
il fait beau, elles fe retirent fous des buiffons 8c
fous des herbes touffues.
Elles changent de peau tous les ans au printemps,'
& même quelquefois en Automne. Sous la peau
écailleufe qu’elles quittent, il s’en trouve une autre
qui eft toute formée , 8c qui paroît d’abord beaucoup
plus belle 8c d’une couleur plus éclatante que
celle qu’elles ont quittée. Bientôt il fe forme infen-
fiblement une nouvelle peau , deftinée à remplacer
celle qui recouvre actuellement la Vipère , ea
forte que cet animal a en tout temps une double
peau. Toutes ces peaux, quoique garnies d’écailles,
font tranfparentes lorfqu’on les préfente à la lumière.
Les Vipères peuvent vivre plufieurs mois fans
manger. Quoiqu’elles foient avides de Lézards ,
lorfqu’elles font en liberté , Charas ayant jette
de ces animaux vivans dans ün baril où il tenoit
un grand nombre de Vipères en v i e , 8c y ayant
laine les Lézards pendant plufieurs jours, les Vipères
ne leur firent aucun mal. ( Mém. de VAcad. des
Sc. I d . )
M. Laurenti, qui a fait plufieurs expériences
fur le venin des Vipères, a remarqué que de plu-,
fleurs morfures fucceflives. faites par cet animal ,
il n’y avoit que la première qui fût abfolument
mortelle ; que le venin s’épuifoit peu à peu par
les morfures , 8c devenoit toujours moins nuifible
, en forte qu’il falloit laiffer paffer quelques
jours dfintervalle pour que le venin fournit de
nouveau 8c recommençât à agir avec fa première
a&ivité. ( L aur . Spec. Med. p. 2 13 ).
Ce fait étoit connu anciennement. Gefner rap-»
porte, d’après. Gallien , que les Marfes , qui fe
vantoient d’avoir un fpécifique affuré contre la
morfure des Vipères , n’employoient d’autre fecret
que celui de les forcer de mordre fréquemment
de la chair qu’ils leur préfentoient, jufqu’à ce que
leur venin fût épuifé , après quoi ils fe faifoient
mordre eux-mêmes en public, par ces animaux,
fans qu’il en réfultât aucun accident fâcheux. (G esn.
de Vip. p. 75 ).
R e d i, qui a travaillé fur -le même fu je t , 3
T t t t ij