
T O R T I E S ,
face de l’eau, de s’y tenir comme immobile,
Si de defeendre au fond, enforte que le
poumon lui tient lieu de la veille pleine
d’air qui fe trouve dans la plupart des
poiffons.
On a fou vent remarqué qu’aufli-t ôt qu’une
Tortue eft mife dans l’eau, elle jette par la
gueule ou par les narines , plufieurs bulles,
qui font apparemment formées par l’air
qu’elle a de trop dans l'on poumon, pour fe
maintenir dans un jufte équilibre, 8i être en
état de monter ou de defeendre à volonté,
en donnant à fon corps un volume plus ou
moins conlidérable , félon qu’elle dilate ou
comprime l’air intérieur deftiné pour l’execution
de ce méchanifme.
L ’expérience vient ici à l’appui du raifon-
nement. On a enfermé une Tortue vivante
dans un vaiffeau plein d’eau, fur lequel on
a attaché exactement avec de la cire un couvercle
d’où fortoit un tuyau de verre. Le
vaiffeau étant plein de manière que l’eau
répondoit au bas du tuyau de verre, on a
remarqué qu’elle montoit 8c xlefcendoit alternativement.
O r , ce double effet ne peut
avoir lieu que par l’augmentation & par la
diminution du volume de la Tortue. Il y a
donc apparence que l’eau baiffoit dans le
tuyau, lorfque la Tortue réduifoit fon vo lume
à un plus petit efpace, par la com-
preffion de l’air renfermé dans fon poumon,
& qu’au contraire , lorfqu’elle dilatoit cet
a i r , pour reprendre fon premier volume ,
l ’eau remontoit dans le tuyau à la hauteur
où elle étoit auparavant.
Ariffote St Pline ont remarqué quequand
les Tortues ont été long-temps fur l’eau
pendant un temps calme, il arrive que leur
écaille étant defféchée au foleil, elles font
aifément prifes par les pêcheurs , parce
qu’étant devenues trop légères , elles ne
peuventfe plonger danslaffleraffez promptement.
Cètte obfervation fait voir combien
la caufe qui les maintient en équilibre
eft exaâement proportionnée à l’ effet qu’elle
doit produire, puifqu’un aufli petit changement
que celui qui arrive par le feul def-
féchement de l’écaille , fuffit pour arrêter
T o r t u e s .
l’aûion de cette caufe. ( Mémoires pour firv ir a
VHifloire Naturelle des animaux, par M. Perrault,
fécondé partie, pag. 31.9 Si fuiv. )
M. le Chevalier George Ent ayant comparé
les poids d’une Tortue pefee en Automne
8c au Printems , voici quels furent
les réfultats de fes obfervations.
Le 7 Odobre 1651 , il pefa exaûement
la Tortue avant qu’ elle fe cachat fous terre.
Son poids étoit de quatre livres trois onces
8c trois drachmes. Le 8 Octobre 16 5 2 .,
ayant tiré la Tortue de la terre où rile
s’étoit enfouie la veille, il trouva qu elle
pefoit quatre livres fix onces 8c une .drachme.
Le 16 Mars 1653 , la Tortue fortit d’elle-
même de fa retraite : elle pefoit alors quatre
livres quatre onces. LeqOftobre 1653 , la
Tortue qui avoit été quelques jours fans
manger, fut retirée du trou où elle- s etoit
enterrée ; fon poids étoit de quatre livres
cinq onces. Les yeux qu’elle avoit eus
long-temps fermés étoient dans ce moment
ouverts 8c fort humides. Le 18 Mars 1654»
la Tortue fortit de fon trou, 8c mife dans
la balance, pefoit quatre livVes quatre onces
8c deux drachmes. Le 6 Oûobre 1654 ,
étant fur le point d’hiverner, elle pefoit
quatre livres neuf onces 8c trois drachmes.
Le dernier Février 1655 » î°Vir apquel
Tortue avoit abondonné fa retraite , fon
poids étoit de quatre livres fept onces 8c
fix drachmes. Le dernier Février 16^5 ,
jour auquel la Tortue avoit abandonne fa
retraite , fon poids étoit de quatre livres
fept onces 8c fix drachmes. Ainfi elle avoit
perdu de fon ancien poids une once 8c cinq
drachmes. Le 1 Oûobre 1 6 5 5 , la Tortue,
avant de fe retirer dans fon trou, pour y
paffer l’h y v e r , pefoit quatre livres, neuf
onces. Elle avoit déjà paffé un peu de temps
fans prendre de nourriture. Le 25 Mars
1 6 5 6 , la Tortue, au fortir de fon trou,
pefoit quatre livres fept onces 8c deux
drachmes. Le 30 Septembre 1 65 6 , laTo r-
tue , fur lé point de fe retirer dans la terre ,
pefoit quatre livres douze onces 8c quatre
drachmes.Enfin,le 5 Mars 1 6 5 7 , laTortue,
de retour fur la terre , pefoit quatre livres
onze
T o R TUES.
onze onces 8c deux drachmes 8c demie.
On peut juger par ces obfervations, combien
cet animal, ainfi que tous ceux qui
fe cachent fous terre , pour fe garantir des
froids de l’hiver , perdent peu de leur fubf-
tance par la transpiration,pendant un jeûne
abfolu de plufieurs mois. ( Colleiï. académ.
T . V I I , p. izo 8c 1 2 1 ).
Maniéré de préparer les Tortues mortes pour
Us conferver dans les Cabinets d'H floire
Naturelle.
Pour faire cette préparation , on détache
par la bafe des côtés, avec des inftrumens
convenables, la partie qui recouvré le dos,
Enfiiite on décharné 8c on vuide , autant
qu’il eft poifible, le corps de la T ortue ; on
a feulement attention de ne point enlever
la queue, ni les pattes, non plus que le
cou 8c la tête. On imprègne ces dernières
parties d’un mélange de' chaux 8c d’alun
réduit en poudre , 8c on les remplit de
coton. On arrache les yeux de leur .orbite,
8c on les remplace par des yeux d’émail qui
imitent leur couleur. On remplit l’intérieur
de la carapace fupérieure avec du foin ou
du coton; on réunit les deux parties de
l’enveloppe offeufe , dans leur fituation
naturelle ; 8c on les affujettit à l’aide d’une
ficelle. Voilà pour ce qui regarde les petites
Tortues. Celles qui font grandes peuvent
être décharnées 8c vuidées avec plus
d’art, par des incifions faitès à la peau,
vers les épaules 8c vers la queue. Les deux
grandes ouvertures qu’offre l’enveloppe
offeufe vers fes deux extrémités , donnent
la facilité d’y inférer des inftrumens propres
à cet effet, 8c d’enlever toutes les
parties qui rempliffent cette enveloppe,
fans être obligé de la féparer en deux,
comme cela fe pratique pour les petites
Tortues. ( D icl. raifonné d’h fl. nat. par M.
V a lm o n t de Bom a r e . T . I X , p. 62 ).
Tortue de terre.
Une Tortue de terre prife fur les côtes
H floire Naturelle. Tome. I l,
T o r t u e s .
de Coromandel 8c apportée en France ,
avoit quatre pieds de long, depuis l’ex-
trêmite du mufeau jufqu’à celle de la
queue , 8c quatorze pouces d’épaiffeur.
Son écaille étoit longue de trois pieds , 8c
large de deux. Ces dimenfions font considérables
pour une Tortue de terre , quoiqu’elles
foient beaucoup au - deffous de
celles de certaines Tortues de mer.
L ’écaille 8c tout le refte de l’animal étoit
d’une couleur uniforme, c’eft-à-dire d’urt
gris fort brun. Les lames dont elle étoit
recouverte avoient la plupart des figures
pentagonales. L ’épaiffeur de cette écaille
varioit depuis une ligne 8c demie jufqu’à
dix-huit lignes.
La partie antérieure de l’écaille du deffus
avoit un rebord exhauffé, pour laiffer plus
de liberté à la tête 8c au col de s’élever. Cette
inflexion du col aide les Tortues pour
fe retourner lorfqu’elles font fur le dos ,
ce qu’elles font avec beaucoup d’induftrie :
car, ne pouvant fe fervir de leur pattes qui
ne fe meuvent librement que vers leventre,
elles tournent leur col 8c leur tête, tantôt
d’un côté , tantôt de l’autre, en appuyant
contre terre , 8c fe bercent en quelque
forte, jufqu’à ce qu’elles aient trouvé le
côté vers lequel l’inégalité de la terre leur
facilite le moyen de fe retourner , après
quoi elles dirigent tous leurs efforts de ce
même côté.
Il fe trouvoit fur l’écaille du dos', trois
lames plus grandes que les autres, 8c qui
avoient chacune fur leur milieu une convexité
haute de trois ou quatre lignes, 8c
large d’un pouce 8c demi. L ’écaille inférieure
étoit un peu concave. Il y avoit fur
le dos une plaie , que l’on avoit faite fans
doute à l’animal, en le prenant, 8c qui
n’avoit pu être confolidée, pendant plus
d’un an que laTortue avoit vécu , depuis
qu’elle avoit été prife.
Toutes les parties du corps, faillantes
hors des écailles, telles que la tête, les
épaules ,.les jambes, étoient couvertes d’une
peau lâche , pliffée par de grandes rides ,
& de plus raboteufe comme du maroquin.
S f f f