
de la chandelle s’élève d’environ deux pouces, &. le
relie paffe en deffous fuivant la longueur. Le chaf-
leur recourbe les doigts de la main gauche, dont le
dedans eft tourné en haut & le deffus vers la
terre ; il interpole, entre la lumière & les yeux ,
la main droite qu’il tient étendue, il s’approche
des haies ou «des taillis dans cette difpofition , à
la laveur de laquelle il voit mieux & eft moins
apperçu ; auffi-tôt qu’il a découvert de petits oifeaux
perchés, il faifit de la main droite le battoir qu’il
porte fous le bras, il frappe vigoureufement avec
la palette fur ce qu’il a apperçu, & à la faveur
de la lumière qu’il porte il ramaffe à terré les
oifeaux qu’il a fait tomber. Les coups qu’il frappe
doivent être forts & précipités, pour que les
branchages n’en arrêtent pas l’effet, & que les
oifeaux n’aient pas le temps de fe fauver.
Un plus grand ou moins grand nombre de
chaffeurs à la fois peut exéciiter cette chaffe , en
fe leparant à vingt pas environ les uns des autres;
mais on doitobferver le plus grand filence & faire le
moins de bruit qu’il eft poffible. Lorfqu’on a frappé
les premiers coups, il eft indilpenfable de fe
porter à une certaine diftance, puifque le bruit a
dû néceffairement effrayer & faire fuir tous les
oifeaux qui étoient aux environs.
La pinfonnée eft une chaffe deftru&ive, qui ne
petit être bonne que pour diminuer la quantité
des oifeaux trop nombreux , qui en procure fort
peu dont la viande foit un bon aliment, & comme
amufement, elle n’offre que le plaifir groffier d’af-
fommer des animaux furpris dans la nuit, qui, à
caufe de l’impoffibilité d’éviter alors le danger ,
devroit être du moins, pour tous les êtres vivansy
un temps de fureté , comme elle eft celui du
repos.
On donne encore le nom de pinfonnée à deux
autres efpèces de chaffe qui fe font aufli de nuit ;
il fuffit, pour la première , de porter une baguette
longue de cinq pieds environ , percée à un bout
d’un trou gros comme le tuyau d’une plume de
•l’aile d’un pigeon ; on fe munit d’ailleurs de gluaux
long de cinq à fix pouces enfermées dans un morceau
de parchemin & l’on porte une. chandelle
allumée, qu’on tient & dont on fe fert comme
dans la première 'manière de chaffer à la pinfonnée.
Auffi-tôt qu’on apperçoitun oifeau endormi,la tête
cachée fous une de les ailes , on adapte un gluau
au trou de la baguette , fans l’enfoncer que légèrement;
oh touche , avec l’extrémité du gluau , le
ventre de Y oifeau ,* il s’é ve ille , étend les ailes,
elles s’embarraffeht au gluau ; Y oifeau fait effort
pour s’envoler & tombe avec le gluau qui l’empêche
de pouvoir fe fauver. On le ramaffe & on
le tue promptement de peur que fon cri n’éveille
les autres oifeaux & ne leur donne l’alarme ; car rien |
ne trouble cette chaffe & n’y nuit que le bruit :
elle réuffit parfaitement fi le calme eft profond,
la nuit obfcure & le temps froid.
La troifième manière de prendre des oifeaux à
la pinfonnée, exige .plus d’adreffe que les deux'
premières, & peut, par cette raifon, quoiqu’on y
prenne moins d'oifeaux , être à plus jufte titre
•regardée comme un amufement; elle fe fait à trois
perfonnes ; la première porte un rameau dont la
tige a quatre à cinq pieds, dont la tête eft difpofée
en éventail, & n’ell compofée que de menus
brins qu’on a couverts de glu.
Le fécond chaffeur porte une torche de paille
allumée ou autre matière qui répande beaucoup de
clarté en brûlant.
Le troiftème chaffeur bat les haies, les buiffons
ou les taillis que les deux autres ne font que côtoyer.
Les oifeaux effrayés s’envolent, fe portent
vers la lumière, autour de laquelle ils tournent ;
l’adreffe néceffaire pour cette chaffe , confifte,
par raport a celui qui porte le rameau chargé de
gluaux, fi. les préfenter aux oifeaux, à les en toucher
pendant qu’ils volent autour de la lumière &. à
les faire tomber par ce moyen.
Maniéré de prendre les oifeaux à la pipée
La pipée eft une chaffe qui fe fait avec des
gluaux, fur lefquels on attire les oifeaux en imitant
leur c r i, & particulièrement celui de la
chouette. On prend à cette chaffe beaucoup d’oi-
feaux de taille & d’efpèces différentes ; mais parmi
lefquels les grives font à-peu-près lesfeuls qui foient
bons a manger. C’eft par cette raifon qu’on fait cette
chaffe plus ordinairement en automne qu’en tout
autre temps, Sc pendant les vendanges, parce qu’il
y a alors une plus grande quantité de grives. La
pipée ne réuffit d’ailleurs que très-médiocrement
au printemps & en é té ; fa faifon eft donc l’automne
; l’heure la plus favorable eft une dejni-heure
avapt le coucher du foleil, ou le matin dès l’aube
du jour jufqu’au foleil levé ; le lieu le plus convenable
eft un taillis touffu de fept à huit ans
de coupe. On y choifit, dans une clarière, en
un endroit écarté. des - routes,, un arbre de vinât
a vingt-quatre pieds de haut ; on en abat les
branches, à la. réferve d’un certain nombre des
principales que l’on éonferve , mais que l’on dépouille
de-tous leurs rameaüx ; il faut, autant qu’il
eft poffible ; que la tête de l’arbre émondé , ait
la forme d’une coupe ou d’un verre à boire, &
que les branches qu’on a confervées ne foient pas
perpendiculaires au-deffus les unes des autres ,
mais qu’elles fe rencontrent dans des efpaces vuides
entre le trajet qu’elles fuivent; on y. fait de trois
doigts en trois doigts , avec une ferpe , des entailles
obliques ; on enfonce , dans chaque entaille , un
gluau ou un petit bâton long d’un pied environ ,
couvert de glu dans les trois quarts de fa longueur ,
qu’on manie , & qu’on ajufte à l’entaille' par le
bout qui n’eft pas englué. On a eu/foin de préparer
les gluaux d’avance , & de s’en munir de
quelques milliers ; on les roule dans un parchemin
mouillé pour qu’ils ne s’y attachent pas, pour né
Fe pas falir, & pour les garantir «ux-mêmes. des
ordures qui s’y attacheraient.
L’arbre étant préparé &c couvert de gluaux, on
dreffe une loge autour de fon tronc : on la fait
avec des rameaux qu’on coupe dans le taillis ; on
les enfonce en terre par leur bafe a environ quatre
pieds de l’arbre dont on veut entourer le tronc,
& on les incline de façon que leurs cimes touchent
au tronc de l’arbre, & s’y réunifient comme autour
d’un centre commun. La loge doit etre affez
fpacieufè pour contenir quatre ou cinq perfonnes ,
& affez haute pour qu’elles y foient commodément ;
on y laiffe quelques ouvertures affez grandes pour y
pouvoir paffer ; elles fervent d’entree ôt a découvrir
ce qui fe paffe.
On coupe, depuis la log e , & tout autour,
jufqu’à la diftance de trente à quarante pas , les
branches qui feroient obftacle, on éclaircit le
terrein, & l’on n’y laiffe que quelques rameaux
qu’on couvre de gluaux de la même manière que
l’arbre principal.
Les préparatifs achevés, les chaffeurs fe retirent
dans la loge , & tous y gardent le plus pronfond
filence , excepté celui qui doit piper , ou imiter
le cri des différens oifeaux. Il y réuffit par divers
moyens qu’il emploie fuccemvenient , & dans
l’ordre qui fuit : il fe fert d’abçrd d’un morceau
de ferblanc , plié en deux, de la forme & de la
grandeur d’une feuille de lierre , aufli pliee fur
elle-même ; les bords de cet inftrument font
applatis, appliqués l’un contre l’autre, il eft arrondi
& concave vers fon fond, dont le milieu
eft percé d’un trou rond du diamètre d’un pois.
Au .défaut de cet inftrument le chaffeur fe fert
d’une feuille de lierre pliée dans fa longueur ,
percée dans fon milieu d’ün trou rond. 11 paffe
l’index de la main gauche entre la duplicature de
la feuille, le courbe de manière que la jointure
réponde au trou, tandis que du pouce &. de l’index,
il contient les bords appliqués l’un à l’autre ; il
lès pince avec les lèvres , &. fon fouffle a travers
cette feuille ou à travers l’inftrument de ferblanc ,
imite le cri du geai. A ce fon on voit arriver
les roitelets les premiers, ils font bientôt fuivis
par les rouges-gorges, enfuite viennent les mçfanges ,
& après elles les pinfons. On ramaffe le premier de
ceux-ci qui fe prend & qui tombe avec le gluau qu il
a touché ; on l’emporte, on le fait crier dans la
loge par les' tourmens qu’on lui fait endurer ; car
pour réuffir à la pipée, il faut joindre la cruauté
à la rufe.
Les geais & les pies arrivent aux cris du pinfon;
alors le pipeur change d'apeau ; il fe fert d’une
.forte à’anche , faite de deux morceayx dç b o is ,
longs comme le doigt &. grçs comme un .demi-
travers de : doigt, entre lefquels eft place un
ruban de foie , pu il prend une feuille de gramen
ou chiendent, dont il a eu foin d’aporter un paquet
dans là loge ; il l’étend à plat entre fes deux
lèyrçs avec lesquelles il la pince , ayant foi» de
Hifloire NaturelleTome' IL
ne l’enfoncer que jufqu’âu milieu de fa largeur i
fon fouffle imite alors le cri d e là chouette. K ce
fo n , les pies & les geais , qui ne s’étoient apro-
chés qu’aux environs , aux cris du pinfon , fe précipitent
fur l’arbre aü-deflus de la log e , & eu
tombent embarraflés par les gluaux. On faifit un
geai ou une p ie , comme on a fait un pinfon, &C
leurs cris attirent encore plus puiffamment tous
les oifeaux de leur efpèce qui les entendent des
environs.
Cependant les merles plus méfians que les autres
oifeaux , rodent autour du lieu où fe fait la pipée,
en aprochent moins, & ne le prennent guère
qu’aux gluaux préparés dans les clarières. Auffi-
tôt qu’on en a pris un, on attire par fes cris les
autres merles & les grives, qui arrivent les dernières,
mais qui fe précipitent inconfidérément
fur les gluaux; lorfqu’on n’en voit plus venir, o»
peut être affuré que l’heure de la chaffe eft paffée ,
& qu’on aitendroit vainement plus long-temps.
Il fu it ,'d e ce que je viens d’expofer, que la
pipée eft l’art d’attirer les oijeuux en imitant leur
cri. Il ferqit donc plus fimple , & je crois plus
fu r , de porter d’abord dans la loge les oifeaux dont
on veut imiter le c r i, d’autant plus que ces oifeaux
ne font ni rares , ni difficiles à le procurer
d’une autre manière. Une dernière obfervation ,
.c’eft que toutes les fois qu’on fort de la logé pour
ramaffer quelque oifeau, on doit fe g liffer, à demi-
courbé le long du taillis | fe montrer le moins &
le plus court efpacè de temps qu’on le peut, pour
ne pas effrayer les oifeaux qui rodent aux environs#.
Manière de prendre les petits oifeaux à la rafle.
L a rafle eft un filet contremaillé , de dix a'
douze pieds de long , fur fix à fept de large : on
; le borde des deux côtes, fuivant fa longueur g
d’une corde , au moyen de laquelle on l’attache a:
deux perches de douze à quatorze pieds de haut j
on s’en fert pour prendre la nuit les oifeaux perches
fur les haies & les taillis : deux perfonnes portent
la rafle dépliée, tendue fuivant la dire&ion de la
haie ou du taillis & l’en tiennent à cinq à fix pieds
de diftance. Une troifième perfonne. fe place en’
dehors de la rafle vers le milieu , ôc a une diftance
convenable , elle élève une torche de paille allumée
; un quatrième chaffeur, armé d’une perche
frappe au même inftant fur le côté de la haie ou
du taillis oppofé à celui qui eft du côté ^de la
rafle. Les oifeaux effrayés s’envolent du côté oif
ils aperçoivent de la lumière, fe jettent dans la
rafle, & fe prennent dans les mailles ; il ne faut
pas longer à les dégager auffi-tôt qu’il y en a
quelques-uns de .pris , mais attendre que le batteur
n’ên faffe plus fortir de la haie. Cette chaffe eft
une de celles dans lefquelles on prend le plus
à'oifeaux. Elle exige , comme toutes les chafles
J de nuit, un profond filence, que le temps foit.
! froid , qu’on chaffe le long des haies ou des taillis
| les plus abrités &. les mieux garantis du vent du.nord*