commune disparaît devant l’intérêt particulier et qu’on ne fait pas, sur
ces prairies naturellement médiocres, les améliorations doublement
nécessaires.
Quand la vallée n’est pas tourbeuse et que les eaux s’y écoulent
régulièrement, les meilleures Graminées fourragères se développent
et les foins deviennent bons. On voit alors tous ces fonds humides
se couvrir de haies et d’arbres; des osiers, tout en fixant les berges
des fossés, augmentent le rapport de ces prairies. Les plus belles se
trouvent dans la large vallée de l’Oise, baignée de Décembre à Mars
par des inondations limoneuses; les foins de Ghauny et de La Fère*
coupés à la fin de Juin, font encore l’objet d’un grand commerce.
Mais la vallée de l’Oise n’appartient pas en propre au pays de craie ;
elle offre à la végétation de l’herbe des conditions qu’on ne retrouve
plus dans les vallées de la craie. Les cantons de Môy, de Ribemont,
de Chauny, de La Fère qu’elle traverse, contiennent respectivement
1.000, 1.100, 2.500, 2.500 hectares de prairies, alors que les cantons
voisins de Saint-Quentin, de Bohain, du Catelet, de Saint-Simon
n’en renferment que 72, 30, 80, 300. Mais malgré leur faible étendue
certaines petites vallées possèdent des prairies réputées. On connaît
de tout temps les excellentes prairies flottées de la Bresle, surtout
autour de Gamaches ; on a ouvert, le long de la rivière, de petits
canaux munis d écluses d’où l’on dérive l’eau sur les prés par des
fossés et des rigoles ; l’irrigation ne nuit pas au service des moulins
et donne des foins renommés. Localement, sur les points bien
arrosés et bien drainés, on peut trouver d’aussi belles prairies, dans
la vallée du Liger et de la Yimeuse, des Evoissons, du Thérain et du
Thérinet, de la Serre, de l’Authie et de la Ternoise *. Mais nulle part
elles ne sont mieux entretenues, ni plus continues que dans les vallées
étroites du Haut-Boulonnais, la Course, l’Huitrepin, la Créquoise, la
Planquette, la Lys, l’Aa; à parcourir les villages qui s’étirent le long
de ces toutes petites rivières, on éprouve une rare impression de fraîcheur
et de charme ; le chemin passe sous une voûte de grands arbres
entre des herbages qui se rejoignent de hameau à hameau (Pl. XVI) ;
l ’eau, réglée par des vannes, circule à travers les prés, étalant leur
bande verte au pied des hauts versants de craie. Tandis que les plateaux,
étroits et difficiles d’accès, ne portent au milieu de leurs champs
cultivés que de grosses fermes isolées, tous les villages descendent
dans les vallées ; ils s’y répandent au bord des prairies, à proximité
de leurs bestiaux. Ailleurs, sur un sol moins accidenté, sur les champs
1 Pour l’étendue des prairies et des irrigations, voyez la Statistique manuscrite au
bureau des Ponts et Chaussées dans les ehefs-lieux de département.
de limon, ce sont les plateaux qui reçoivent les villages ;' ici l’attraction
vient des vallées.
I I I
LES MOULINS ET LES USINES
Les vallees, où se localise la force motrice hydraulique, attirent
des moulins et des usines. La valeur des rivières de la craie comme
productrices de « houille verte » repose avant tout sur la constance
de leur débit ; mais cette qualité ne rachète ni la modestie de leur
volume, ni la faiblesse de leur pente. Les établissements industriels
s’empressent sur leurs bords, mais par leurs faibles dimensions ou
bien par la faible quantité de force qu’ils empruntent à l ’eau, ils
restent à la mesure de l’hydrographie1.
Pour le débit et pour la pente, nos rivières de la craie ne peuvent
offrir les mêmes ressources que les rivières de pays mieux arrosés
et plus accidentes. Elles ne peuvent rivaliser, par exemple, ni avec
les rivières Vosgiennes, ni avec celles de la Suisse Normande. Deux
petits affluents de la Meurthe, la Plaine (11.500 hectares) et le Rabo-
deau (15.000 hectares) roulent en débit moyen, l ’un 1.500 litres,
1 autre 3.000 ; or, il faut a 1 Ancre un bassin de 24.500 hectares pour
recueillir 1.500 litres comme la Plaine; à la Selle un bassin de
57.000 hectares pour réunir 3.000 litres comme le Rabodeau. Si nous
prenons nos points de comparaison dans les hauteurs boisées et
humides qui couvrent l’Ouest du département de l’Orne, nous observons
le même contraste. Le Thérain (4.800 litres) et la Rouvre
(4.578 litres) drainent des étendues tout à fait inégales, le Thérain
125.000 hectares, la Rouvre 33.786 hectares. La Ternoise, affluent
de la Canche, roule 3.738 litres pour un bassin de 32.800 hectares;
au contraire, le Noireau 3.634 litres pour 10.255 hectares. Pour
1 abondance de l’alimentation, les rivières picardes restent donc fort
en arrière des cours d’eau que favorisent davantage les chutes de
pluie, 1 altitude du relief et le boisement du sol. Toutefois quelques-
unes l’emportent sur les autres par le volume de leurs eaux et leur
puissance de travail; ainsi la Brësle (68.000 hectares) dépasse de
1 Les chiffres relatifs aux rivières qui n ’entrent pas dans notre étude régionale sont
empruntés à Paquier 238, et aux articles du Dictionnaire de la France de Joanne. Les
données^ permanentes des cours d’eau de notre région viennent de l’étal statistique des
cours d’eau dressé p ar le service des Ponts et Chaussées. L’état des forces h y drauliques
a été dressé par le même service. Pour le département de la Somme, nous avons
pu les consulter à Amiens grâce à l’obligeance de M. Pierret, ingénieur en ’clief