sistance d’argiles, de sables ou de marnes offrent d’innombrables
irrégularités, des hauteurs enchevêtrées, une topographie bosselée
et incertaine. Tandis que sur la craie il faut marcher longtemps pour
rencontrer une vallée et que les ravins qui s’y creusent s’enfoncent
entre des côtes incultes, âpres et sauvages, la variété des couches
dans le Bray multiplie les apparitions de l’eau ; entre les vallons
humides s’étendent les haies vives, les arbres, les herbages ; la pâture
l’emporte sur la culture. Ici, comme dans le Boulonnais, le contact
entre les deux économies rurales ne s’accomplit pas brusquement à
la manière d’un contact géologique; la pâture, débordant de proche
en proche de la dépression humide, monte sur le plateau de craie
dont l’argile à silex compense l’aridité ; et pendant longtemps l’herbage
se mêle aux champs avant de disparaître. Tandis que sur les
confins du pays de Bray l’extension des herbages annonce des conditions
nouvelles dans l’exploitation du sol, on voit en même temps
se transformer les conditions de l’établissement humain ; au pied de
la falaise de craie, dès que les couches argileuses arrivent à la surface,
les sources jaillissent et les villages viennent s’établir au niveau
d’eau : ainsi Tillard, Abhécourt, Frocourt, Val-de-l’Eau, Yessen-
court. Lorsqu’ils ont dû s’installer sur les hauteurs à proximité des
terres de culture, on voit leurs habitants descendre dans les fonds
pour utiliser les fontaines; c’est ainsi que, de Hodenc-l’Evêque; on
va chercher de l’eau potable près de la Grosse-Saulx et porter le
linge aux lavoirs de la Fontaine-aux-Moines. Puis, à mesure qu’on
pénètre davantage dans l’intérieur du Bray, la loi de l’eau devient
moins impérieuse ; les fermes peuvent se répandre dans les pâtures ;
la dispersion succède au groupement.
Au Sud-Est de la plaine picarde, sur la craie qui s’enfonce vers le
Bassin Parisien se sont déposés d’autres terrains qui dessinent
d’autres formes topographiques et provoquent d’autres phénomènes
géographiques. De bas en haut, des sables, des argiles, des calcaires
se superposent à la craie (fig. S). Les calcaires se marquent
fortement dans la topographie ; de Laon à Beauvais, ce sont des
plates-formes saillantes, découpées par de brusques rentrants ou bien
même parfois isolées en tertres escarpés : « montagnes » de Laon,
de Saint-Gobain, de Noyon, de Porquéricourt, de Liancourt, de Cler-
mont. Ces remparts de pierre solide dominent des vallées profondes ;
vers le Sud, ils se prolongent en surfaces plates, tandis que la craie
moins dure se modèle en dos de terrain ; leur rebord, plus arrêté,
plus géométrique, les fait parfois ressembler à des ruines. Excellente
pierre de construction, le calcaire grossier s’annonce déjà dans la
plaine par le caractère monurçiental qu’il donne aux maisons ; vers le
Nord, à plusieurs lieues des carrières, on voit disparaître peu à peu
les murs de torchis, les chaumières de limon ; à Bailleul-le-Soc, à
Noroy, la pierre de taille fournit d’abord les seuils, les angles des
murs ; elle encadre les portes charretières des fermes ; puis, au pied
des « montagnes », elle donne de beaux villages, blancs et propres,
comme Sacy-le-Grand, la Neuville-en-Hez, Longueau-Sainte-Marie,
Saint-Martin-Longueau. Buttes arides et sèches, côtes escarpées et
rocailleuses, il n’est point sur les pentes du calcaire grossier de place
pour l’homme ; c’est au Sud seulement, qu’il forme ses larges pla-
Fig. 5. — Coupe N. O.-S. E. de Fouquerolles à Mouy, montrant le contact de la plaine
de craie et des « montagnes » tertiaires.
T, tourbe ; 1, sables de Bracheux ; 2, argile plastique ; 3, sables du Solssonnais ; 4, calcaire grossier.
teaux agricoles semés de grosses fermes et de villages populeux;
mais vers le Nord il présente aux plaines de craie un rempart massif
bastionné de forêts.
Mais au-dessous de la corniche du calcaire grossier s’entassent
des assises sablonneuses et argileuses, assises meubles au relief
adouci sur lesquelles se déroule un paysage original. Lorsque,
venant du.Santerre, de Ham ou de Koye, on approche de la montagne
de Noyon, on pénètre dans un pays mamelonné, couvert d’arbres,
véritable bocage qui monte en un large palier vers les sommets
boisés. Au bas, autour de Solente, d’Ognolles, de Libermont, puis à
l’Est autour de Guiscard, l’argile et le sable donnent leur modelé
inégal et tourmenté. Dans la saison pluvieuse les terres pâteuses et
grasses sont noyées. Entre Muirancourt et Guiscard, l’argile s’étale
à la surface du sol, entretenant dans la vallée de la Verse des flaques
d ’eau et des étangs, trahie partout dans les fonds et sur les pentes
par des peupliers, des saules et des prés. Aux environs de Noyon, la
route d’Amiens, tracée sur l’argile, resta longtemps fangeuse. Ailleurs,
comme à Biermont, le sol est entièrement sableux ; pas un caillou ;
jadis pour combler les ornières on n ’avait que d e là terre. Bebelle à
la culture, tenace et froid, le sol ne portait que des bois ; il a fallu
l’emploi prolongé des cendres de lignites pour l’ameublir et le fertiliser.