LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA CRAIE 43
dinal ; la berge droite de la vallée de la Brèche, entre le village
d’Essuilles et l’embouchure de l’Arré forme un talus continu sans
échancrure ; au contraire, la rive gauche donne une crête dentelée
par de nombreux ravins dénommés dans le langage local : le ravin
de la Truie, la vallée Descorettes, le val Plaisant, la vallée Julienne,
la Blanche-Tache, etc... Dans le profil longitudinal du thalweg, on
observe aussi des inégalités de pente qui proviennent de la nature
de la roche crayeuse ; les vallons commencent généralement par une
pente douce; au bout d’un certain trajet, ils deviennent brusquement
des ravins qui s’enracinent profondément dans le sol ; cette
rupture de pente se produit à l’endroit où le sillon creusé par les
eaux, quitte l’argile à silex des premières pentes pour atteindre la
roche fracturée et fissurée ; sur le plateau et sur l’argile, le creusement
mord à peine ; dans la craie, il s’enfonce à la faveur des
diaclases. Sur les régions élevées de la craie, qui approchent le Boulonnais
et le pays de Bray, cette érosion violente mulliplie les accidents
de terrain et donne parfois au paysage une allure sauvage et
mouvementée ; la falaise méridionale du Bray se dresse ainsi en une
énorme muraille irrégulière faite de promontoires massifs que séparent
de larges échancrures ; au sud de Noailles, on y voit se succéder
le Yal de Môle, la Pointe d’Aumont, le Fond Lucas et le Fond des
Vignes, le Mont Caumont, les Larris, le Mont de la Cornouillère, la
Côte Fontaine, le Fond de Martonval1; à leur tête, ces échancrures
aboutissent quelquefois par un profond ravin au pied d’une haute
paroi de craie presque verticale; on les appelle alors des « goulées ».
Il existe des circonstances où le modelé ordinaire des versants de
craie disparaît devant des formes plus hardies et plus instables.
Tantôt l’érosion fluviale, s’attaquant aux berges concaves les maintient
en une falaise verticale ; entre Péronne et Gorbie, les escarpements
crayeux de la vallée de la Somme portent les traces fraîches
encore des attaques de la rivière; l’érosion pluviale n’a pas eu le
temps'd’adoucir les pentes et d’arrondir les profils. A l’Est des « Bas
Champs », l’antique falaise dont les flots minaient jadis le pied est
revenue à l’état de simple colline ; mais partout où la craie demeure
exposée à -l’érosion marine, elle se dresse en murs verticaux; un
peu au-dessus -du niveau de la mer, on observe très fréquemment
des grottes semblables à des galeries de mines, placées au point d’intersection
d’une diaclase et d’un jo in t; sur ce point faible, les coups
de mer, chargés de sable et de galets, ont creusé un trou qu’ils
1 Graves, S4o, 1842, p. 8-9.