perché sur un roc, il n’y avait qu’un seul puits qu’on craignait de
voir tarir le jour de la foire ; aussi le juge en gardait la clef. Partout
aujourd’hui on protège les puits avec soin ; tantôt on les enferme au
milieu d’un treillage dont la porte est cadenassée, la clef remise aux
gens seuls qui ont le droit d’eau ; tantôt on les couvre d’un toit de
chaume très bas qui les garde des souillures et des poussières. Aussi
les puits sont rares. On en compte 4 à Halinghen, 423 habitants
(canton de Samer), 7 à Ferfay, 995 habitants (canton de Norrent-
Fontes), 8 à YiUers-l’Hôpital, 416 habitants (canton d’Auxi), 8 a
Canlers, 221 habitants (canton de Fruges), 8 à Quilen, 115 habitants
(canton d’Hucqueliers), 10 à Pommera, 389 habitants (canton
d’Avesnes-le-Comte), 5 à Farbus, 464 habitants (canton de Vimy),
6 à Morval, 229 habitants (canton de Bapaume).( On les répartit
méthodiquement dans le village et parfois les quartiers se désignent
par leur puits. C’est autour d’eux que se pressent les maisons ; la
nécessité d’avoir l’eau à proximité conduit les habitants à se grouper.
Mais cette eau atteinte au prix de tant de frais et d’efforts est
encore fugitive ; elle souffre des vicissitudes de la nappe souterraine.
La moindre succion artificielle, pratiquée sur la nappe, fait baisser
le niveau de l’eau dans les puits. Lorsque, dans la vallée de la
Somme à Happlaincourt, on construisit un nouveau puits, on dut
approfondir les puits de Villers-Carbonnel, village du plateau voisin.
Partout où des forages tirent de la nappe des quantités d’eau inusitées,
les puits des environs baissent ou tarissent. Depuis que la
sucrerie de Nauroy est construite, les puits baissent au moment du
travail; la commune réclame à la sucrerie une fontaine pour le
quartier privé d’eau. Mais en dehors de ces dépressions accidentelles,
les puits subissent, comme les sources et les rivières, les sécheresses
de l’été. Lorsque par surcroît la chaleur a tari les mares, les puits
ne peuvent pas suffire à alimenter les fermes. Ce serait une besogne
trop longue. Les habitants éloignés des puits en rapportent l’eau
sur de petits chariots, appelés traîne-seilles, traînant un seau volumineux;
mais pour abreuver tout le bétail de cette manière, il faudrait
passer la journée à tirer de l’eau ; à Formerie, on prévoit cette
difficulté pour les incendies; une vieille coutume veut que chaque
propriétaire ait devant sa porte un récipient contenant de l’eau pour
approvisionner les pompes en cas de sinistre. L’usage d’un puits est,
en outre, une besogne très fatigante ; il faut remonter, d’une profondeur
qui dépasse souvent 50 mètres, la lourde seille d’eau ; la
manoeuvre de la manivelle exige deux personnes ; tout un personnel
spécial deviendrait nécessaire pour une extraction continue.
On voit alors, des villages élevés du plateau, descendre
vers les sources et les vallées, des voitures portant un grand
tonneau qui s’en vont chercher l’eau du bétail. D’Ansauvillers,
on descend à Bulles ou à Breteuil. A Blincourt, au Nord de Pont-
Sainte-Maxence, sur la route de Flandre, les aubergistes devaient
jadis, pendant les chaleurs, aller à Villette chercher de l’eau pour
les chevaux des diligences. De Marquivillers, on fait le voyage de
Saint-An vin à deux heures de chemin ; de Royaucourt et de Ferrières,
on sé rend à la rivière de Montdidier. Dans le Haut-Boulonnais, à
Halinghen, à "Widehem, à Lefaux, on a vu atteler cinq chevaux pour
aller prendre de 1 eau à Frencq. On conçoit que de pareils voyages,
a 4, 5, 6 et même 10 kilomètres, soient épuisants et ruineux.
Mares, citernes et forages.
Pour suppléer à la rareté des puits et à la faiblesse de leur débit
d’été, les habitants des plateaux tirent parti des eaux de pluie. La
mare fait, au même titre que le puits, partie de l’attirail obligé d’un
village de plateau. On la creuse dans un endroit où les eaux pluviales
peuvent facilement se réunir. Quand ce fond n’est pas argileux,
il reste perméable quelque temps, puis il se colmate de vase ; il faut
alors se garder de le curer si l’on veut qu’il conserve de l’eau. Très
souvent la mare est propriété communale ; quand la commune est
riche, elle 1 entoure d un mur en maçonnerie, elle lui assure l’ombre
de grands arbres et veille à son entretien. C’est l’abreuvoir des bestiaux.
Il est bien difficile de la protéger de toute contamination ;
l’eau de lavage des rues et les saletés des bêtes l’ont bientôt souillée.
Certains paysans sont persuadés que ce liquide jaunâtre améliore la
qualité du cidre. En realite 1 eau de mare peut devenir un vrai danger
pour l’hygiène publique. Aussi, depuis que les pannes et les ardoises
remplacent peu à peu le chaume dans les toitures, on multiplie les
citernes. Les puits servent à la boisson et à la cuisson; les mares,
aux bestiaux; les citernes, à la lessive et aux besoins du ménage;
aux environs de Saint-Just-en-Chaussée, tous les bâtiments portent
des gouttières ; les menageres ne vont plus comme autrefois quatre
ou cinq fois par an, à deux lieues, essanger leur linge à la rivière.
L abondance de 1 eau donnera au paysan à la fois un surcroît de
bien-être et une garantie de propreté et d’hygiène.
Par endroits même, le problème de l’eau n’inquiète plus personne ;
on atteint 1 eau par des forages. Ce sont des industriels et des gros
fermiers qui les exécutent, mais les villages en profitent. Le forage de