CHAPITRE IV
L E S MA T ÉR IA U X DU SO L . L ’A R G IL E A S IL E X . L E S
T ÉM O IN S T E R T IA IR E S . L E S L IMO N S
F °™ aUon> n a ture et répa r ti tion. Le paysage d’argile à silex
g r a p h i q u e rnK T “ ' " j * " “ I r a i- Intérêt anlhrapogéoi
L ’ARGILE a s i l e x
Souvent, au sommet des croupes nues et arides de la craie, on
I°* u T f e étf her une cour°ûne boisée; cette apparition de
fraîcheur et de verdure dans le paysage monotone et sec révèle la
presence de 1 argile a silex sur le bord des plateaux (pl. VI).
Formation de l ’argile à silex. Sa nature, sa répartition.
L’argile à silex dérive de la craie par décalcification, par dissolution
chimique. Nous savons déjà quel rôle jouent les eaux météoriques
dans la dissolution d’un calcaire aussi pur, aussi tendre, aussi
issure que la craie. Pour imaginer l’énormité des masses de cette
roche qui ont disparu sans laisser d’autre trace qu’une légère couche
composée de leurs éléments insolubles, il faut songer à la longue
sene des siècles durant lesquels la craie fut exposée aux attaques
des agents naturels. L’assaut commença dès la fin de l’époque crétacée,
pendant la période continentale qui précéda les temps te rtiaires;
de cette désagrégation de la craie, il résulta un premier
dépôt d’argile à silex. Sa formation dut s’interrompre pendant le
tertiaire pour reprendre violemment lorsque, par une nouvelle émersion,
la surface continentale fut de nouveau exposée à l’air. L’érosion
s’empara des dépôts tertiaires et, partout où ils disparurent,
mettant la craie à jour, elle recommença à former de l’argile à silex;
il semble que l’époque pléistocène marque le maximum dans l’intensité
de ce phénomène. L’épaisseur des terrains décalcifiés lut
considérable; on peut en juger par un calcul très approximatif1.
Les argiles noires et rouges qu’on trouve au fond des poches de
sable phosphaté sur une épaisseur de 2 mètres pèsent 2 000 kilogrammes
au mètre cube; les craies qui les ont fournies ne pèsent
que 1 500 kilogrammes; elles laissent 2 1/2 p. 100 de résidu argileux,
3 p. 100 avec les silex; pour expliquer les 2 mètres d’argile à
silex, on peut donc admettre qu'il s’est dissous environ 100 mètres
de craie : ce qui suppose une puissance des phénomènes de dissolution
et de ruissellement dont nous n ’avons plus l’idée. On ne
peut pas dire qu’il se forme encore de l’argile à silex; les étendues
de craie,, exposées directement à l’air, sont rares et restreintes;
mais la dissclution se poursuit par le fond de ces poches de forme
irrégulière qui laissent pénétrer au coeur de la roche l’action lente
et invincible des eaux. Cette origine de l’argile à silex permet de
comprendre pourquoi elle ne surmonte jamais le tertiaire et ne quitte
pas la craie dont elle est le ré sid u 2.
Le contact entre la craie et l’argile à silex est très irrégulier; il se
présente comme une ligne brisée aux contours capricieux, dessinant
des saillies et des creux. Les saillies sont appelées « bonshommes »
par les ouvriers; elles se dressent comme des piliers étroits entre
les poches vides ; parfois elles forment entre deux poches voisines
une paroi tellement mince qu’il faut exclure toute idée de ravinement
pour les expliquer et s’en tenir exclusivement à la théorie de la dissolution
lente. Les creux ou poches sont remplis par des produits de
dissolution; les silex s’affaissant viennent s’appliquer contre les
parois; mais souvent, à peine déplacés, ils rappellent encore, en
une ligne concave vers le haut, les lits horizontaux qu’ils occupaient
dans la craie. On ne rencontre pas seulement l’argile à silex dans
les poches de la craie; elle se répand souvent en épais manteau à la
surface de cette roche. A l’Est d’Oisemont, dans le Vimeu, cette
épaisseur atteint 6 à 10 mètres; autour de Yervins, 3 mètres; à Lis-
bourg, près de Fruges, 10 mètres. C’est une masse argilo-sableuse
où domine l’argile. L’argile est noire quand elle contient du manganèse,
rouge quand elle renferme des matières ferrugineuses. L’état
des silex empâtés dans cet argile donne une preuve nouvelle de la
dissolution. Ils ne sont pas roulés, ce qui bannit l’hypothèse d’un
transport par les eaux. Tantôt ils restent entiers, gardant leurs
1 Lasne, 1 1 2 ,^ 1 7 1 .
2 Dollfus, 39.