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 mit à  combler  son lit  avec  de  la tourbe. 
 Toutes les vallées ne renferment pas  de tourbe.  Lorsqu’un régime,  
 analogue à celui  de la  Somme,  excluait  la  possibilité  de  crues  limoneuses, 
  la tourbe s’est formée (Bresle, Thérain, Ancre, fièv re , Hallue,  
 Avre,  Selle, Noye, Authie, Canche,  Scarpe);  elle manque, ou n’appa-  
 rait  que  par  traces,  dans  les  vallées  plus  étroites,  à  courant  rapide  
 comme  celles  qui  descendent  du  Haut-Boulonnais  (Course,  Dor-  
 dogne, Aa, L y s),  dans la vallée de la  Serre  dont la partie  supérieure  
 draine  des  terrains  imperméables  et  dans  la  vallée  de  l’Oise  qui  
 reçoit  les  eaux  de  l’Ardenne  et  de  la  Thiérache.  Quand  il  n’existe  
 pas  e  tourbe,  les  alluvions  modernes  se  composent  de  sables  et  
 surtout  d’argiles  qui  recouvrent  le  cailloutis ;  elles  s’accroissent  
 chaque  année  par l’apport  des  inondations.  Cette  dilférence  dans  la  
 nature des  alluvions qui dérive de la nature propre de chaque régime  
 établit  entre  les vallées  de grandes  différences  agricoles;  les  prairies  
 tourbeuses  valent beaucoup  moins  que  les  prairies  des  bords  limoneux  
 de  1 Oise;  ces  alluvions  modernes  de  l’Oisé  n’ont  guère  plus  
 de 0m,50  d’épaisseur jusqu’à La F ère; mais  leur puissance  augmen te  
 bientôt"et  elles fournissent les  magnifiques prairies  de  Beautor  et  de  
 Condren.  Dans  la  vallée  de  la  Serre,  entre  Assy  et La  Fère,  elles  
 ont 7 mètres1;  elles diminuent en  amont; de Dercy à Voyenne,  elles  
 disparaissent  et  découvrent  le  cailloutis ;  mais  les  débordements 
 amènent leur limon  et diminuent peu  à peu les étendues  infertiles  du  
 gravier. 
 La  tourbe recherche  les  larges  vallées  de  la  craie,  les  eaux peu  
 profondes  et peu  rapides,  exemptes  de  grandes  crues  et  de matières  
 limoneuses. La  pureté  des  eaux est une  condition très  exigeante  :  la  
 tourbe est  beaucoup moins  épaisse  au pied des  coteaux lavés par les  
 eaux d’orage qu’au milieu delà vallée où les  eaux  arrivent décantées.  
 Chaque fois  que  les  eaux deviennent  troubles,  la tourbe  cesse  de  se  
 produire;  en maints  endroits,  les alluvions de la  Somme,  de  l’Avre,  
 de  la  Selle  consistent  en  une  alternative  de  lits  tourbeux  formés  
 pendant les  périodes  tranquilles  et  de  lits  argileux  déposés par  les  
 crues  et les  avalasses;  souvent  ces lits  argileux  sont remplacés  par  
 des lits de grains crayeux  qui proviennent du ravinement des pentes ;  
 vers  la Basse-Somme,  ce  sont  des  lits  de  sable  marin  qui  s’intercalent  
 dans  la tourbe. Dans  la vallée de l’Ancre A,  on  compte 40 couches  
 de  tourbe,  épaisses  de  0m,02  à  1   mètre,  séparées  par  des  lits 
 4  B a rro is ,  204.  D’A rc h ia c ,  2,  p .  37-38.  
 s  D eb ray ,  33. 
 calcaires.  Ainsi,  l’uniformité  de  la  tranche  de  tourbe  est  d’autant  
 plus complète  que  les  conditions de sa formation  ont  été moins troublées. 
  Mais  ces  conditions varient beaucoup  selon  les vallées  et  selon  
 les  localités  :  leur  complexité  interdit  toute  concordance  entre l’ensemble  
 des  dépôts tourbeux ;  aussi,  dans la vallée  de la Somme,  leur  
 épaisseur  passe  de  10  mètres  en  face  de  Long  et  de l’Étoile  à  2  et  
 3 mètres  entre Amiens et Picquigny,  à 3m,50 et 4 mètres  entre  Som-  
 mette  et Ollezy ;  elle atteint 6  à 8 mètres  dans  la  vallée  de l’Ancre  et  
 descend  à 3  mètres  auprès  de Vitry  sur  la  Scarpe,  à  2  et 5  mètres  
 dans les marais de Sacy et de Bresles.  La formation de la tourbe exige  
 encore un fond  imperméable  sur lequel  les  eaux  puissent séjourner,  
 elle  manque  sur  un  fond  de  sable  et de  gravier  à  travers lequel les  
 eaux  s’infiltrent. En  fait, cette  condition  favorable  se  trouve  réalisée  
 dans  les vallées  de la  craie.  Dans la vallée  de la Somme1,  on observe  
 toujours  au-dessous  de la tourbe une mince couche de vase  argileuse  
 qui  sépare l’eau de la craie  ou du gravier  de fond ;  pour l’Ancre  c est  
 une  espèce  d’argile  bleue  compacte;  dans  les  marais  de  Bresles,  
 c’est un dépôt glaiseux.  A la  faveur  de  ce  sol  imperméable,  dans  les  
 eaux  limpides de la  craie, une  abondante végétation  de plantes  aquatiques  
 put  se  développer  :  Joncées,  Graminées,  Cypéracées mêlant  
 leurs  détritus  à  ceux  des  Conferves  et  des  Sphaignes,  le  fond  des  
 vallées  se  combla de tourbe. 
 D e r n ie r   é p is o d e . 
 La  formation  de  la  tourbe  correspond  à  une  période  tranquille  
 d’équilibre et  de régime.  Divers indices nous  révèlent,  à une époque  
 plus  récenté,  une  faible  élévation  du  sol.  La  tourbe  de la  vallee  de  
 la  Somme,  entre Amiens  et Abbeville,  contient des masses de  tuf calcaire  
 faisant saillie  sur le  marais  à  une hauteur  de 0m,50  a  2  mètres  
 et  cachant  des  débris  gallo-romains  2.  Dans  la  vallée de  1 Ancre,  à  
 Albert,  on  trouve  aussi  des  dépôts  de  tuf  sur  lesquels  la  rivière  
 forme  une  cascade de  7 mètres.  On observe la même formation  dans  
 la  vallée  de  l’Aa  à  Saint-Ümer et dans  celle  de  l’Authie  à  Doullens.  
 Ces  tufs  ne  sont  plus  dans  l’eau  aujourd’hui ;  il  faut  admettre  que,  
 depuis  le  moment  où  des  sources  incrustantes  les  ont  déposes,  la  
 vallée  s’est  approfondie ;  l’hypothèse  se  confirme  par1  ce  fait  qu en  
 maints  endroits  le  lit  des  cours  d’eau  s’est enfoncé  dans  la  tourbe  ;  
 le  vallon de Breilly,  près d'Ailly-sur-Somme,  contient de  la  tourbe  à 
 1  Buteux,  22,  p.  104. 
 s  De Mercey,  120.  Gosselet,  70  (1901),  p.  322.  Buteux,  22,  p.  111.