en arrivant sur ces larges surfaces plates et marécageuses, elles s’y
arrêtent et s’y amortissent (pl. VII). La faiblesse des pentes (0m,43 par
kilomètre pour la Somme, 0m,25 d’Amiens à la mer) empêche les
apports d’eau excessifs et les gros écarts de débit. A Abbeville, le débit
ordinaire de la Somme s’élève à 40 mètres cubes par seconde, son
débit de crues à 80 mètres cubes*. A Picquigny, dans le canal qui
l’enserre, pendant la période 1882-1897, la hauteur moyenne annuelle
a été de 2m,20 ; les niveaux extrêmes, 2m,80 en Janvier 1891 et l m,65
en Juillet 18942. Depuis sa source jusqu’à Ham, la différence moyenne
entre les plus hautes eaux et les plus basses est 0m,30 ; entre Péronne
et Sailly-Lorette, 0m,70 ; entre Sailly-Lorette et Pont-Rémy, 1 mètre.
Les crues, très rares, sont considérées par les riverains comme des
événements exceptionnels. Les rivières voisines ne sont pas moins
tranquilles, tant qu’elles ne quittent pas la craie. Dès que la perméabilité
du sol diminue, les inondations se multiplient. L’Aa et la Lys,
qui, entre Fauquembergues et Dennebreucq, se rapprochent jusqu’à
S kilomètres, diffèrent de régime3. La Lys coule longtemps entre
des collines marneuses, tandis que le bassin de l’Aa repose en majeure
partie sur la craie blanche ; aussi, tandis que la Lys déborde souvent
dans la plaine flamande, l’Aa observe la tranquillité. Le contraste
de ces deux régimes est encore plus digne de remarque quand on
l’observe sur la même rivière. L ’Escaut reste paisible sur la craie
blanche: entre Le Catelet et Valenciennes, on ne garde le souvenir
que de rares inondations ; mais, à Valenciennes4, des affluents issus
de la craie marneuse, l’Aunelle, l’Écaillon et surtout la Rhonelle
amènent parfois à l’Escaut des masses d’eau qu’il ne peut pas contenir;
de même, plus bas, pour l’Hogneau et la Hayne dont les inondations
mettent en danger la vallée de la grande rivière. Sur la
Somme et les rivières de la craie blanche, on ne connaît pas ces
incartades de débit, car c’est presque exclusivement et presque toujours
l’eau des sources qu’elles écoulent dans leur lit.
Leur régime offre ce trait paradoxal que les hautes eaux y coïncident
avec la saison la moins pluvieuse et ses basses eaux avec la
saison la plus humide ; l’étiage se produit pendant l ’été. D’abord pour
toutes ces rivières à large vallée, aux bras lents et étalés, la surface
d’évaporation devient considérable ; pendant les chaleurs de Juillet,
' Dutens, 340, I, p. 456. Le débit de l i Scarpe Supérieure à Saint-Nicolas est de
1 mètre cube p ar seconde en étiage, l m3,50 en temps ordinaire, 6“3,60 dans les crues
moyennes. A Gorbehem, 2»3,50 en étiage ; 3"3,80 en temps ordinaire.
1 Calculé d’après les Bulletins de la Commission Météorologique de la Somme.
3 Parënt, 132, p. 102.
4 Champion, 210. V, p. 154 et CXXVII-CXXX.
d’Aoûtetde Septembre, leur débit s’en trouve beaucoup affaibli; cette
particularité a même pour conséquence d’avancer les basses eaux
des rivières, alors que pour les sources elles arrivent plus tard, en
Septembre et Octobre. Ensuite et surtout, selon la loi classique de
Belgrand, les pluies d’été ne profitent pas aux sources ; elle tombent
2m
FVoportion pour- 1C
tombée p a r mois
Fie. 12. — Réqime de la Somme à Picquigny, comparé avec le régime des pluies.
(Moyennes de 1882 à 1897.)
sur un sol desséché qui s’imbibe longtemps et pendant une saison qui
favorise l’évaporation ; parfois ce sont des averses qui ne durent pas
et dont l’action ne peut être profonde; il faut des pluies persistantes
pour amener en été une montée de la Somme (fig. 12 et pl. VIII).
L’année 1893* donne un exemple remarquable de cette originale
relation entre le climat et l’hydrographie. Elle présente trois périodes
pluvieuses; la première en Janvier et Février provoque en Février et
Mars une forte hausse de la Somme ; la sêconde qui s’étend de Mai
à mi-Septembre laisse la rivière indifférente; par contre, on observe
en Juin, Juillet, Août des chaleurs considérables qui, malgré les
132 millimètres de pluie de Juillet, précipitent la baisse de la rivière;
Cf. le Bull. Comm. Mét. Somme.