à tout instant; on la voit au loin découper en taches blanches la
paroi des falaises et le versant des vallées. Des localités et des lieux-
dits lui doivent leur nom : Blanc Mont, Blanc Fossé, Montagne
Blanche, Plaine Blanche, Blanquetaque. Partout elle laisse cette
impression de blancheur uniforme. Il faut l’examiner de fort pr'es
pour y distinguer des nuances insaisissables de loin, soit la teinte
jaunâtre des éléments magnésiens, soit la couleur grise des grains de
phosphate, soit le pointillé verdâtre des grains de glauconie. Ordinairement
cette roche est si tendre que l’ongle la raye ; elle résiste
faiblement à la compression et se craquelle sous l’effort de la gelée;
ses variétés dures, qu’on emploie dans la bâtisse, ne sont que des
accidents locaux. Peu solide par sa texture qui l’expose aux destructions
mécaniques) elle n’est pas moins vulnérable, par sa composition
uniformément calcaire, à la dissolution chimique. La craie offre
en général de 90 à 98 p. 100 de carbonate de chaux; la silice, l’argile,
la magnésie, le phosphate, toujours présents dans la roche, n’en
représentent que de très faibles proportions. Un échantillon pris à
Crèvecoeur, près de Cambrai, contient 97,82 p. 100 de carbonate de
ch a u x ;!,2 d’argile; 0,88 de carbonate de magnésie; 0,1 d’acide phos-
phorique; 0,13 de silice soluble; 0,84 d’alumine et de sesquioxyde
de fe r1 ; C’est à peu près la composition de presque toutes nos craies
blanches. Dans le Boulonnais, à Samer, une craie turonienne contient
encore 82,8 p^ 100 de carbonate de chaux; deux échantillons du
cap Blanc-Nez donnent l’un 87,9, l’autre 912. Mais aux approches de
laThiérache, l’argile envahit la roche; à Esnes, près de Cambrai, la
base delà craie sénonienne contient 81 p. 100 de carbonate de chaux,
7,6 de glauconie, 2,7 d’argile ; à Maroilles, les dièves ne renferment
plus que 28 p. 100 de carbonate de chaux pour 66,84 d’une argile
glauconieuse très fine2; mais déjà au faciès argileux correspond le
paysage des pâtures et des bois. Comme le carbonate de chaux est
facilement dissous par les eaux atmosphériques chargées d’acide
carbonique, on s’explique la rapidité avec laquelle la craie se désagrège
; des épaisseurs énormes ont disparu, ne laissant sur place que
leurs argiles rouges et leurs silex; cette dissolution se poursuit sans
trêve par l’infiltration des eaux pluviales le long des fissures de la
craie. Un autre caractère de la craie est de contenir des silex, quelquefois
disséminés dans sa masse, le plus souvent disposés en bancs
réguliers parallèles à la stratification ; on en voit qui n’ônt pas plus
1 Savoye, 141.
! Pagnoul, 130, p. 38-41.
d’un millimètre d’épaisseur; les ouvriers qui les heurtent de leur
pioche les appellent des « caillasses ». Débarrassés de leur gangue
crayeuse, les silex constituent le résidu solide et insoluble de la destruction
de la craie; empâtés dans l’argile, ils forment les biefs et les
argiles à silex; déchaussés par l’érosion, ils composent les allu-
vions des rivières. La craie, enfin, est parcourue par de grandes
fissures ou diaclases qui tantôt s ’arrêtent aux joints de stratification,
tantôt traversent plusieurs bancs. Le fendillement s accroît dans les
couches superficielles à tel point qu’il devient difficile d y reconnaître
les lits de stratification et les lignes principales de diaclases*^ la
craie s’y brise en milliers de morceaux parallélipipédiques, empilés
les uns sur les autres qui sont de plus en plus petits et aboutissent
vers le haut à un émiettement presque complet; le plus souvent les
premiers bancs, décomposés ainsi par faction répétée des eaux et des
gelées, bouleversés même et remaniés par le ruissellement, présentent
l’aspect d’une brèche meuble, très perméable, sillonnée de canaux ;
par ces mille chemins, les eaux gagnentles grandes diaclases qu elles
élargissent par dissolution; ainsi se creusent dans les assises supérieures
de la craie ces curieuses poches d altération (pl. IV), remplies
de sables, de silex et d’argiles ferrugineuses, qui s’enfoncent dans la
craie blanche en un cône rougeâtre effilé vers le bas ; lorsqu’on a pu
sur une grande étendue débarrasser la craie des limons, des sables
et des cailloux qui la masquent, on voit apparaître une surface irrégulièrement
mamelonnée et bosselée, dont les cavités profondes et
les sillons capricieux sont l’oeuvre des eaux d infiltration. Roche
calcaire, roche tendre, roche fissurée, la craie présente des formes
topographiques qui dérivent de ces caractères et de ces propriétés.
Les formes de terrain.
La craie, n’étant pas une roche dure et n’offrant pas d’assise qui
soit résistante d’une manière continue, ne saurait comme le calcaire
grossier se dresser en plateaux tabulaires ; d autre part, elle donne
des ondulations à grand rayon beaucoup plus amples et moins désordonnées
que les surfaces argileuses (pl. III) ; elle ne connaît ni 1 horizontalité
parfaite des calcaires durs, ni les vallonnements confus des
assises molles. P ourvoir la craie à nu sur de larges espaces, il faut
descendre dans les vallées ; comme elle est la seule roche du pays et
que les autres la recouvrent sans participer à la structure profonde
du sol, les vallées représentent, à vrai dire, les elements essentiels
du relief crayeux. Pour ressentir une impression de relief, il faut être