l’altération de la craie et sa structure bréchiforme dans la vallée
permet l’hypothèse d’une ligne de moindre résistance qui aurait
ouvert à la rivière une route toute prête pour dessiner son coude
vers le Nord. De Péronne, elle gagne le synclinal de la Somme^
par de lentes sinuosités qui indiquent une pente très faible. Mais
comment ces méandres se sont-ils encaissés? Si l’on consulte la carte
hypsométrique de la surface de la craieL, on remarque qu’elle présente
du S. 0 . au N. E., de Rouen vers Arras, une ligne d’altiludes
maxima, essentielle pour le partage des eaux; à l’Ouest les rivières
se rendent parallèlement à la mer (Bresle, Autliie, Canche) ; à l Est,
elles s’en vont avec le même parallélisme, mais en sens opposé, vers
l’Oise (Brèche, Matz, Aronde, Thérain). Or, deux fleuves seulement
franchissent ce bombement transversal de la craie, la Seine et la
Somme ; cette traversée s’accomplit, pour l’une et l’autre, dans une
vallée a méandres encaissés. Il est permis de penser que sous le
trajet sinueux de la primitive rivière, le bombement crayeux a rejoué
comme les autres ondulations de la craie et qu’en se soulevant, il
permit à la Somme de poursuivre son creusement entre les deux
rives qui s’exhaussaient. Cette hypothèse est confirmée par tout ce
que nous savons déjà de l’histoire du sol dans cette région, par
l’abaissement de niveau de base consécutif à la formation de la Manche
qui dut provoquer un regain d’activité érosive et par le nouveau recul
de la mer aux temps quaternaires dont la preuve nous est donnée
parles anciens cordons littoraux.
Ainsi, partout c’est à l’aide de la disposition tectonique que nous
pouvons comprendre, dans ses raisons premières, la physionomie
des lieux et les lignes du paysage; l’aspect de la surface est un écho
des phénomènes de la profondeur. Cette intime harmonie de la morphologie
extérieure et de l’architecture interne dont les pays montagneux
fournissent tant de preuves éclatantes et tant d exemples
gigantesques, nous ne la retrouvons ni moins générale, ni moins
continue dans ces pays- de plaine ; la cause profonde est la même ;
seuls les effets n’ont pas eu la même grandeur.
1 Dollfus, 38. Philippson, 133, p. 133.
CHAPITRE III
L E S MA T É R IA U X DU SO L . LA C RA IE
I. Caractères généraux de la craie. L’uniformité minéralogique des assises de craie.
La description de la roche. Les formes de te r ra in. Les r ideaux. Le paysage de
craie. II. Les variétés de craie. Les craies à bâtir . La craie phosphatée :
répartition, gisements, exploitation.
I
LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA CRAIE
L’uniformité des a ssise s de craie.
Toutes les plaines qui s’étendent du Boulonnais à la Thiérache,
du pays de Bray à la Flandre, reposent sur la formation crayeuse.
L’unité d’aspect de ce large ensemble est un effet de la remarquable
uniformité minéralogique des couches de craie. Avant de connaître
leur composition et leur texture, avant d’avoir observé sur le terrain
leur communauté de nature et de formes, on demeure un peu troublé
par leur classification stratigraphique. De bas en haut, on remarque
successivement, en partant de la Craie Cénomanienne: la Craie Marneuse
à Inoceramus Labiatus, la Craie Marneuse à Terebratulina
Gracilis, la Craie à Micraster Breviporus, la Craie à Micraster Cor-
testudinarium, la Craie à Micraster Coranguinum, la Craie à Bélem-
nitelles.
Dans un pareil étagement d’assises, s’il était resté horizontal,
les couches d’en haut seules offriraient un intérêt direct à l’étude des
formes topographiques et des phénomènes géographiques puisque
seules elles constitueraient la surface du sol. Mais la craie ne garde
pas 1 horizontalité ; des soulèvements ont détruit l’ordre primitif; en
allant de Cambrai vers Avesnes, on traverse à la surface la même succession
de couches qu’on retrouve en profondeur ; toutes sont plus
ou moins intéressées dans la topographie et de leur caractère doit
dépendre la nature des contrées où elles affleurent. Déplus, la région