II
LES VILLAGES
Comment se répartissent sur le terrain les maisons dont nous
avons décrit la structure individuelle ? Par quels rapports sont-elles
unies entre elles? Se groupent-elles? Et si elles sont groupées, où
sont établies les agglomérations, quelles formes prennent-elles ?
La loi de l’agglomération.
Sur les plateaux agricoles de la Picardie, de l’Artois, du Cam-
brésis et du Beauvaisis, une loi générale qui ne souffre guère d’exceptions
veut que les maisons de culture s’associent étroitement et
qu’elles forment des agglomérations, villages ou hameaux ; rarement
elles s’écartent; entre de gros villages compacts où les habitations
se touchent, on n’aperçoit qu’un petit nombre d’exploitations
isolées. Un simple coup d’oeil jeté sur une carte d’état-major suffît à
donner l’impression de ce phénomène ; pour donner à une échelle
plus petite la même notion, on peut indiquer sur une carte d’ensemble
la proportion de la population agglomérée et de la population éparse
dans chaque commune ; on voit alors se dessiner avec un relief suggestif
cette tendance de l’habitat humain à l’agglomération, toute
puissante sur les plateaux de craie, mais beaucoup moins tyrannique
dans les Bas-Champs, dans le Bray, dans le Boulonnais, dans la
Flandre. Quelle cause a donc contraint les cultivateurs à s’assembler,
à se grouper presque toujours loin de leurs champs? Pourquoi, d’un
côté, cette agglomération, de l’autre, cette dispersion des maisons de
culture ?
On pourrait être tenté d’attribuer cette opposition à une différence
dans l’exploitation du sol. Pour les herbagers du Bray, il
est nécessaire de se trouver sans cesse auprès des bestiaux ; cette
propriété vivante exige la continuité de la surveillance et des soins ;
deux fois par jour il faut traire les vaches, puis répandre leurs
bouses dans la pâture; le nombre des allées et venues ne permet pas
que la maison soit éloignée ; aussi les habitations se trouvent au
milieu des herbages; les constructions sont éparses par la campagne
et l’on ne rencontre souvent, réunies au même endroit, que l’église,
la mairie, l’école et les boutiques de quelques commerçants. On ne
peut nier cette influence de l’économie rurale sur l’établissement
humain ; l’isolement paraît être une bonne condition pour 1 exploitation
herbagère dans le Bray et dans le Boulonnais. Mais cette disposition
ne serait pas moins utile au pur cultivateur qui tiendrait à
Fig. 27. — Le ‘phénomène de Vagglomération sur les plateaux de craie,
pa r opposition au phénomène de dispersion de la région normande.
proximité de l’habitation ses champs, ses récoltes, ses ouvriers; elle
est même très commune dans la Flandre qui présente un semis de
petites fermes établies au centre du domaine cultivé. Pourquoi
n’existe-t-elle pas dans la Picardie, l’Artois, le Cambresis, le Beauvaisis?
La cause même qui permet aux herbagers du Bray et aux culti