les plus éloignés, on débarque par chemin de fer. Le train qui vient
de la d irection d’Achiet et de Boisleux est déjà bondé d’ouvriers
lorsqu’il passe à Arras à trois heures du matin. On demeure étonné
par l’énergie de ces hommes qui, prenant sur leur sommeil et leur
repos le temps des voyages, se rendent chaque jour à leur travail
exténuant. Partout, dès qu’une usine sort de terre, elle groupe autour
d’elle les bras qui chôment dans la eampagne ; ainsi les tissages de
la vallée de la Nièvre, les papeteries de la vallée de l’Aa, les fabriques
de ciment du Boulonnais reçoivent le trop-plein de la main-d’oeuvre
rurale.
Mais tout ce monde, gagné par l’industrie, n ’a pas perdu le goût
de la vie des champs. On ne 'l’arrache qu’avec peine au milieu villageois
; tant qu’il le peut, il maintient son foyer loin de l’usine ; c’est
un cadre rural qu’il veut pour son repos. Le repos de ces ouvriers,
c’est de travailler la terre. A Ablain-Saint-Nazaire, ils se sont partagé
les terres à marne qui s’étendent vers Notre-Dame-de-Lorette
et dont les cultivateurs ne veulent pas; sur ces. sols maigres aux
pentes raides, inaccessibles aux chevaux, le mineur trouve de l’herbe
pour sa vache et quelque coin pour ses pommes de terre. A Thélus,
beaucoup de mineurs qui avaient d’abord émigré dans les corons de
Lens sont revenus au village ; là, entre leurs heures de travail, ils
donnent leurs soins à leur jardin et à leur lopin de terre.
Pour d’autres ouvriers, la migration se fait à la belle saison, et
Suite de la note de la page 413.
En n e tie rs. . . . . . 1
Estevelle . . . . . . 38
Faimpoux. . . . . . 3
F a rb u s ................
Festubert. . . . : . 20
F eu eh y ................ . . 3
Fournes. . . 2
Givenchy. . . . . . 187
Givenchy-B. . . . . 27
Iiaisnes................ . . 172
H an ta y . . . . . . . 10
Harnes . . . . 4
H e rlie s ................ . . 5
H e r r i n ................ . . 1
Houplin............... . . 1
Hulluch. . . . . . . 46
lilies .................... . . 77
La Bassée. . . . . . 223
Laventie . . . . . . 6
L e n s ....................
L i é v in ................... 1847
Ligny. . ............... 2
L o is o n ....................125
Loos .................... 218
Lorgies . ................. 100
Marquette. . . . . 10
Mazingarbe.......... 3
Méricourt............. 26
Meurchin.............. 76
Neuve-Chapelle. . . 10
Neuville St-W. . . . 5
Neuville-Witasse . . 3
Noyelles-Lens. , . . 32
O ppy. . . . . . . ¿
Pelves.. ' . ..................1
Pont-à-Vendin -. . . 274
Provin.................... 54
Radinghem. . . . . Ç
Richebourg. .. : . -. - 2
Roclimeux............ 2
Sainghin............................ 106
Saint-Laurent . . . . 6
Saint-Nicolas................... - 1
Salaumines. . . . . . 35
Salomé............................... 116
S a n t é s ........................ 5
Seclin . . . . . . . . 1
S o u c h y ........................ 12
Thélus........................... 89
Tilloy . . ................ 1
Vendin-Vieil...................1138
Vermelles . . . . . . 4
Villers-aux-Bois . . . 1
V im y ................................156
Violaines............................117
W a v r i n ............................119
Willerval....................... 4
W in g le s. .....................606
Soit environ 90 communes et 13 300 ouvriers. Ces documents sont empruntés au
tableau envoyé p a r la Compagnie de Lens à l’Exposition d ’Arras de 1904.
l’absence dure jusqu’à l’hiver. Ils s’engagent comme travailleurs
agricoles dans les exploitations de la Champagne, de l’Ile-de-France,
de la Beauce.et de la Normandie. Des environs de Lumbres, de Pas,
de Campagne-les-Hesdin, de Fruges, d’Hucqueliers, ils se répandent
en Normandie. Mais c’est du Cambrésis surtout qu’ils viennent en
foule. Iwuy, l’un des grands centres d’embauchage, en expédie plus
d’un millier vers les régions à betteraves de l’Oise et de l’Aisne. Les
villages d’origine de ces « Camberlots », comme disent les Picards,
se trouvent surtout dans les cantons de Marquion, de Bertincourt, de
Cambrai, de Carnières et de Wassigny, c’est-à-dire dans le pays
qui conserve encore aujourd’hui le plus de tisseurs. Depuis longtemps
le rapport du tissage est précaire ; même florissant, il ne saurait
suffire à la subsistance d’une année entière. Aussi chaque année,
pendant la durée des travaux champêtres, on peut voir dans le s
gares du Cambrésis des bandes d’hommes, de femmes et d’enfants
s’embarquer dans les wagons qui doivent les mener aux portes de
Reims, de Laon, de Meaux, de Paris, de Chartres, de Gisors et de
Rouen. Quand il n’y avait pas de chemin de fer, ils partaient à pied,
leurs hardes et leurs outils sur l’épaule. Les uns s’absentent pour
de longs mois dès la fin de Mai ; ils entreprennent toute la besogne
agricole depuis le binage des betteraves (15 Mai-15 Juillet) jusqu à
leur arrachage (15 Septembre-15 Novembre) en passant p a rla moisson
et le battage des grains. Les autres ne quittent le pays que pour six,
sept ou huit semaines afin de couper les blés et d’arracher les betteraves.
Au contraire des Limousins, des Savoyards et des Auvergnats
qui viennent s’enfermer dans les villes, les « Camberlots » laissent
presque tous un atelier d’hiver triste et malsain pour le grand air et
le plein soleil. Ils fournissent un labeur acharné, penchés dès l’aube
sur les sillons, perdant à peine le temps de se nourrir (car ils tra vaillent
à la tâche), attentifs au gain seul qui sera leur sauvegarde
pendant la morte saison ; tout le monde dans la famille se met à la
peine depuis le père jusqu’aux enfants; les trop petits demeurent au
village sous la garde des vieux; mais la femme, les fils, les filles
assument leur lourde part dans la besogne de l’équipe. Derrière
l’homme qui fauche, les autres ramassent et lient. A l’automne, tandis
que l’homme et la femme arrachent les betteraves d’un limon lourd,
les enfants tranchent les feuilles et les entassent dans le champ. Ainsi
s’amasse à raison de 5 ou 6 francs par jour le pécule que, la saison
finie, on ramènera au village. Au mois de Novembre, les rues des
villages où les maisons fermées se comptaient par dizaines, reprennent
leur vie accoutumée ; on démasque les grandes baies vitrées