et reflètent l’alternance des saisons sèches et des saisons humides ;
les autres, ou plutôt l’autre (car de nos jours le sens de l ’oscillation
reste constant) est en réalité un phénomène continu qui témoigne
d’un abaissement ininterrompu de la nappe et d’un assèchement progressif
du pays ; les vallées sèches s’allongent au détriment des vallées
humides.
La disparition des sources est un phénomène constaté partout
sur la craie, aussi bien par les documents historiques que par les
traditions locales et les observations journalières. De l’ensemble des
renseignements que nous possédons, il résulte que ce phénomène n’a
épargné aucune vallée. Le petit Thérain ou Thérihet avait jadis sa
source dans le canton de Formerie, entre Saint-Arnoult et Omécourt,
à 3 kilomètres de sa tête actuelle f. La Brèche2, qui naît entre Rueil
et la Neuville-Saint-Pierre., possédait autrefois deux sources, l’une
dans le vallon de Maulers, 1 autre dans le vallon de Noirémont ;
cette branche portait le nom de Luette ou Louette, dérivé d’ « oyette »
ou « source » en vieux picard. Le rû de Calais n’est plus qu’un filet
d'eau intermittent à Rieux, loin de son ancienne source à Fontaine-
Saint-Lucien. L A r re s t3 partait jadis d’entre Plainval et la Fosse
Thibault, sous le bois de Couatte qui a ete défriché, à 4 kilomètres
de son origine actuelle ; des titres du Moyen Age mentionnent un
moulin a eau entre Plainval et Saint-Just. L’Aronde4, qui commence
aujourd’hui au-dessous de Montiers, jaillissait autrefois à 3 kilomètres
plus haut vers Pronleroy ; son affilient, le ruisseau de Payelle qui
faisait tourner un moulin à Remy, devint plus tard un filet d’eau
inteimittent coulant tous les cinq ans et finit par disparaître; de
même, pour la Sommedor. La source la plus élevée du Matz, jadis
pérenne, est maintenant intermittente.
Dans le bassin de la Somme, les mêmes observations abondent,
à gauche et à droite. Le Coulant qui se jetait dans la Somme à Gru-
gies n existe plus ; le lit est comblé et nivelé par les labours. Le
ruisseau d Ingon qui naissait sur Fouquescourt ne commence aujour-
dhui qu’à Fonchette. Il y avait, d’après la tradition, sur le territoire
de Bonneuil-les-Laux au Nord-Ouest de Breteuil6, une source dont
les eaux, après avoir mu un moulin a guède, coulaient à l’Est vers
la Noye ; au xvme siècle, elle était progressivement descendue
' Graves, 76, p. 123.
* Id.
3 Id . et 543 (1835), p. 5.
* Id., 76, p. 122.
5 Id .
jusqu’au pied d’Esquennoy où elle alimentait un abreuvoir, et elle
se jetait a Paillart ; maintenant ce n est plus qu’un ravin sec de
plus de 10 kilomètres. Les sources qui nourrissent la rivière de
Montdidier1 n’ont pas cessé de décliner ; derrière l’église de Dom-
pierre, il y avait encore à la fin du xviii8 siècle un petit ruisseau,
appelé La Cressonnière2, qui a disparu à l ’entrée du vallon d’Abbé-
mont, au lieu dit La Héronnière, on voyait trois sources dont les
eaux noyèrent les prés en 1754 ; tout près de là, dans la vallée, il y
avait encore au xvi0 siècle des viviers fort anciens dont Philippe-
Auguste appréciait beaucoup les anguilles; toutes ces eaux se sont
évanouies, et les sources de la rivière des Trois Dons sont descendues
de Dompierre et de Domfront à Rubescourt. A R oye3, une grosse
source, la fontaine Saint-Firmin qui avait été l ’objet de vives contestations
entre les riverains et l’Échevinage, cessa de couler, supprimant
ainsi la cause du procès. La Selle 4 qui naît à Catheux surgissait
autrefois au lieu dit le Moultru ou Mertru (Mauvais Trou) sur le
territoire deCempuis; le hameau de Rieux doit son nom à un ruisseau,
dont il est question dans les titres du duc de Clermont, qui
s écoulait vers Catheux et qui n’existe plus. Le ruisseau des Evois-
sons , qui débute dans les prairies d’Elencourt, sortait jadis de terre
a 3 kilomètres plus haut, au pont de Sarcus. Près de l’abbaye du
Gard, au Nord-Ouest de Picquigny, la route d’Amiens traversait autrefois
un beau ruisseau, la Fontaine Markant, dont il n’y a plus trace.
Dans le Yimeu, la Trie descendit successivement d’Ercourt à Rogean
puis à Bouillancourt; au xvm8 siècle, le moulin du Chaussoy dut
s arrêter. Naguère la Bresle prenait ses eaux aux Fosses Quatresses
entre Cnquiers et Formerie; au milieu du xixe siècle, les habitants
de Cnquiers y venaient encore laver leur linge; mais actuellement
a source delà Bresle sort d’une prairie entre le bois de Blargies et le
bois Lequin; encore est-elle intermittente et ne devient-elle permanente
qu au bas d’Hadancourt.
A droite de la Somme, les rivières abandonnent aussi peu à peu
leur haute vallée. Depuis longtemps, la Germaine ne naît plus à Germaine.
L 0 mignon ne prend plus sa source près de Joncourt ; des
trois moulins qu il animait, l’un à Biliécourt est démoli ; l’autre à
1 Beauvillé, 476, 11, p. 315-319.
* Cambry, 511, I, p. 247.
' 3 Coet, 520, II, p. 66.
4 Graves, 545 (1836)) p. 3.
‘ Id., 76, p . 121.
0 Prarond, 580, IV, p. 66.