les champs se disséminent sur le reste du territoire. Dans le Bas-
Pays, les maisons sont bâties sur le groupe principal des terres à
cultiver; elles se répandent dans la campagne le long des chemins
ou bien même sans loi à la surface d’un sol qui recèle de l’eau à de
faibles profondeurs. L’économie rurale accentue ces contrastes dans
les mille détails de la vie paysanne. Dans le Bas-Pays, sous un
climat indulgent, on sème assez tard, en Novembre et même en
Décembre, par exemple à Berguette. Dans le Haut-Pays, sur un sol
froid et argileux, à Febvin, les semailles commencent parfois dès
Septembre. Là-bas, sur une terre plus fertile, fécondée par une culture
plus savante, poussent les meilleures récoltes, celles qui enrichissent
le cultivateur : les betteraves, le lin, le blé. Là-haut, il faut
se contenter d’assolements moins épuisants et moins riches : le blé,
le seigle, l’orge, l’avoine. Là-bas, le sol bien pourvu d’humus reçoit
surtout des engrais chimiques; il se prête à des labours faciles.
Là-haut, il réclame plus d’efforts, des marnages ; on ne sait guère lui
donner que du fumier. Dans les plantureuses campagnes du Bas-
Pays, les vieilles routines et les moeurs patriarcales disparaissent;
au cultivateur du « Calaisis », les domestiques et les ouvriers disent :
« Monsieur » ; il ne prend point ses repas à leur table et ne mange
pas leur nourriture; il porte le vêtement de drap, le pardessus, le
chapeau. Dans les rudes campagnes du Haut-Boulonnais, le maître
vit en contact plus familier avec ceux qui l’aident; on l’appelle par
son nom de famille, voire même par son prénom, ou bien par ces
simples mots : « Ch’ maître » ; il est le commensal de ses serviteurs ;
pour aller au marché, il passe sa blouse et se coiffe d’une casquette.
Jusqu’au milieu du xvme siècle, le Haut-Boulonnais, privé de routes
et de relations, était demeuré comme une terre inaccessible, isolée,
avec un sol ingrat, au milieu de la circulation qui, d’Angleterre et
de Flandre, se dirigeait vers l’Ile-de-France et la Champagne..
Au Nord-Ouest, le plateau de craie s’arrête à une falaise qui
domine le Bas-Boulonnais, « la Fosse». Un accident géologique amis
au jour les couches inférieures à la craie (fig. 4) . Cette apparition
d’argiles, de calcaires, de marnes et de sables, crée un pays nouveau.
Au lieu des formes régulières et larges de la craie, c’est un vallonnement
confus, un relief court fourni par des assises variées qui se
relaient fréquemment, des formes indécises comme l’argile en donne.
L’alternance des calcaires et des argiles multiplie les sources ; une
infinité de ruisseaux y circule, répandant partout la verdure; c’est
le pays de l’herbe, des prés de fauche, patrie d’une vigoureuse race
de chevaux. Les habitations se posent partout où il y a de l’herbe ;
rarement elles se réunissent en gros villages; presque toujours, facilement
pourvues d’eau, elles cherchent un pré, tantôt sur un sommet,
tantôt sur une pente, tantôt dans un fond. Sur le plateau de craie,
des champs cultivés que ne séparent plus les haies et les lignes de
grands arbres ; des sécheresses parfois fatales aux herbages, des
habitations groupées par hameaux et villages. Enfin, tandis que la
plaine de craie ne regarde la mer qu’à travers un pays d’alluvions
Fig. 4. — Coupe N. S. de Samer à Montreuil, montrant le plateau de craie en contact
avec le Bas-Boulonnais.
c7, craie blanche ; c6, craie marneuse ; c4, craie glauconieuse ; c2, gault ; c” sables ferrugineux
et argiles bariolées ; j 5, Kimméridien ; j 4, Astartien.
et de dunes coupé par des estuaires envasés, le Bas-Boulonnais
pénètre droit dans la Manche par une côte rocheuse qu’animent la
pêche et le commerce. Ainsi se complète, au Nord de la plaine agricole
du Cambrésis, de l’Artois et de la Picardie, une ceinture de
pays aux aptitudes originales qui sont pour elle des stimulants de
rapports et d’échanges.
I I I
LES LIMITES DE LA PLAINE VERS LE SUD
Sur ses limites méridionales là plaine de craie touche à deux
aspects du sol bien différents; au Sud-Ouest, un accident géologique
comparable au Boulonnais a créé le pays de Bray ; au Sud-Est, la
craie disparaît sous de grandes épaisseurs de sables et d’argiles que
surmonte un couronnement de calcaires durs : ce sont les hauteurs
boisées qui de Beauvais à Laon barrent l’horizon sous le nom populaire
de « Montagnes ».
Au milieu de l’uniformité de la craie, l’accident du Bray vient
interposer un ensemble d’assises moins résistantes à la fois et plus
variées. Au Nord, la craie donne des plateaux réguliers et presque
horizontaux dont les parois se dressent en versants abrupts le long
de la vallée de la Bresle, en falaise même de part et d’autre de la
dépression du Bray. Mais, dans le Bray même, les terrains sans con