canton d’Aubigny, on achète encore 3.000 francs d’engrais au syndicat
de Saint-Pol ; mais dans le canton de Pas, comme aussi dans
une grande partie des arrondissements de Montreuil et de Saint-Pol,
les paysans se montrent défiants à l’égard des engrais commerciaux ;
en maints endroits, on ne signale leur apparition que depuis S, b,
3, 2 années; sur tout le Haut-Boulonnais, à l’exception des communes
qui envoient des betteraves à Rang-du-Fliers-Verton, on ne
les connaît guère dans les cantons d’Hucqueliers, de Fruges, de Fau-
quembergues, de Lumbres. P ar contre, dès que l’on descend du
Haut-Pays vers la plaine flamande, autour de Saint-Omer, de Norrent-
bontes, de Lillers, de Béthune, de Garvin, la culture intensive
reparaît. Mais de proche en proche les îlots arriérés sont conquis
et le progrès gagne.
La diffusion des méthodes nouvelles se propage grâce à la multiplicité
des voies de communication. L’utilisation des terres et leur
exploitation intégrale seraient impossibles sans le réseau des chemins
vicinaux et des chemins de fer d’intérêt local, qui diminue les frais
de transports et de charrois et qui facilite l’achat et la vente des
denrées. Dans les villages, les vieillards se rappellent encore les
affreux chemins du début du xix9 siècle. Vers 1836, il fallait atteler
trois chevaux a une charrette pour aller de Sains à Fruges, sur une
piste indigne du nom de route et transformée presque toujours en
une ornière profonde. Vers 1860, dans les cantons de Guiscard, de
Noyon et de Ressons, les chemins étant impraticables pendant la
saison pluvieuse, les charrois de certaines localités ne pouvaient
s’effectuer qu’à dos d’homme ; on devait employer des chaussures
particulières; parfois des villages voisins cessaient leurs relations.
Jusque vers 1840, dans les pays les mieux favorisés, la moitié des
communes ne pouvaient pas communiquer entre elles. Mais on
améliora la vicinalité; le Pas-de-Calais, qui n’avait en 1836 que
756 kilomètres de chemins de grande communication, en possédait
5.199 kilomètres en 1890 h Toutefois, ce qui distingue la région du
Nord du reste de la France, c’est le développement des petites lignes
de chemin de fer d intérêt local, en réalité, lignes d’intérêt agricole,
connues dans le pays sous le nom pittoresque de « tortillards »,
construites à peu de frais, sans souci de la vitesse, s’attardant de village
en village en longs détours, mais portant de la ferme à la
raperie la récolté de betteraves et amenant des grandes gares et des
quais du canal au débarcadère champêtre les provisions de semences
d’engrais, de charbon, d’outils et de machines. Grâce aux « tortillards
», la culture de la betterave s’est étendue surtout à partir de
1884, loiiï des grandes voies ferrées. Il n’est pas de coin de campagne
Fig. 20. — Carte des cliemins de fe r d’intérêt local dans la plaine picarde.
Les grandes lignes sont représentées p a r o n double trait.
un peu isolé dans cette fertile contrée qui ne soit desservi par une
ligne rurale et relié aux grands reseaux : ce sont les lignes d Anvin
à Calais, d’Aire à Berck, de Boileux à Cambrai, d Achiet-Bapaume
à Cambrai, de Saint-Quentin à Vélu-Bertincourt, de Doullens à
Albert, à Ham et à Montdidier, d’Abbeville à Eu, d’Amiens à Beau-
camps et à Aumale etc. Rattachées par ces artères au courant de la
vie économique générale, les campagnes accueillent avec moins
d’hésitation les perfectionnements et les innovations ; elles profitent