4 kilométrés de longueur, entretint longtemps en plein pays sec un
îlot de marais et d étangs, foyer de fièvres pernicieuses.
L intérêt anthropographique des témoins tertiaires.
Des sables, des grès, des argiles ne pouvaient manquer d’attirer
1 attention des hommes dans’ ces plaines de craie. Ces matériaux
durs prirent dans la construction une valeur d’autant plus grande
qu ils étaient plus rares. De tout temps, on rechercha les grès dans
les campagnes pour faire des seuils de portes, des bornes, des angles
d’édifice ou bien pour paver les routes ; dans l’Artois, ils forment
souvent les margelles de puits ; à Camblin-l’Abbé, trois grès énormes
composent la monture des puits communaux; dans le Haut-Bou-
lonnais, près de Frencq et d’Hubersent, de grosses fermes bâties en
grès, avec leurs murs solides et trapus, leurs tours, leurs portes en
arche, doivent leur allure monumentale aux matériaux dont elles
sont construites. On rencontrait parfois des grès énormes : vers 1750,
on déterra à Ternas 1 près de Saint-Pol une table de grès qui, étant
brisée, fournit la charge de quarante chariots de pierre à bâtir et à
paver. Certaines exploitations alimentaient les villes à la ronde ;
Doullens s approvisionnait à P’révent, Montdidier à Cannes et La
Hérelle ; Ham à Yillers-Saint-Christophe ; tout le Haut-Boulonnais
à Hubersent, Cormont et Longvillers. Quelques variétés de grès
jouissaient même d’une réputation lointaine. Les grès de Morvillers
et de Saint-Saturnin, au Nord de Crillon, allaient jusqu’à Beauvais et
Gournay ; au xve,siècle, plusieurs églises des alentours sortirent dq
ces carrières. Les grès de l’Ostrevent fournissaient en 1408 des
pierres pour le beffroi et les tourelles de Douai; au xvmejsiècle, on
les expédiait encore en Hollande et dans les Pays-Bas autrichiens '2.
Plus renommés encore pour leur dureté étaient les grès d’Artois;
nous les retrouvons dans la tour de l’église de Yitry-en-Artois, dans
le beffroi de Béthune, dans les colonnades des places et du vieil hôtel
de ville dA rra s; on l’exploite toujours pour le pavage et l ’empierrement
au Mont-Saint-Eloy, à'Maroeuil, à Aubigny, à Camblain-l’Abbé.
Mais les nouveaux moyens de transport ont déprécié cette richesse
locale ; canaux et chemins de fer amènent les pierres dures de la
Belgique et de la Meuse, et les pierres de l’Oise. Le même sort
attendait les exploitations de lignites, établies entre l’Oise et la
Somme, dans les lambeaux de l’argile plastique, à Homblières,
1 P eu ch e te t Chanlaire, 575. Pas-de-Calais p. 26.
2 Gosselet, 68, XXVI, p. 247.
Mesnil-Saint-Laurent, Itancourt, Cerizy, Yendeuil, etc.; elles alimentaient
des fabriques d’alun et de vitriol et donnaient des matières
potassiques, des « cendres », pour l’amendement des terres; mais le
iour où les engrais furent préparés par masses et à meilleur compte
dans les usines de produits chimiques, les cendrières furent délais-
Si les témoins tertiaires ont perdu presque tout leur intérêt économique,
ils maintiennent dans le paysage, dans les cultures, dans
les villages un élément de variété et d’originalité locales. Au milieu
des étendues fertiles qu’ils parsèment, les tertres sablonneux ont été
les derniers points mis en culture; beaucoup d’entre eux sont encore
incultes. A l’origine, des bois les recouvraient tous; l’ancienne
ligne forestière qui de Ressons-sur-Matz à Formerie séparait le bassin
de la Somme du bassin de l’Oise, courait sur une traînée de sables
tertiaires ; les limites actuelles de la forêt de La Hérelle suivent les
bords d’une bande de galets éocènes. L’Arrouaise jadis, et maintenant
ses débris, marquent l’emplacement de témoins tertiaires. Les
arbres ont partout reculé devant la culture ; mais souvent encore
ils se maintiennent en bouquet au sommet des tertres ; au Nord de
Laon, c’est un diagnostic infaillible de terrain tertiaire. Dans ces
plaines sans eau et sans verdure, les buttes boisées forment comme
des réserves de fraîcheur et d’ombre ; aux portes de Cambrai et de
Saint-Quentin , les bois de Bourlon et d’Holnon, établis sur des îlots
de sable et d’argile sont les promenades favorites des citadins.
Ailleurs, les lambeaux de sable portent des garennes que la charrue
rétrécit chaque jo u r; refuges des arbres, derniers abris des plantes
spontanées que traque la culture, ils recueillent les échantillons
de la flore indigène ; là seulement le botaniste se repose par une
récolte copieuse des longues marches à travers les moissons. Peu à
peu ces retraites boisées disparaissent ; le sable nivelé par les labours
et entraîné par les eaux, l’argile transformée par les amendements
se fondent insensiblement dans les ondulations de la grande piaille,
à Monchy-le-Preux1, à l’Est d’Arras, le lavage des eaux de pluie ne
cesse de mettre à nu les galets qu’elles dégagent de leur gangue de
limon et de sable ; tous les deux ou trois ans, il faut enlever tous ces
cailloux qui jonchent le sol; il est à prévoir que ce tertre tertiaire
sera bientôt nivelé. Mais si le relief en perd la trace, les sols voisins
en conservent les éléments ; la qualité des terres témoigne longtemps
de leur influence. Au Sud-Ouest de Montreuil à Campigneulles-les-
Gosse le t, 48, p . 249-232.