pêche. Mais, nous l’avons vu, les bateaux n ’arrivent à Étaples qu’aux
plus fortes marées. Les navires de commerce se sont éloignés du
port pour toujours et l’on n’a jamais tenté de les y ramener. Il n’en
est pas de même sur la Somme qu’on a voulu maintenir ouverte au
commerce maritime.
Les grands projets etdes grands travaux de correction de la Basse-
Somme remontent au xvnf siècle. Us durent encore; mais ils n’ont
pas ramené la mer aux ports qu’elle avait quittés. On peut les grouper
en deux séries d’opérations : 1° la canalisation de la Basse-Somme ‘;
2° le redressement du chenal dans l’estuaire2.
Entre Abbeville et Saint-Yalery, la navigation présentait de
grandes difficultés. Pour les tourner, les mariniers montaient des
bateaux d’un type spécial ou gribannes, à fond plat et de faible tirant
d eau. Mais ils n’en restaient pas moins exposés aux coups de vent
qui les jetaient à la rive et aux caprices des marées qui déplaçaient
le chenal. Tous les intéressés, Abbeville et Amiens, Le Crotoy et
Saint-Valéry, étaient d’accord pour demander qu’on réunît toutes
les eaux de la Somme dans un canal qui les prendrait à Abbeville et
les mènerait en droite ligne à la mer : un édit du 7 septembre 1725
autorisa la construction du canal de la Somme. Mais l’accord cessa
quand il s’agit de déterminer quelle rive suivrait le canal et à quel
port, Saint-Valery ou Le Crotoy, il aboutirait. Pendant de longues
années, la province fut agitée par la rivalité de Saint-Valery et du
Crotoy ; chacun des deux partis multiplia les enquêtes, les démarches,
les brochures, les pamphlets. On retrouve encore maintenant les
échos de cette polémique dans les souvenirs locaux. Abbeville tenait
pour Le Crotoy, bourgade insignifiante, place de commerce sans
relations avec le pays, où les navires n’auraient fait que passer;
Abbeville serait devenue aux dépens de Saint-Valery la tête commerciale
de la vallée de la Somme. Amiens tenait pour Saint-Valery;
elle craignait le développement d’Abbeville. Le gouvernement prit
parti pour Saint-Valery; en Octobre 1778, il chargeaitM. Delatouche,
ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de la Généralité d’Amiens,
de préparer le canal de la Basse-Somme, d’Abbeville à Saint-Valery’
Les raisons qui prévalurent étaient d’ordre économique. Incontestablement,
les conditions du port valaient mieux au Crotoy qu’à
Saint-Valery : échouage sur le sable et non sur la craie ou les galets;
ro^,îltpU.r .1 A i0« de; la Bassè'-Somme et pour la rivalité d’Abbeville et du Crotoy
LabUte ¿ 3 ( 1 ? 423 ; Leiîls’ 559 P- 213 : Estancelin, 248 et 249 ; et,
p f Po'lr /te re<Jr®ssement du chenal, consulter les mêmes documents que note 1 et
i urts maritimes, 266.
chenal profond; marées plus hautes ; abri contre les vents 0 ., N. 0 .,
et N. Mais s’il y avait un port au Crotoy, il n’y avait pas de ville.
Tout était à créer : habitations, bâtiments civils, établissements militaires.
Entouré de sables et de marécages, Le Crotoy manquait de
communications avec la terre; il ne suffit pas que les navires arrivent
au port; il faut encore assurer par terre le transport des marchandises
débarquées ou à embarquer. Au contraire, Saint-Valery formait
un centre bien peuplé et pourvu de routes. Commencés en 1786,
les travaux ne se terminèrent que vers 1833-1835. Dans le premier
projet, le canal devait déboucher librement à la mer ; mais, exposé
comme l’ancien lit aux marées, il se fût rapidement ensablé. Aussi
on décida en 1811 d’établir à la tête du canal, à Saint-Valery, un
barrage éclusé. Depuis qu’il est livré à la circulation, le canal de la
Basse-Somme (15 kilomètres) forme, avec le canal qui joint Abbeville
et Amiens, une voie navigable très commode (63 kilomètres).
Naturellement Abbeville ne reçoit plus la marée et la dimension des
bateaux est subordonnée aux dimensions des écluses (38m,50 sur
6m,50) et au mouillage réglementaire (2 mètres) ; mais, dans ces
limites, on avait parfaitement atteint le but désiré : la Basse-Somme
était navigable.
On pouvait espérer que toutes les eaux de la Somme, désormais
concentrées à Saint-Valery, opéreraient dans la baie des chasses,
vigoureuses qui déblaieraient le chenal. A quoi aurait-il servi d’unir
Saint-Valery à Abbeville si Saint-Valery ne pouvait atteindre la
mer? Beaucoup de gens pensaient qu’on ne pourrait pas maintenir
dans la baie un chenal régulier et stable : la Somme leur donna
raison. A peine dégagée de ses entraves à Saint-Valery, elle partit
obliquement à travers la baie et rejoignit Le Crotoy; de nouveau,
le port de Saint-Valery s’ensablait et les navires échouaient sur les
bancs. Que faire? Une solution radicale consistait à détourner la
Somme de son embouchure naturelle et à la mener par les Bas-
Champs de Cayeux et Lanchères jusqu’au Hâble d’Ault. Ce projet,
défendu pour la première fois par Vauban, repris par Cocquart
en 1738, par Gatte en 1743, avait été développé en 1793 par de Lam-
blardie. Il eût évité la baie ; mais, sans parler des dépenses, la sécurité
de la nouvelle embouchure restait bien problématique. A cette
solution extrême, on a préféré la correction de 1 estuaire. Des la soi tie
du canal à La Ferté, les eaux de la Somme sont enfermées entre deux
lignes de digues : à gauche, une digue insubmersible de 536 mètres
prolongée par une digue de halage de 3.2 /I métrés et une jetée basse
qui va jusqu’au Hourdel; à droite, une digue insubmersible de