entreprises ; avec ses 3.000 ouvriers, la fabrique des chaussures laisse
l’impression d’une industrie qui ne tient plus au sol que par la main-
d’oeuvre ; les vieilles étoffes, la gloire d’Amiens, perdent du terrain ;
sur leur domaine s’installent des industries nouvelles, des intruses,
qui dureront un temps et qui peuvent disparaître brusquement dans
la lutte pour la vie. En somme, à Amiens, plus encore qu’à Saint-
Quentin, l’existencè de l’industrie textile ne fut qu’une longue évolution,
une perpétuelle adaptation de l’ouvrier à des matières premières
nouvelles, à des conditions nouvelles de travail. A leur naissance,
ces fabriques prenaient racine dans le milieu physique qui les entourait.
Leur extension même leur fit une nécessité de s’en détacher
progressivement. Le jour est venu où rien ne les y attache plus, ni
les matières premières qui arrivent de l’étranger, ni les rivières incapables
de mouvoir les grosses usines, ni leurs eaux devenues presque
inutiles au blanchissage et à l’apprêt depuis les progrès de la chimie.
Mais Amiens et Saint-Quentin sont des villes populeuses où 1 industrie,
à défaut d’autres avantages, trouve une réserve de main-d’oeuvre.
C H A P ITR E XII
L E S IN DU S T R I E S CAMPAGNARDES
| | Origine e t d év eloppement des in d u s trie s c am p a g n a rd e s. Le tr a v a il de la te r re
e t les m é tie rs ru ra u x . La lu tte des c ampagnes e t des villes. Les tisseu rs d ’étoffes
de la in e en tre Beauvais e t Amiens. Les tisse u rs de to ile s d an s les c am p a g n e s
de Beauvais, de S a in t-Q u en tin , de C am b ra i e t d ’Abbeville. Les s e r ru rie rs du
Vimeu, les b ad e stam ie rs du S a n te rre , les tisseu rs de Flavy-le-Martel e t de
Bohain. — II. L a ré p a r titio n actu e lle des in d u s trie s c am p a g n a rd e s. Les p e tits
m é tie rs pay san s. La s e rru re rie du Yimeu. Les grosses to ile s de B a sse -P ic a rd ie .
Les a rtic le s d’Amiens. La b o n n e te rie du S a n te rre . Les étoffes du C am b ré sis e t
du Vermandois. La v ita lité des in d u s trie s c am p a g n a rd e s.
Une carte industrielle de la Picardie, de l ’Artois, du Cambrésis
et du Beauvaisis où figureraient seules les industries des villes et de
leur banlieue ne représenterait pas toute la réalité. Rebelles à la loi
qui pousse l’atelier et l ’ouvrier vers les villes, les campagnes de
cette contrée contiennent encore des paysans qui ne sont pas laboureurs
et dont la terre n’est pas l’unique ressource. La manufacture
n’a pas déserté les villages ; fidèle à une tradition très vieille, elle
demeure encore, en maints endroits, solidaire de la culture. La concentration
industrielle qui a beaucoup grossi Saint-Quentin et Amiens
est ici un fait beaucoup plus récent qu’ailleurs, car longtemps c’est
la dispersion qui avait prévalu. Jusqu’au milieu du xixe siècle, la
plupart des métiers se répandaient dans les villages, quêtant la main-
d’oeuvre paysanne. Cette forme originale du travail industriel vit
encore, car, malgré lés révolutions économiques, elle tient encore
étroitement au sol ; elle sort naturellement des conditions mêmes de
vie rurale.
I
ORIGINES ET DÉVELOPPEMENT DES INDUSTRIES CAMPAGNARDES
Le travail de la terre et le s métiers ruraux.
Sur les plateaux de craie, le paysan est, avant tout, un cultivateur,
un producteur de grains ; il l’était bien plus exclusivement