tuaient 1 ensemble de la région wallonne ou picarde. Beauvais,
Amiens, Noyon, Arras, Thérouanne, Cambrai, Laon, Tournai, Liège,
Maestricht, c’était l’image même de la Picardie, à côté de la nation
anglicane qui englobait les pays de langue germanique. C’est dans le
Paris du Moyen Age, parmi les étudiants et leurs maîtres, que la
Picardie prit vraiment conscience d’elle-même; elle y vécut d’une
existence purement intellectuelle, entourée de l’Allemand, du Normand,
du Français, aussi longtemps que le Français ne fut pas encore
la langue littéraire et .officielle. La plus grande extension de la
Picardie coïncide donc avec celle du dialecte picard; son domaine
s’est restreint à mesure que le Picard reculait devant le Français; de
nos jours, elle doit toujours être comprise, si l’on veut lui donner
une réalité, comme le pays où s’entendent encore le s1 intonations
picardes.
Il existait une Picardie bien avant l’époque où ce mot passa dans
1 usage avec le sens déterminé de région politique ou administrative,
Les guerres, les traités et les contrats ont taillé dans ce grand
domaine linguistique ; il vint un jour où le terme de Picardie ne
s appliqua plus qu’à des régions politiquement françaises. Au début
de son existence, cette Picardie officielle se présente comme un gouvernement
militaire dont la circonscription variable se compose et se
démembre selon les circonstances. Autant de gouverneurs, autant de
variations- de limités. Au début, leurs fonctions s’exercent au Nord de
la Somme et la Picardie ne comprend que les bailliages d’Amiens,
Lille et Douai, qualifiés « frontières d’Artois et de Flandre » ou bien
« Marches de Flandre », ou bien encore « frontières de Flandre et
de Hainaut ».En 1351, on y voit figurer l’Artois et ce n’est qu’en 1358
qu y apparaissent le Beauvaisis et le Yermandois. La position de la
Picardie entre les Pays-Bas et Paris lui valut longtemps encore des
vicissitudes. En 1435, au traité d’Arras, elle perdit tout le bassin de
la Somme : du même coup, tout le gros de la Picardie se trouvait ra ttaché
à la puissance maîtresse des F landres; quant à ses débris restés
à la monarchie des Yalois, on les réunit à la province voisine, l’Ile-
de-b rance. Mais la Picardie allait prendre bientôt une forme plus
stable et mieux déterminée. Le bassin de la Somme ayant fait retour
à la France, Louis XI reconstitua le gouvernement de Picardie,
mais sans lui rendre ce qu’on avait annexé à l’Ile-de-France; Senlis,
le Beauvaisis et une partie du Vermandois étaient perdus pour la
Picardie (1483). Déjà la dénomination se restreint à des limites précises.
Elle ne comprend plus ni Cambrai, ni Liège, ni Maestricht
situés en territoire d’Empire; ni la plus grande partie du diocèse de
Tournai, ni les diocèses d’Arras et de Thérouanne qui appartenaient
au souverain de l’Artois et de la Flandre, au duc de Bourgogne; elle
n’englobe plus ni les Picards de l’Ile-de-France, ni les Picards des
Pays Bas, ni les Picards de l’Empire Allemand; elle se contracte
autour d’Amiens, de Saint-Qucntin et de Laon, mais elle ne cesse
pas de varier sur ses bords. Après l’ordonnance de Yillers-Cotterets
1545, elle perd le Valois, le Laonnais, la Thiérache réunis à 1 Ile-
de-France; en 1624 le Beauvaisis qui, après lui avoir été restitué
en 1567, passe au gouvernement de l’Ile-de-France ; puis le Boulonnais
constitué sous Louis XIII en gouvernement particulier ; en
-1668, Gravelines, Landrecies et le Quesnoy donnés à la Flandre ;
en 1765 l’Artois qui, après lui avoir été joint en 1640 au moment
de la conquête, forma un gouvernement indépendant1. A la suite de
tous ces remaniements, à la veille de disparaître pour toujours devant
d’autres divisions, le gouvernement de Picardie comprenait l’Amié-
nois, le Ponthieu, le Vimeu, le Santerre, la Thiérache et le Pays
Reconquis. Ce fut sa dernière forme et la seule définitive puisqu’elle
n’avait plus de chance de varier. Pour grouper sous le terme de
Picardie un ensemble bien déterminé de territoires, c’est donc en
1789 qu’il faut se placer; c’est ainsi que nous la connaissons le
mieux parce que c’est sous cette forme qu’elle se présentait à nous
avant l’établissement de la division actuelle. Mais la vraie Picardie
n’a jamais eu les limites capricieuses d’une circonscription administrative
; elle n’a jamais eu sa place sur une carte politique ; elle forme
une région linguistique; elle ne peut fournir le cadre d’une étude géographique.
Que penser maintenant des autres divisions territoriales dont
nous trouvons les noms sur les cartes, dans les textes et quelquefois
dans l’usage ?
II
LE ROLE DES FORETS COMME LIMITES DES GROUPEMENTS
La répartition des forêts explique les premiers groupements
humains de notre sol, au moins ceux que les documents historiques
permettent de définir exactement. Les cités gauloises ne formaient
pas des circonscriptions territoriales à frontières fixes et tirées au cor-
1 Don Grenier, 414, p. 3-6; de Witasse, 471 ; Longnon, 433; Boiteau, 380; Guérard.
416.