le village, ce n’est pas seulement parce qu’elle peut toujours à son
heure se transformer en main-d’oeuvre agricole, c’est encore parce
que l’usine vient à son aide en se faisant rurale. Un fait commun
aux agglomérations les plus vivaces de villages industriels, c’est la
création, à leur portée, d’usines qui leur fournissent la matière première,
préparent leur ouvrage, le reçoivent pour les dernières façons
et le centralisent pour l’expédier. De là, des agglomérations originales
comme Escarbotin dans le Yimeu, Rosières, Moreuil, Villers-
Rretonneux dans le Sante'rre, Caudry dans le Cambrésis, où les
constructions nouvelles, les édifices en briques, les cheminées
d’usines, les demeures bourgeoises, en un mot toute la menace
vaine encore de la révolution économique, tout le décor importé par
la machine et le négoce se mélangent non sans surprise aux habitations
rurales, aux chaumières d’ouvriers, aux vieilles églises naïves,
aux coins de terre fleuris et cultivés. En s’implantant dans le milieu
villageois, l’usine y maintient l’ouvrier ; elle conserve un métier
d’hiver à ceux que la terre seule ne suffirait pas à nourrir ; elle
fixe, pour une durée plus longue, dans sa forme originale un spécimen
de vie humaine, fondé sur l’union intime de la culture et de
l’industrie.
CH A P ITR E X III
R E L A T I O N S ÉCONOMIQUE S ET VOIES DE COMMERCE
I. R e la tio n s économiques. L ’échange des p ro d u its ag rico le s; la F la n d r e ; P a ris .
L’échange des procédés in d u s trie ls ; la F la n d r e ; l ’Ang le te rre . L’échange des
procédés ag rico le s; la F la n d re . — IL Voies de commerce. Les voies de te r r e ;
les voies rom a in e s ; les foires de C h ampagne. Les voies d ’e a u ; la S omm e ; le
c a n a l de la S om m e ; le c a n a l de Sa in t-Q u en tin . Les voies de fe r ; le tr a n s it
in te rn a tio n a l.
I
LES RELATIONS ÉCONOMIQUES
Aussi loin qu’on peut remonter dans l’histoire économique de la
Picardie, de l’Artois et du Cambrésis, on trouve les produits agricoles
à la base de leurs échanges. Par leur fertilité, ces plaines ont joué
dès. l’origine à l’égard des contrées voisines le rôle d’un grenier à
blé, d’une région nourricière. Mais de tous leurs clients, c’est la
Flandre et Paris qui leur offraient les plus riches débouchés. La
Flandre avec ses annexes jusqu’à l’Ardenne et jusqu’à la mer du
Nord, ouvrière et populeuse dans les villes, pastorale en certains
cantons, réclamait à ces pays de culture l’excédent de leurs récoltes.
D’un autre côté; la vitalité grandissante de Paris n’a pas cessé
d élargir vers-le Nord le cercle de ses achats et de porter ses commandes
de vivres jusqu’au seuil de la Flandre. Entre ces pôles qui
les sollicitent, ces plaines fécondes apparaissent comme une riche
colonie agricole disputée par deux influences ; leur histoire politique,
toute pleine de la rivalité séculaire entre la puissance qui possède les
Flandres et la puissance qui règne à Paris, révèle l’existence de ce
double versant économique et la concurrence de ces deux courants
commerciaux. Sur des plaines aussi peu accidentées, qui presque
partout se fondent doucement avec les territoires d’alentour, il devait
forcément se produire en tous sens des mélanges et des réactions,
des pénétrations et des échanges comme ceux qu’on voit naître entre
régions contiguës et qui parfois confondent leurs existences. Mais
PLAINE PICARDE. 20