se e 1, avait un puits et un forage poussé jusqu’à 75 mètres; la difficulté
de l’approvisionnement en eau constituait un gros danger pour
sa prospérité; un forage pratiqué dans le voisinage découvrit à
6 métrés seulement de profondeur un courant d’eau capable de
.donner 50.000 hectolitres par vingt-quatre heures. Sur toute l’étendue
des plateaux de craie, on a fréquemment relevé de semblables irrégularités
: à Saint-Pol, à Cambrai, à Ribemont, à Havrincourt, la
perméabilité de la craie et l’abondance de sa circulation souterraine
sont donc en raison directe du nombre des fissures.
Ces fissures de la craie ne ressemblent pas aux fissures rares des
calcaires compacts qui deviennent de véritables couloirs souterrains.
Si elle se laisse dissoudre par les eaux d’infiltration, sa faible consistance
empêche que ces canaux naturels s’agrandissent au point de
former de grands vides, des cavernes; à mesure qu’une assise
crayeuse se détruit par le passage continu des eaux, les assises
supérieures s’affaissent et glissent; tout l’ensemble descend au lieu
de rester suspendu. C’est par exception qu’on cite des exemples de
cavernes naturelles dans la craie du Nord ; on connaît certaines^
anfractuosités à Meudon,la cascade souterraine de Caumont près La
Bouille (Seine-Inférieure), celle de la Grotte aux Pigeons au cap
d’Antifer, les cours d’eau souterrains dans la région des sources de
la Vanne, la rivière souterraine de Trépail (Marne) creusée dans la
Craie à Bélemnitelles2. Mais dans la Somme, l’Oise, le Pas-de-Calais,
l’Aisne et le Nord, on n’en rencontre aucune ; les souterrains qu’on
visite en certains villages ne sont pas des cavernes naturelles, mais
d anciennes carrières, ayant servi de refuges à diverses époques. Très
différente des calcaires durs et compacts, la craie du Nord de la France
s éloigné aussi par ses caractères minéralogiques de certaines craies
normandes. La craie de l’Eure forme des bétoires et provoque des
pertes de rivières. Sans doute le mot « bétoire » possède son équivalent
en Picardie dans le mot « marquois »; on observe quelques-unes de
ces excavations à Beaumetz-lés-Aire, à Pommier, à la Bazèque à
Iumbercamps dans le Pas-de-Calais; mais elles sont fort rares dans
la région. La craie de l’Eure contient en grandes quantités des
debns de bryozoaires8; au fur et à mesure qu’on avance vers le
centre du bassin crétacé, leur proportion diminue; elle devient
presque insignifiante aux abords du Bray. Moins compacte par suite
de cette particularité, la craie de l’Eure devient beaucoup plus
- Pourbaix-Ledune, 239.
3 Martel, 237.
3 D’après un renseignement de M. Cayeux.
poreuse, plus pénétrable à l’eau; elle se crible de trous où disparaissent
les eaux superficielles. Ce fait trouve encore une autre
expression dans la répartition des cours d’eau ; nous savons d’après
Belgrand1 que, si la craie blanche du bassin de l’Eure possède un
cours d’eau pour 143 kilomètres-carrés, cette étendue s abaisse à 95
sur la craie blanche de Picardie.
Grâce à la nature particulière des fissures de la craie, la pénétration
des eaux ne s’y accomplit pas brutalement, comme dans les
« goules » de l’Ardèche ; elles profitent de tous les interstices le
long desquels elles s’insinuent plutôt qu’elles ne s’engloutissent.
Cette lente démarche trouve encore des auxiliaires dans les couches
qui recouvrent la craie. L’argile à silex n ’est pas complètement
imperméable ; par les innombrables cailloux qu’elle renferme, elle
amène les eaux au fond des poches jusqu’aux diaclases du sous-sol.
Ailleurs, comme dans la plaine dé Laon, le limon sableux forme
filtre ; ailleurs enfin, sur ces plateaux à peine inclinés, le limon
normal laisse peu à peu pénétrer l’eau. Ainsi la perméabilité de la
craie tient le milieu entre l’extrême porosité des assises meubles
dont les sources sortent parfois en suintements presque imperceptibles
et la grossière perforation des calcaires durs qui laissent
échapper par l’intermédiaire d’abîmes et de cavernes d’énormes et
rares rivières souterraines. Malgré les irrégularités locales de sa
masse perméable, la craie contient de véritables'nappes aquifères.
Les nappes d’eau de la craie.
Entraînée dans la profondeur à travers une roche homogène,
l’eau n’a pas d’autre raison de s’arrêter que la rencontre d’une
couche imperméable. Nous savons par l’étude minéralogique des
craies que cette rencontre peut se produire, à des profondeurs variables
selon les régions. Au centre de la Picardie et de l’Artois, on ne
traverse jamais 100 mètres de craie blanche avant de rencontrer les
niveaux argileux du Turonien ; on en trouve 21 et 25 mètres à Guise,
.32“ ,50 à Crèvecoeur, 31 mètres à Achicourt près d’Arras, 41 mètres
à Tilloy, 46 mètres à Monchy-le-Preux, 34 mètres à Mercatel,
50 mètres à Hargicourt, 42 mètres à Saint-Quentin, 35 mètres vers
Péronne, 50 mètres aux environs de Doullens2. Mais ces conditions
1 Belgrand. La Seine, p. 245.
2 Tons ces chiffres proviennent de renseignements pris de différents côtés : dans
Buteux, 22, p. 12-14; dans Comines 212 ; dans de Mercey, 124, p. 876 ; dans dÀrchiac,
2 ; dans Graves, 76; dans Gosselet, A.S.G.N, 1890, XVIII, p. 159 ; dans Gosselet, 62,