invasions noimandes cjuc las habitants durant sa rafug'iar au miliau
des marais et que Péronne se constitua en ville forte. Il est fort
remarquable aussi que, vers Abbeville, la plus grosse agglomération
fut longtemps Saint-Riquier; Abbeville n’était encore qu’un centre
agricole, une métairie dépendant de l’abbaye; les ravages des Normands
contribuèrent à peupler Abbeville aux dépens de Saint-Riquier ;
car les habitants durent s y réfugier et s’y fortifier. Gomme Paris,
Abbeville fut fondée dans une île ; le souvenir de cette particularité
se conserva jusqu’au xme siècle dans le nom de Gastel donné à
l’île entière et jusqu’au xvie siècle dans le nom de Cauchie du Gastel
donné à la grande rue qui la traversait; comme à Paris, la plupart
des rues descendent vers le fleuve ; on ignore d’ailleurs l’époque précise
a laquelle Abbeville sortit de son île. Le même phénomène de
contrainte militaire s’est produit plus récemment à Hesdin. L’Hesdin
actuel n’est pas l’Hesdin primitif. La ville primitive, groupée à 4 kilomètres
et demi en amont, au pied d’un château fort bâti sur un
promontoire de craie, fut détruite en 1553 par Charles-Quint; une
nouvelle ville fut édifiée au confluent de la Canche et de la Ternoise
avec les matériaux du Vieil Hesdin, de son château et des châteaux
voisins; on devine encore à la forme hexagonale de la ville la
conception des architectes modernes; entourée de terrains bas facilement
inondables, elle redoutait moins les surprises et pouvait
complètement s’isoler.
Quelle qu’ait été la vocation économique des cités, elles ont dû à
certaine époque faire violence aux lois de leur croissance pour se protéger.
La plupart d entre elles se montrent encore à nous dans l’appareil
guerrier qui fut alors la condition de leur sécurité; si beaucoup
l’ont secoué, elles en gardent toujours l’empreinte. Parfois il n ’a pas
suffi, pour protéger le pays, d’en fortifier les villes et les bourgs; on
a dû créer des forteresses en des points spécialement choisis en vue
de la defense ; les points fortifies sont alors fréquemment devenus
des villes : tels Le Cateau, Marie, Clermont, Laon. Au xe siècle, sur
l’emplacement qu’occupe aujourd’hui Le Cateau1, s’élevaient deux
villages nommés Péronne et Vendelgies, possessions de l’église de
Cambrai. L’historien Balderic raconte que des bandes armées sortant
du Laonnais et du Vermandois venaient inquiéter tous les villages_
de la lisière de la foret de Thierache et que, pour mettre fin à ces
rapines et rassurer les paysans, l’évéque de Cambrai construisit un
chateau fort sur les bords de la Selle ; telle est l’origine du Cateau
1 Allas des villes de Belgique, 3® livraison ; Mannier, 439, p . 254.
qui fut appelé d’abord Castellum Sanctae Mariae ou Novum Cas-
tellum; dès 1001, la forteresse était devenue une ville avec un marché,
un péage et une monnaie. Aux confins de la Thierache jadis couverte
de forêts et des campagnes fertiles du Laonnais, Marie se
dresse sur une butte de craie au confluent de la Serre et du Vilpion ;
ce fut un lieu retranché, une forteresse puissante qui servit de
berceau à la ville actuelle. Fièrement campee sur un promontoire de
calcaire grossier qui ne tient plus au plateau que par un étroit
pédoncule, Clermont domine les plaines qui montent lentement vers
la Picardie; mais son rôle actif est terminé; elle ne possède plus sa
fonction défensive; en bas, dans les vallees circule la vie; en haut,
la solitude règne autour de la place pavée ; les maisons se serrent
sur une étroite terrasse; leùrs appartements sont de plain-pied sur
la rue, en premier étage sur le jardin ; elles semblent se maintenir à
grande peine sur ces pentes raides où rien ne les retient plus.
Le type accompli de ces villes forteresses nous est donné par
Laon1. Elle se pose sur une colline de forme triangulaire, formée
dans ses assises inférieures par du sable, mais surmontée par un
couronnement de calcaire grossier de 12 à 14 mètres d épaisseur;
elle possède ainsi un emplacement tubulaire en même temps qu’un
point d’appui isolé au milieu des plaines; une couche d’argile intermédiaire
entre le calcaire et le sable retenait une nappe d’eau où
s’alimentaient des puits. Cette position formait en réalité une citadelle
naturelle. Rien ne prouve qu’on puisse l’identifier avec la Bibrax
de César; mais dès la fin du ve siècle, Reims y fondait un évêché et
« Lugdumum » devenait pour un temps l’avant-garde du christianisme
dans la Gaule du Nord. A la fin du vu® siècle, on voit que sa
position inaccessible la préserve des Vandales et des autres Barbares;
dans la suite, résidence inexpugnable de puissants évêques,
forteresse royale où s’abrita la faiblesse des derniers Carolingiens,
siège d’une commune redoutable, chef-lieu d’un gouvernement militaire,
elle traverse l’histoire avec le rôle d’une place forte postée sur
les confins de la région parisienne vers le Nord-Est.
Tout un long passé historique pèse donc sur la plupart des villes
de Picardie, d’Artois, de Cambrésis et de Beauvaisis. De nos jours
seulement elles reviennent aux conditions d’une vie normale. Pendant
de longs siècles elles avaient étouffé dans leur cuirasse de pierres.
Pendant de longs siècles, la plupart d’entre elles étaient restées stationnâmes,
avec les mêmes dimensions, avec le même nombre d’habi-
1 Desnoyei's, 399, p. 717-727 ; Melleville, 369, I, p. 20, 5a.