Les alluvions proviennent de la démolition des falaises normandes.
Sapées par les marées et les tempêtes de Mars et de Septembre,
ruinées par les eaux d’infiltration, fendues de grandes
lézardes entre-croisées, les falaises de craie s’éboulent en grosses
tranches dont les flots viennent rouler les débris. Même sur la courte
distance qui sépare Mers d’Onival, on peut suivre sur la plage ce
travail de la mer. La craie donne des galets plats, usés sur deux
faces parallèles, qui sont vites broyés. Mais les galets ronds de silex
se disposent en deux ou trois terrasses que déplace la violence des
vagues : c’est la réserve de mitraille que lancent les tempêtes à l’assaut
du continent. Le sol crayeux de la plage porte les marques de
cette lente destruction ; tantôt de petites rigoles le ravinent de sillons
qui vont toujours s’approfondissant; tantôt il se creuse de cavités,
de « marmites », où les galets emprisonnés tournent au gré des flots
en usant la pierre. Rigoles et cavités préparent l’affouillement de la
plage qui, s’ajoutant à la destruction des falaises, complétera l’oeuvre
de l ’érosion marine. L’histoire permet de mesurer les progrès de
cette démolition. Au début du x v i i i6 siècle, Ault* abritait encore dans
une crique de nombreux bâteaux de pêche; mais en 1735 la plage
ou perroir, où d’anciens plans nous montrent des bateaux tirés à sec
par des cabestans, était violemment dégradée par la mer. La falaise
croulait peu à peu et les maisons du village, reculant devant le précipice
qui s’avançait, se reconstruisaient en étage sur les flancs du
plateau. En 1834, un épi, construit pour protéger le havre, dut être
réparé bientôt. Aussi les marins ont déserté le bourg d’Ault. Beaucoup
émigrèrent à Cayeux. Aujourd’hui le danger n’est pas conjuré.
Chaque année, de gros blocs se détachent de la falaise ; une partie
d’Ault est menacée et certains chalets d’Onival peuvent déjà tout
redouter des coups de mer; il faudrait non seulement construire un
mur de défense en avant du pied de la falaise, mais même consolider
les parois par des revêtements maçonnés pour les protéger
contre les gelées et les intempéries.
Les débris des falaises démolies ne s’arrêtent pas longtemps sur
la plage ; les flots les entraînent vers le Nord-Est : c’est la direction
de la grande vague de marée qui envahit la Manche à chaque flux. La
marée ne représente pas la seule force de transport ; s’il est vrai que
la vitesse maxima du flot dépasse celle du jusant, ce qui expliquerait
le transport des alluvions vers le Nord-Est, il faut remarquer que la
durée du jusant est supérieure à la durée du flot d’une heure et
1 Prarond, 580, IV, p. 125-126.