vallée, ou bien si elle a été générale sur toute la, côte. En tout cas,
la mer qui s’est retirée de Flandre ne menace pas de reprendre sur
notre littoral le terrain perdu ; à part quelques assauts furieux contre
des points particulièrement exposés aux courants de marée et aux
vents dominants, le comblement progressif des estuaires éloigne la
mer chaque jour davantage; nous assistons sur la côte de Picardie
à une phase de retrait des eaux marines, qu’il faut attribuer surtout
aux progrès de l’alluvionnement; l’affaissément, même s’il continue,
est oblitéré par l’activité des dépôts.
II
LA TECTONIQUE DU SOL
Le plissement de la craie.
Les mouvements tectoniques qui ont donné à ta région crayeuse
les piincipaux traits de sa configuration géographique ont tracé
jusque dans ses profondeurs les grandes lignes de son architecture.
Les assises de la craie ne sont horizontales que par exception; elles
s’étalent en plis alternativement convexes et concaves qui rappellent,
l’intensité en moins, la disposition d’une chaîne de montagnes plis-
sée. Pour une contrée d’apparence aussi tranquille, l’amplitude de
certaines de ces ondulations ne laisse même pas de surprendre ;
ainsi de la vallée de la Bresle à la vallée delà Somme, le plongement
des couches de la craie dépasse 160 mètres (fig. 6). Gn connaît mal
l’histoire de ces plissements avant la fin de la période crétacée. Il n’en
est pas de même pendant la période tertiaire où l’étonnante variété
des dépôts trahit la perpétuelle instabilité du sol. Le Bassin de
Paris dont la surface se plisse alors en nombreuses ondulations
dirigées parallèlement du N. 0 . au S. E. présente le caractère d’une
véritable chaîne en voie de formation dont le soulèvement se communique
à toute la région anglo-française. Ces dislocations avaient
commencé avant même le début du tertiaire, car l’éocèiie repose en
discordance sur la craie du Nord de la France; on peut voir « au
Sud-Est de Beauvais de chaque côté de l’axe du Bray, en discordance
de stratification sur les assises redressées du sénonien et du
turomen, les sables de Bracheux à Cyprina Scutellaria 1. » Ces.
mouvements se continuèrent pendant le tertiaire, entraînant à
diverses époques tantôt la surélévation du bassin, le bombement
1 Munier-Chalmas, 128.
des dômes anticlinaux avec une régression des eaux, tantôt la descente
en masse de la région avec une transgression de la mer.
Toute cette histoire est gravée dans la structure du sol. Un simple
regard jeté sur la carte s’arrête à deux lignes de hauteurs parallèles,
hauteurs d’Artois et hauteurs du Bray, séparées par la dépression
de la Somme ; ces deux saillies naturelles révèlent dans la topographie
deux traits de la structure du sol, l’axe de l’Artois et l’axe du Bray;
ces deux soulèvements eux-mêmes ne sont que les mieux marquées
parmi tout un faisceau d’ondulations parallèles, dirigées S. E.-N. 0 .,
qui affectent la surface de la craie. A ce premier système de plis
s’en ajoute un second qui lui est perpendiculaire -et qui provient
d’une poussée latérale dirigée S. E.-N. 0 ; Picquigny sur la Somme
occupe le sommet d’un de ces bombements de la craie dirigés S. E.-
N. E. ; on le suit vers le Sud jusqu’à Rouen où il détermine l’apparition
de la craie glauconieuse et du g au lt*. De l’entre-croisement de ces
deux systèmes il résulte que le sol de la contrée, traversé par tous
ces plis perpendiculaires entre^ eux, donne l’impression d’un véritable
quadrillage géométrique. Mais dans la structure comme dans le
relief, c’est le système S. E.-N. 0 . qui joue le rôle principal (fig. 6 et 7).
Les plis de la craie dans ce système principal possèdent certains
caractères communs qu’ils doivent à leur origine commune. Leur
direction est la même S. E.-N. 0 . ; ils s’alignent parallèlement les
uns aux autres. Le tracé de l’hydrographie reflète cette allure générale;
on a d i t2 avec raison que le réseau hydrographique de la
contrée comprise entre le Perche et l’Artois rentrait dans la même
catégorie que celui du Jura, puisque les rivières y suivent les grands
accidents tectoniques ; la direction des vallées de la Bresle, de la
Somme, de l’Authie et de la Canche prouve une concordance entre
l’hydrographie et la structure du sol. Il faut remarquer ensuite que
l’intensité du plissement décroît de l’Ouest à l’Est ; au voisinage du
Boulonnais, l’altitude de la craie dépasse 200 mètres ; elle descend
au-dessous de 36 mètres dans la vallée de l’Escaut près de Bouchain;
par suite, c’est à l’Ouest que le plissement s’est le mieux gravé
dans le relief. Tandis que le long de la côte le nombre des vallées
principales correspond presque au nombre des accidents tectoniques,
le plissement, qui s’efface vers l’Est, n’impose plus aux vallées une
tyrannie si sévère ; au système des vallées autonomes qui débouchent
parallèlement à la côte, se substitue la simple vallée de la Somme
* Hébert, 81, p. 13-14. Dollfus, 38, p. 34-55.
* De La Noe, 33 bis, p. 144-5.