formes n ’occupent pas le centre du domaine cultivé ; elles se maintiennent
en groupements, hameaux et villages, en dehors desquels
se trouvent les champs. Privée de cette analogie essentielle, la comparaison
avec la ferme llamande ne doit pas être poussée davantage.
En réalité, l’élément de différenciation provient du double caractère
de la culture, à la fois plus préoccupée de l’élevage et moins absorbée
par la récolte des grains. Toute cette zone littorale doit au voisinage
de la mer l ’humidité qui favorise le développement des pâtures;
autour des lieux habités, sur une terre argileuse, les enclos herbeux
so pressent à l’ombre des grands arbres ; chaque ferme s’entoure de
ses pâtures pour mieux surveiller les bestiaux ; il y a plus d’espace
entre les maisons ; chaque maison elle-même se trouve plus au large.
Parfois le village ressemble à un petit bois habité; à Drucat, près
d’Abbeville, il n’est point de maison qui ne soit pas séparée du chemin
ou de ses voisines par un petit enclos, jardin, cour ou plant. Les
céréales ne forment plus l’unique recette du cultivateur; la grange
n ’est plus le coeur de l’exploitation ; elle disparaît même ou se réduit
beaucoup dans les petites exploitations dès que l’élevage du porc,
l’entretien des vaches à lait ou bien la culture du tabac deviennent
l’occupation dominante.
Vers le Nord-Est et vers l’Est, dans le pays de Cambrai et de
Saint-Quentin, la ferme picarde passe à un autre type de maison de
culture. Le contraste se trouve déjà très marqué dans l’aspect extérieur,
car tout est bâti en briques ; les rues de villages ressemblent à
des coins de cités ouvrières. Trait essentiel, ces fermes ont le pignon
de la maison tourné vers la rue de sorte qu’elles s’alignent perpendiculairement
au chemin en se tournant le dos. Elles ont vue sur une
cour : ce qui est nécessaire dans une maison de culture où le maître
doit surveiller son personnel, son bétail, ses volailles. Sur le plus
grand côté de cette cour, perpendiculairement à la rue, se succèdent
la maison d’habitation, les écuries, les étables; sur le petit côté qui
fait face à la rue, se tient la grange, vaste construction dont l’ampleur
révèle l’importance des récoltes ; placée vis-à-vis de la porte
charretière, elle en reçoit les voitures chargées. Cette disposition qui
relègue la grange au fond de la cour et qui place sur la rue le pignon
de la maison s’explique par deux raisons. En Picardie, toute ferme
possède, en arrière, vers les champs, un jardin, un verger ou une
p â tu re , 1 habitation doit donc se placer entre cour et jardin pour
être à portée de l’une et de l’autre. Dans le Cambrésis et le Verman-
dois, cette particularité n’existe pas ou bien elle se rencontre rarement;
dès lors la grange peut très bien barrer le fond de la cour
P LA IN E P IC A R D E .