parableset elle ne ressemble pas à l’abandon qui attriste les campagnes
de la région d’Amiens et de Beauvais. Le meilleur exemple, toutefois,
de cette fidélité au sol natal nous est fourni par quelques communes
des cantons de Desvres et de Samer; la plupart de leurs
ouvriers trouvent encore du travail aux carrières, aux forêts, aux
usines à ciment, aux faïenceries ; ils restent au village ; ils ont souvent
3, 6 et 7 enfants ; la natalité ne diminue pas parce que l ’émi-
gration n ’enlève pas les hommes jeunes ; ce sont des campagnes qui
ne se dépeuplent pas.
En somme, le phénomène de la dépopulation des„ campagnes, si
caractéristique de la fin du xixe siècle, trouve sa condition première
dans le phénomène de surpopulation qui suivit en Picardie,
Artois, Gambrésis et Beauvaisis, la diffusion des industries rurales ;
la conception originale d’une existence fondée à la fois sur le travail
des champs et sur le travail de l'atelier, l’alternance d’un métier
d’été et d’un métier d’hiver aboutirent au développement d’une nombreuse
classe de paysans, mi-cultivateurs, mi-artisans ; elle n’a pas'
cessé de s’accroître, tant que les événements économiques maintinrent
un juste rapport entre ses ressources et ses besoins. Mais lorsque
les deux ressources devinrent incertaines et lorsqu’elles vinrent
à lui manquer toutes les deux, l’émigration commença, et les villages
qui avaient grossi jusqu’à la pléthore reprirent des proportions normales.
Là dépopulation actuelle des campagnes est la contre-partie
naturelle de la surpopulation d’autrefois ; elle marque une phase
inévitable dans le progrès de la division du travail qui concentre
les industries autour des outils les meilleurs et les plus puissants et
qui ramène les campagnes à leur fonction agricole ; c’est la disparition
d’une forme de vie qui vivait d’un habile équilibre entre deux
formes de travail ; mais c’est l’application de la loi économique qui
assure le rendement maximum au travail intensif ; c’est le retour du
village à ia vie des champs et au travail de la terre.
l i t
LES COURANTS HUMAINS
Dans le mouvement qui entraîne les paysans hors de leur village,
on peut discerner plusieurs directions, plusieurs courants de nature,
de portée et de durée fort différentes; tantôt, c’est une migration temporaire
pour un jour, pour une saison, pour une année; tantôt c’est
une émigration définitive sans esprit de retour.
Toutes les fois que l’ouvrier peut trouver du travail au dehors
du village sans abandonner sa chaumière et son jardin, il se déplacé
périodiquement ; la besogne terminée, il revient au foyer. Autour
des villes, il se produit ainsi des migrations journalières dont le
rayon s’étend tous les jours à mesure que les moyens de transport
deviennent plus nombreux, plus rapides et moins coûteux. Nous
avons déjà signalé, sur notre carte des industries rurales, autour
d’Amiens, un cercle très régulier complètement dépourvu de métiers
à domicile; c’est une zone de villages „qui envoient chaque jour à
Amiejis et à ses usines leur contingent de travailleurs. Le fait est
commun. De Beaumetz-les-Loges, cinquante ouvriers vont à Arras
tous les jours comme serruriers, menuisiers et maçons. De Guvillers,
d’Abancourt et de Bantigny, ce sont des maçons qui partent quotidiennement
vers Cambrai. Mais c’est au bord de la région minière
et industrielle du Pas-de-Calais et du Nord que ce phénomène de
migration prend le plus d’ampleur. De tous les villages de cette
lisière et parfois jusqu’à de grandes distances, sortent tous les matins
par les routes ou par les gares des milliers d’ouvriers qui s’en vont
pour la journée à la fosse ou à l’usine. Les usines de Denain drainent
vers le Sud tout le pays jusqu’à Saint-Aubert, Avesnes-le-Sec, Saint-
Waast, Saint-Hilaire, à plus de 10 kilomètres; en hiver, un train
qui part de Villers-en-Cauchie à cinq heures du matin leur amène
une soixantaine d’ouvriers ; Avesnes-le-Sêc en fournit 90 ; Saint-
Aubert 80 ; tous ces villages n’étaient autrefois peuplés que de tisseurs.
A l’Ouest, le courant se dirige vers les usines métallurgiques
de Biache-Saint-Waast et de Roeux; tout le voisinage est pour ainsi
dire réquisitionné : Vitry-en-Artois, Monchy-le-Preux, Hamblain,
Étaing, Plouvain, Pelves, Fresnes, Boiry-Notre-Dame. Plus à l’Ouest
enfin, l’attraction vient des usines du Pas-de-Calais.'
Des villages les plus proches ou les moins bien desservis par les
voies de communication, de Caucourt, d’Ablain-Saint-Nazaire, de
Bouvignies et de bien d’autres on gagne la mine à pied1. Des villages
1 Voici la liste des villages qui fournissent des ouvriers aux mines de Lens, avec le
nombre do ces ouvriers :
18
13
87
A b la in ................ . . 38 A r le u v ................ B e a u ra in s ....................
Achicourt. . . . 3 Arras . . 9 Bénifontaine. . . . .
Agny................... . . 20 A th i e s ................ . . 6 Billy-Berchau . . . .
Aubers . . . . .. . . 15 B u l l y ............................
Allennes . .V. . . . 15 Auchy-B............... . . 123 Gambrin.......................
A n g re s ............... Avion..................., . . 439 Guinchy.........................
Annay ............... , 1 . 381 Bailleul................ . . 6 D o u v rin .......................
Annequin. . . ,. . . 1 Bauvin . . . . . . 44 E cu rie............................
Annoeulin. . . . . . 93 Bcaucamp . . . . . 5 Eleu...............................
4
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