ces limites, il passe progressivement à d’autres types issus de besoins,
de goûts, d’occupations différents ; au Nord-Est, c’est la petite ferme
du Cambrésis et du Vermandois ouverte vers le dehors, s’y présentant
par le pignon et passant elle-même à, la ferme lierbagère de la
Thiérache et du Hainaut ; au Sud-Est, c’est la grosse ferme carrée de
la grande culture avec l’habitation au centre; au Sud, c’est la ferme
lierbagère de Normandie; au Nord-Ouest, c’est la ferme flamande
(fig. 23).
La ferme picarde est remarquable par son adaptation à une fonction
exclusivement agricole. Elle exclut par sa disposition tout
espèce de bétail, en dehors des bêtes immédiatement nécessaires au
travail de la culture et à l’alimentation du cultivateur. Cette étroite
spécialisation ne s’est pas maintenue intégralement dans l’économie
rurale puisque les progrès de la culture ont accru le nombre des bestiaux
; mais elle se conserve dans l ’habitation, chose moins souple
et plus lente à évoluer. Le rôle agricole de la ferme picarde s’exprime
par l’importance et la place de la grange. Dans l’ensemble de
la construction qui est carré ou rectangulaire, elle occupe tout un
côté ; bien souvent elle dépasse en hauteur et- en profondeur les
autres bâtiments de la ferme. Pour en bien comprendre de rôle, il
faut se reporter à une époque, encore assez rapprochée de nous, où
les grains constituaient la seule richesse, le seul objet de vente des
cultivateurs ; la coutume n’était pas encore de laisser les gerbes en
meules dans les champs; on rentrait tout ; pour loger la récolte, il
fallait de l’espace. Les maisons mêmes, dont le chef ne cultivait pas
à son compte et se louait aux cultivateurs pour la moisson, devaient
avoir leur grange puisque les salaires se payaient en gerbes. La
grange ne servait pas seulement de magasin aux récoltes'; c’était
aussi un atelier d’hiver; on y battait les grains au fléau ; aujourd’hui
on y installe la batteuse mécanique. Cette fonction importante lui
assignait presque toujours la première place dans la construction.
Elle donne sur la rue, par une grande porte cochère qui est en
même temps l’entrée de la maison ; c’est par cette porte et par une
ou deux ouvertures plus petites que les gerbes pénètrent dans la maison,
avec le moins d’effort possible; les voitures chargées ne pourraient
ni passer sous la grande porte trop basse, ni évoluer dans la
cour intérieure trop petite ; pour se décharger, elles restent dans la
rue. De même, quand la batteuse marche, elles peuvent s’approcher
aisément pour livrer leurs gerbes et pour recevoir les bottes de paille.
Comme la grande porte est en réalité un passage sous un toit, elle
devient, la journée finie, une charretterie ; elle abrite les voitures;