blanche, les nappes d’eau se rapprochent assez de la surface des plateaux
pour jaillir à flanc de versant dans les vallées ou bien pour
alimenter des puits peu profonds. Entre Cambrai et Saint Quentin,
de nombreux villages sont établis sur des témoins tertiaires; près de
Clary, de Bohain, de Wassigny, de Saint-Quentin et de Ribemont,
on les devine de loin aux bouquets d’arbres qui les entourent et qui
couronnent les sommets. Sur la lisière méridionale et occidentale
d e là Thiérache, c’est la seconde circonstance qui fixe les villages;
c’est un phénomène constant dans les vallées du Yilpion (Saint-
Gobert, Gercy, Thenailles), de la Brune (Prisces, Burelles, Hary,
Braye, Nampcelles, Dagny, Morgny), de l ’Oise (Wiège, Proisy,
Romery, Malzy,' Montceau), de la Rhonelle et de l’Aunelle. Au piecl
de la falaise crayeuse qui domine le Bas-Boulonnais, les sources ont
de même attiré les villages : Tingry, Longfossé, Desvres, Menne-
ville, Saint-Martin-Choquel; ces villages possèdent des terres à la
fois sur le Mont et dans la Fosse : ils détachent même des hameaux
sur le plateau ; mais le centrele plus populeux avec l’église demeure
auprès du point d eau. Ainsi, la proximité de l’eau commande
parfois la position des villages ; mais ces cas forment l’exception.
Dans ces campagnes privées d’eau sur de grandes étendues et
jusqu’à de grandes profondeurs, ce n ’est point l’eau qui pouvait
fixer l’homme à la surface du sol. L’attraction vint de la terre cultivable,
de la bonne terre, de la terre franche, du limon ; le choix de
l’emplacement répond à des préoccupations agricoles. De nombreux
faits confirment cette opinion.
Ce sont les contrées dont le manteau limoneux est le plus homogène
et le plus épais qui portent le plus de villages et les villages
les plus populeux : le Santerre, le Yimeu, la Plaine d’Arras.
Il est facile de s’en assurer. Nous avons découpé deux étendues
égales d’en v iro n /201 kilomètres carrés, l’une dans le coeur du
Santerre entre Rosières, Nesles et Roye, l’autre sur les plateaux
p us accidentés et plus dénudés qui s’étendent entre Picquigny
Molliens-Yidame et Poix. Le lambeau de Santerre nous fournit
43 communes, 13.920 habitants, soit 370 en moyenne par commune,
tandis que 1 autre surface nous donne 28 communes, 7.371 habitants,
soit 263 en moyenne par commune. Réparti en plaques isolées ou
ien en longues bandes parallèles sur les plateaux qui séparent les
grandes vallées, le limon porte les gros villages : ainsi entre Somme
et Aulhie, Candas, Fienvillers, Bernaville, Beaumetz ; au contraire,
sur les pentes et dans les vallons secs, les agglomérations se font
rares et petites. Rien n’égale la solitude des plaines de craie dégarnies
de limon. Considérons la plaine ondulée qui s’étend entre l’Oise,
la Serre et le coin de la feuille de Laon (carte d état-major) ; sur
cette surface presque entièrement dépouillée de limon, nous cherchons
en vain un village- sur la craie ; on ne trouve d’agglomérations
que sur quelques rares lambeaux de limon et surtout dans les larges
vallées de l’Oise et de la Serre. Si les villages agricoles se sont établis
en si grand nombre dans ces vallées, c’est qu ils y disposent de
terres fertiles ; on les voit exactement fixés sur les alluvions limoneuses
ou bien sur les dépôts des pentes, d autant plus nombreux et
plus denses que le îoevêtement limoneux de la vallée est plus continu ;
ce phénomène est très remarquable dans la vallée de l’Oise (Travecy,
Vendeuil, Mouy, Alaincourt, Berthenicourt, Mézières, Châtillon,
Sissy, Achery, Mayot, Brissay, etc...). Sur le territoire considéré
on compte 10 villages de plateau avec une moyenne de 590 habitants
contre 17 villages de vallée avec une moyenne de 1.110 habitants.
Partout c’est la terre arable qui fixe les agglomérations. Dans
les pays accidentés comme le Haut-Boulonnais, où les vallées ne
laissent entre elles que des plateaux étroits souvent rocailleux,
tapissés d’argile à silex, les villages demeurent presque tous dans les
vallées dont les alluvions sont faciles à cultiver et propices aux prairies
naturelles ; les champs, les prairies, les arbres, les habitations
de tous ces fonds verdoyants contrastent avec la nudité et la solitude
des.hauteurs; les dépôts limoneux s’y accumulent, attirant la cultu
re ; entre Saint-Pol et Fruges, il n’est presque point de vallon qui
n’ait son village : Belval, Bethonval, Guernonval, Boyaval, Hagi-
val, Griboval, Froideval (fig. 29). Mais lorsque les plateaux reprenant
de la largeur se garnissent de limon, on y voit revenir les gros
villages de culture ; ainsi, au Nord-Est de la Ternoise, sur les plateaux
du Haut-Artois, Beaumetz-les-Aire, Laires, Prédefin, Fiefs, Sains,
Tangry, Yalhuon. Le village suit la terre arable.
Dans les contrées accidentées où les communications entre un
village unique et toutes les terres cultivables offriraient trop de difficultés,
des hameaux se détachent pour l’exploitation des champs
éloignés. La nature du groupement humain ne varie pas; seul le
nombre des agglomérations augmente. Tandis que les calmes
plaines du Santerre se partagent entre des communes agricoles dont
toute la population se concentre dans un village unique, les hautes
régions d’argile à silex coupées de ravins et sillonnées de côtes
arides, telles que nous les observons près du Boulonnais et de la