mélasses de Paris, de l’Aisne, de l’Yonne; les betteraves de Champagne;
les bois venus de la France orientale ou de l’étranger par
Dunkerque, Calais et Rouen. Elle voit passer les houilles du Nord
pour Amiens, Paris et la Lorraine ; les fontes, fers et aciers de la
Lorraine pour le Nord ; les bois de mines pour les houillères ; les
produits chimiques de Chauny pour Lille; les plâtres de l’Oise pour
Amsterdam, Gand et Bruxelles. En un mot, cet étroit seuil du plateau
picard livre passage à une énorme circulation de marchandises dont
les points extrêmes vers l’intérieur se trouvent à Lyon et à Nancy et
dont le principal débouché vers l’extérieur se trouve à Dunkerque.
Les voies de fer.
Plus ardente, plus complexe, plus lointaine encore apparaît
l’action des voies ferrées. Par sa situation, la région Picarde est
devenue un carrefour international de voyageurs. Trois grandes
lignes lui attribuent cette fonction : 1° la ligne de Paris à Boulogne
et Calais par Amiens qui est le grand chemin de Paris en Angleterre;
2° la ligne de Paris à Lille et Ostende par Amiens; 3° la ligne de
Paris à Saint-Quentin, et, de là, à Bruxelles ou Amsterdam, ou bien
à Liège, Cologne, Berlin et Saint-Pétersbourg. Le réseau du Nord
multiplie et perfectionne sans cesse ses services internationaux.
Amiens, Saint-Quentin et Laon voient passer les trains les plus
rapides du monde. Ce sont tantôt les trains directs d’Angleterre en
Italie par le mont Cenis ou par Vintimille, ou lés trains d’Angleterre
en Suisse par Genève, viâ Calais-Boulogne, Amiens, Paris; tantôt
les trains d’Angleterre en Suisse et en Italie par le Saint-Gothard,
viâ Laon, Reims, Chaumont, Delle ou bien viâ Amiens et Paris, ou
bien viâ Laon, Nancy, Épinal; tantôt les trains Paris-Londres ; tantôt
les trains Paris, Mons, Bruxelles, Amsterdam; tantôt enfin les trains
Paris, Berlin et la Russie. On peut mesurer l’importance de ce mouvement
par le tableau suivant qui donne par nationalités le nombre
des voyageurs étrangers transportés sur le réseau du Nord en 1899
et en 19001 :
Provenances. . 1899. 1900.
A n g le te r r e ...................................................... 149.820 204.338
Belgique e t Hollande. . ......................... 141.326 419.438
A llem a g n e ...................... 39.912 102.536
R u s s ie ............................................................... 11.568 28.020
T o ta l. . 342.626 754.332
1 Rapport annuel, 335.
Dans le trafic des marchandises, la voie ferrée dispute au canal
le transport de la houille; elle en prend pour elle 69 p. 100 et n’en
laisse que 31 p. 100 à la voie d’eau. En 1902, la houille et le coke
représentaient sur l’ensemble du tonnage de la petite vitesse
(17.493.866 tonnes) la masse énorme de 13.216.715 tonnes. Ce sont
les combustibles minéraux qui assurent à la ligne Béthune-Lens-
Arras-Amiens-Paris et à la ligne Cambrai-Busigny-Saint-Quentin-
Paris leur supériorité écrasante en activité et en rendement sur les
autres lignes du rése au 1. La section Arras-Amiens, en 1902, a transporté
vers le Sud 4.202.250 tonnes en petite vitesse (tonnage ramené
à la distance entière); vers le Nord, 627.425 seulement; pour la
section Busigny-Tergnier, on trouve 2.475.257 tonnes vers le Sud,
448.200 vers le Nord1. Le transport de la houille, qui donne tant
d’intensité à la circulation N. S., est à la fois la fonction essentielle
et la grosse difficulté du réseau du Nord ; nos deux bassins houillers,
Nord et Pas-de-Calais, expédient journellement plus de 3.300 wagons;
ce nombre dépasse 5.400 en plein hiver, ce qui équivaut à 120 trains
de 40 wagons à expédier dans une période de quinze heures2.
La voie ferrée possède une autre source de transit : ce sont les
marchandises qu’elle va prendre dans les ports maritimes. Depuis le
début du xix8 siècle, nos ports de la Manche et de la mer du Nord ont
cessé de vivre exclusivement de la course, de la contrebande ou de
la pêche; l’un après l’autre, ils sont devenus des organes commerciaux.
Aussi la région Picarde, privée de relations maritimes directes,
s’efforce, grâce aux voies ferrées, de joindre la mer à Boulogne, à
Calais, à Dunkerque, ou bien au Havre. C’est par Dunkerque qu’elle
reçoit les lins, les laines, les cotons, les graines oléagineuses, les
nitrates dont elle a besoin pour son industrie et son agriculture.
Boulogne envoie le jute aux usines de la Somme. Pa r Le Havre,
arrivent le café et le pétrole. Mais les ports ne limitent pas leur rôle
à cet approvisionnement régional ; par les voies ferrées, leur rayon
d’action s’étend au loin, achevant de donner, au coin de France traversé/
tous les caractères et tous les avantages d’un grand carrefour
commercial; déjà la Champagne et la Lorraine correspondent directement
avec Rouen et Le Havre par la ligne de Reims à Rouen; déjà
les mêmes provinces reçoivent par Saint-Quentin des marchandises
débarquées à Anvers et à Ostende; déjà aussi des vins de Champagne,
destinés aux Etats-Unis, prennent le même chemin pour gagner
Documents fournies p ar M. l’ingénieur en chef Sartiaux.