riches on bestiaux que les petites du Bas-Boulonnais ; tandis qu’en
bas, dans le fond do bois et d'herbages, le bétail se pressait u 1 ocurii'
et à retable, en haut, dans la plaine de céréales, on le restreignait
au nécessaire ; on ne se risquait pas h nourrir plus de chevaux qu'il
n'en fallait pour les attelages. Cette pauvreté de fourrages n’était pas
seulement un obstacle à l élevage du bétail, mais encore une grossi'
infériorité pour la culture puisqu’elle empêchait la production du
fumier. Toutes ces conditions furent bouleversées par l’introduction
des prairies artificielles.
Relations de la culture et de l’élevage.
Les prairies artificielles accomplirent dans la culture une véritable
révolution. Elles apparurent à la fin du x v i i i0 siècle. En 1780,
un document des archives* signale que, depuis vingt ans déjà; les
prairies artificielles avaient augmenté le nombre des bestiaux et les
quantités de fumier. De 1763 à 1788% nous trouvons d’innombrables
instructions officielles sur leur emploi et leur propagation en Picardie.
En 1762, dans l’élection de Beauvais2,le Comité d’Agriculture fournit
aux cultivateurs des graines de luzerne, de minette et de trèfle ;
en 1770, apparaît le sainfoin. Arthur Young3 constate déjà qu’à
Breteuilon estime la luzerne plus que le grain, quelle nourrit vaches
et chevaux et qu elle permet des récoltes étonnantes de céréales..
Sous le Directoire, un voyageur1 remarque que, de Breteuil à Cler-
mout. dans un pays cultivé au plus haut point, où la charrue fouille
presque au pied des haies qui bordent la route, le nombre des bestiaux
a augmenté d'un tiers en peu d’années. Mais ce fut surtout à partir
de 1800-1820 que la culture des prairies artificielles devint commune
dans la Picardie et l’Artois; elle gagna de proche en proche les campagnes
les plus reculées, d’où nous revient aujourd’hui le dicton :
« Si tu veux des blés, fais des prés. »
Grâce à cette innovation, les plaines de craie purent nourrir du
bétail. Les légumineuses, grâce à leurs racines pivotantes, vont dans
le sous-sol trouver l’humidité et peuvent résister à la sécheresse ; la
culture tournait l’obstacle naturel qui s’opposait au développement
du bétail. C'est aujourd’hui l’un des traits les plus originaux de
l’économie rurale en ces pays que l’élevage y dépend de la cultuio,
' Areh. Somme, C, 110.
= Bodin, 311, V, p. 392.
Yotmg, 592, II, p. 417-443.
‘ BabeatL 475, p. 46-47.
c’est de la terre cultivée, du champ labouré qu’il reçoit ses moyens
d’existence. La valeur du bétail provient beaucoup moins de l’herbe
des pâtures que de la dépouille des champs.
Par sa distribution géographique, l’élevage rappelle la distribution
des cultures. Pour l’un comme pour l’autre, on observe une opposition
entre la région orientale, de culture intensive, et la région occidentale,
de culture moins avancée. A l’Est, dans 1 arrondissement
do Glcrmont, dans le San terre, dans le rayon de Sainl-Quentin.
dans les plaines d’Arras et de Cambrai, la spéculation agricole
repose beaucoup plus sur les produits du sol que sur le bétail. A
l’Ouest, dans la partie occidentale des arrondissements de Beauvais
et d’Amiens, dans le Virneu, dans la région de l’Authie e t de la
Canche, dans le Haut-Boulonnais, on demande beaucoup auxproduits
du bétail et moins à la culture ; ces deux régions, qui se fondent sur
leurs bords, se juxtaposent nettement sur la carte économique, révélant
ainsi la différence de sol qui les sépare. Depuis quelques années
même, cette différence d’aptitudes agricoles se présente avec un relief
plus énergique parce que, la facilité des communications assurant à
chaque contrée l’achat des denrées qu’elle produit malaisément, on
peut laisser chaque sol suivre sa vocation et chaque culture s’adapter
aux terrains et aux climats qui lui conviennent le mieux. Les terres
bieffeuses, les terres en pente, les terres caillouteuses de la région
occidentale ne pouvaient atteindre le degré de culture intensive
auquel sont parvenues les terres fertiles de la région limoneuse ;
surtout depuis la mévente des blés, il fallut les adapter à d autres
spéculations; aussi les consacre-t-on chaque jour davantage à la
production des fourrages et à la nourriture des bestiaux; tandis qu à
l’Est la betterave et le blé occupent le premier plan dans les exploitations,
on voit au contraire à l’Ouest 1 assolementsouvrir plus largement
aux plantes fourragères ; en face de la culture intensive, on peut
dire que c’est l’élevage intensif qui prend position ; dans chacun de
ces systèmes, le rôle du bétail n'est pas le même tîg. 21 .
En pleine culture intensive, il ne reste presque plus d espace
libre dans les champs. On met bien les vaches au piquet dans le
trèfle et la luzerne ; mais c’est à 1 étable que se déroulent les principales
phases de la spéculation. L industrie sucrière met à la disposition
des cultivateurs d’énormes masses de pulpe que le bétail cou-
somme à l’étable. L’engraissement des boeufs devient une source de
gros revenus. Les animaux qu’on engraisse ne sont pas nés dans le
pays. On en achète une partie dans la région occidentale qui peut
grâce à ses pâtures élever des jeunes ; mais ou s adresse surtout aux