l’énergique intervention des intendants royaux au xvme siècle pour
arrêter le ma l1. Cliauvelin fit fausse route en 1734, quand il voulut
obliger chaque propriétaire d’immeuble à nettoyer et à curer lui-
même : c’était méconnaître toute l’utilité du syndicat. Mais en 1762,
d’Invau partagea tout le pays situé entre l’Authie et la Somme en
cinq cantons, possédant chacun sa caisse et exécutant les travaux
sous la surveillance des principaux propriétaires avec l ’approbation
de l’intendant. Rue, Ponthoile, Le Crotoy formaient trois de ces
cantons. Les deux autres se partageaient le Marquenterre ; dans l’un
(Froise et Saint-Quentin), les eaux s’écoulaient vers la Maye; dans
l’autre (Quend et ses hameaux), elles se rendaient à l’Authie. Mais on
revint bientôt à l’unité d’administration. Par un règlement du
19 vendémiaire an IX, le préfet de la Somme, Quinette, soumit au
même régime tous les bas-champs compris entre les baies de Somme
et d’Authie. Sur ce territoire, l’entretien des travaux de défense et de
dessèchement, de toutes les digues et de tous les canaux était à la
charge commune des propriétaires. La surface du pays était divisée
en trois sections, Somme, Maye, Authie. Dans chaque section, un
percepteur choisi par les propriétaires recouvrait la contribution de
charun; un commissaire donnait son avis sur les travaux projetés,
surveillait leur exécution, arrêtait le paiement des entrepreneurs et
contrôlait les percepteurs; des gardes, placés sous l’autorité des
commissaires, parcouraient les courses, visitaient ponts, nocs,
écluses et digues et signalaient les dégradations. Enfin, pour toute
1 étendue du Marquenterre, dont le nom fut appliqué au territoire
syndical tout entier, on. créait un conducteur de travaux pour veiller
à tout et correspondre avec les ingénieurs départementaux. Par des
prescriptions minutieuses et sévères concernant le curage des
courses, la pêche, les plantations sur les fossés, la circulation sur les
digues, l’aménagement du pays entier jusqu’aux plus petits fossés
d écoulement autour des propriétés particulières était placé sous le
contrôle et l ’autorité de l’État. Telle est encore l ’organisation de
1 Association Syndicale du Marquenterre dont le budget s’élève à
22.000 francs; les terrains desséchés comprennent 8.650 hectares ;
les « courses de nocage » ont un développement de 180 kilomètres.
Malgré tout, le dessèchement restait précaire. La Maye s’ensablait;
ses eaux surélevées sortaient de leur lit et, se répandant par les
courses, inondaient toute la vallée. Au milieu du xix° siècle, toute la
« bassure » de Saint-Quentin était submergée ; après les pluies ou les
1 Cf. Darsy, 527, II, p. 106-110. Boyer, 505 p. 384-388.
fortes marées, les voitures s’enfonçaient dans l’eau jusqu’au moyeu.
Des travaux pour lesquels on dépensa 120.000 francs supprimèrent
l’écoulement par la Maye (1884). Toutes les eaux de Marquenterre
s’écoulent maintenant par une course principale, longue de 25 kilomètres,
qui traverse le pays, du Nord au Sud; elle quitte l ’Authie au
Châteauneuf, passe près de la Grande Retz, près de Monchaux, à
Froise, à La Chapelle ; traverse la vallée de la Maye dans un siphon
en maçonnerie, établi sous la rivière près du Grand Logis, longe
Bihen-et Mayoc, et se jette dans le port du Crotoy; le point culminant
de ce trajet étant à Froise, les eaux s’écoulent d’un côté vers
l’Authie, de l’autre vers la Somme.
Entre l’Authie et la Canche, deux syndicats de propriétaires se
partagent l’entretien des canaux de dessèchement ; l’un régit le versant
de la Canche, l’autre le versant de l’Authie. Vers le Nord, tout
le système des fossés et nocs aboutit à deux courses principales, la
Grande et la Petite Trinque, qui recueillent les eaux jusqu’à Airon
et les déversent à Villiers par une écluse qui remonte au xvn° siècle»
Vers le Sud, un courant sinueux, la Petite Arche, entraîne les eaux
de Yerton, de Berck et de Groffliers jusqu’à l ’écluse de Groffliers 1 ;
au début du xvme siècle, les eaux de Yerton s’écoulaient encore par
Berck; les sables leur ayant barré la route, on les détourna vers
l’Authie : une ordonnance de 1849, modifiée en 1894, a réglé le des- ’
sèchement de leur vallée.
La fixation des dunes.
La végétation naturelle des dunes offre elle-même les moyens
d’arrêter l’invasion des sables. Parmi les plantes indigènes qui poussent
dans les dunes, on rencontre en abondance une graminée dont
les longues racines fixent le sol. Cette plante (Ammophila arenaria)
qui porte dans l ’Ouest de la France le nom de gourbet, s’appelle
« oyat » dans le Nord ; résistante et prolifique, elle précède dans le
sable les autres plantes. Sur le sol enrichi par les détritus de ses
feuilles, apparaissent ensuite Carex arenaria aux nombreux épis brun
clair, Festuca dumetorum aux tiges souterraines longuement rampantes,
Agropyrum junceum ou chiendent des sables. Puis ce sont
des arbrisseaux et des arbustes, l’Asperge aux tleurs jaunâtres
mêlées de vert, le Saule rampant, l ’Argousier aux feuilles longues
et argentées, le Troène, le Sureau. Pour fixer les dunes, il suffit d’y
créer cette association végétale.
1 Arch. Nat. Q1 923 (plan de 1731). Cf. Molliard, 264 et Arch. Pas-de-Calais, C, 249.