grosses marées la découvrent sous le sable de la grève1. Au Sud de
1 Authie, elle s étend dans les marais de Villers et de Rue; lors des
travaux du canal de la Maye, on a pu constater3, sur le fond de
1 étang de Rue, une épaisseur de tourbe noire et compacte allant
jusqu a metre et lm,60 et même davantage, surtout dans la vallée
de la Maye, près de Bernay.
Galets, sable, argile, tourbe, telle est la composition du sol des
.Bas-Champs. Dans leur état naturel, ces terrains bas, à peine sortis
de 1 eau, restaient exposés aux incursions de la mer; d’un autre côté
leur caractère argileux et leur faible pente les livraient à la stagnation
des eaux, aux marécages, aux étangs. En beaucoup d’endroits,
c était encore un domaine amphibie, toujours revendiqué par l’eau.’
Mais le a u n’était pas le seul fléau; on avait encore à redouter le
sable des dunes.
Les dunes.
Les vents dont l’action règle le transport des alluvions par les
marees et par les courants sont les agents de construction des dunes
A marée basse, les énormes bancs de sable qui encombrent les
estuaires de la Somme, de l’Autlne et de la Canche, assèchent, en
meme temps que les larges estrans de la plage. Les vents qui
battent la cote transportent les sables alternativement vers l’Ouest
et vers l’Est; grâce à la prédominance des vents d’Ouest, le progrès
a lieu surtout vers l’Est. Depuis le Boulonnais jusqu’à Cayeu*- la
côte offre une ligne droite, sans caps ni promontoires, à pe’ine
échancree par trois baies et bordée d’une zone de dunes large de
4’ et 5 kilomètres qui l’isole du pays et lui donne un aspect sau-
hospitalier. Ces sables couvrent une étendue d’environ
10.000 hectares. Tantôt ils se disposent en longues chaînes recti-
hgnes a peu près parallèles à la côte, tantôt ils se répartissent en
mamelons isolés, appelés « crocs ». Les plus curieux de ces crocs
se groupent à l ’Ouest de Saint-Quentin en un croissant dont les
° - ! N- ° ' ont rabattu les ailes; le village est désigné
en 1257 par 1 expression caractéristique de Villa de Torto-Monte
Quand les dunes s’alignent en chaînons parallèles, elles sont séparées
par des couloirs longitudinaux où le vent s’engouffre, en soulevant
des tourbillons de sable. Entre la Somme et la Canche, la
1 Voyez les légendes des cartes géologiques de Montreuil et d’Abbeville
Arch. Nat. R‘ 103,705, 91.
3 Cartulaire du Pontbièu, p. 223-234.
hauteur des dunes n ’atteint guère 40 mètres ; près d’Étaples, à
Le Faux, poussé par le vent, le sable monte sur la craie jusqu’à
70 mètres; à Condette, il atteint l ’altitude 87, et au mont Saint-
Frieux, l’altitude 158. L ’aspect des dunes n’est pas aussi monotone
qu’on le pourrait supposer. Des dunes, dont le sable sec et mobile
s’envole au gré des vents, portent le nom de « pourrières » (en patois,
pourre, poudre, poussière). Mais à côté des sables volants et des
sables blancs, il y a les. sables gris fixés par les racines des plantes
traçantes, les sables mousseux couverts de lichens et de mousses. Ailleurs,
entre les dunes, s’étendent des dépressions ou Jettes, fraîches,
souvent humides, parfois couvertes d’eau pendant l’hiver, où l’homme
peut tenter quelques maigres récoltes. Enfin si le reboisement s’est
emparé des sables, la traversée des dunes devient une excursion
pleine de charme lorsque le tronc argenté des bouleaux et la tige,
élancée des peupliers viennent égayer la masse sombre des pins
maritimes C
Mais le trait le plus curieux de la géographie des dunes vient
de leur marche progressive vers l’intérieur des terres. Sur toute
cette côte, les vents du large poussent les sables devant eux. Au Sud
d e là Somme, près de Cayeux, le dessèchement du Hâble d’Ault, en
supprimant une barrière humide, a favorisé l’invasion des sables qui
se répandent sur les champs du village de Molière d’Amont. Au
Nord de la Somme s’étend le vrai domaine des dunes. Elles ont un
profil transversal très caractéristique, en rapport avec leur mouvement
de translation; vers le large, elles tournent un versant en
pente douce ( l i à 16 centimètres par mètre); de l’autre côté, l’inclinaison
est brusque (80 à 95) et le flanc de la dune forme un talus
raide; le vent entraîne le sable sur la pente douce qui regarde la
mer et le pousse jusqu’au sommet d’où il s’éboule sur le talus;
repris de nouveau par le vent, le sable continue sa marche en
avant pour former une nouvelle accumulation. Cette force d’avancement
est irrésistible; avant la fixation des dunes, on l’évaluait
à 25 ou 30 mètres par année2. Nous voyons les dunes gravir le plateau
du Haut-Boulonnais ; ailleurs, à Berck, le sable envahit les rues
du bourg et s’élève au premier étage des hôtels de la plage. Dans
les champs sablonneux de Saint-Firmin, au Nord du Crotoy, les
tourbillons de sable sont utilisés d’une manière ingénieuse; dans ce
pays qui manque de bois et de pierre pour les clôtures, on a laissé,
entre les terres labourées, defe bandes de friches; le sable, entraîné
1 Voyez sur la flore des dunes, Thélu, 275.
2 Thélu, 275passim.