nance moyenne par parcelle est de 35 ares 9 dans la Somme, 32,1
dans l’Aisne, 26,1 dans l’Oise, 43,2 dans le Pas-de-Calais ; elle atteint
déjà 66,4 dans la Seine-Inférieurei.
Les champs d’une même exploitation sé trouvent donc le plus
souvent disséminés. Cet effritement de la propriété était la suite inévitable
du développement de la propriété paysanne dans ce pays de
culture ; sur ces plaines cultivées, pas de clôtures pour les bestiaux ;
pas de barrières végétales à travers ces champs de blé; les haies
vives avec leurs buissons d’aubépines ne se rencontrent qu’aux
abords des villages ; elles manquent dans la campagne ; ce paysage
monotone et indéfini avait beaucoup frappé Arthur Young au sortir
des cottages anglais et des prairies flamandes ; aucune preuve de
l ’individualité du cultivateur, ni un arbre, ni un fossé, ni une cabane,
A travers ces espaces, le partage égal des biens pouvait se donner
libre carrière. Il arrive souvent qu’une petite propriété possède sa
terre sous la forme de cent parcelles éparpillées non seulement sur le
territoire de sa commune, mais encore sur les communes voisines ;
au moment des partages, ces parcelles ne se distribuent pas toujours
entre les héritiers par groupes d’égale valeur ; souvent on les divise
matériellement une à une pour égaliser les chances. Poussé à cette
extrémité, le morcellement est néfaste à la culture ; il est naturel
qu on cherche souvent à y remédier par la composition de lots d’égale
valeur, par la réunion au cours des ventes de parcelles contiguës et
par des échanges de parcelles ; ces divers procédés répandent chaque
jour leur action bienfaisante. Mais cette action même se trouve limitée
par la nature des choses.
Le morcellement de la propriété est la vie même de la petite
propriété, fruit de l’épargne paysanne. Il est même une nécessité
physique sur ces plaines de craie. De la rareté des points d’eau esl
venue pour les maisons de cultivateurs l’obligation de se grouper en
gros villages autour des mares et des puits ; de plus, nous savons que
beaucoup de ces villages occupent sur les plateaux les plaques de
limon souvent étroites qu’ils portent à leur sommet; dès lors les
champs voisins du village sont âprement disputés pour leur fertilité
et leur proximité; chaque cultivateur veut y posséder un champ; le
même effort aboutit au dépècement des zones les moins éloignées.
De là vient que la propriété de chacun se disperse en parcelles, de
tous côtes, sur des sols différents, à des distances inégales.
Le morcellement du sol est donc l’effet du grand nombre des
cultivateurs, du mode général d’exploitation qui est la culture et de
l’emplacement des agglomérations agricoles. Il ne faut pas voir une
oeuvre purement artificielle dans cette bigarrure de parcelles, « de
trinquettes », qui hachent la plaine et la découpent en lanières; c’est
un phénomène imposé à la fois par la nature des choses et la condition
des hommes.
Comment se répartissent ces propriétés pour l’exploitation ?
Comment se distribue ce capital foncier pour le travail agricole ?
I I I
LES EXPLOITATIONS
Dans l’exploitation du sol, l’originalité delà Picardie, de l’Artois,
du Cambrésis et du Beauvaisis se marque à la fois par la faible proportion
de la très petite culture et par la faible proportion de la très
grande. Cette contrée s’éloigne à la fois des conditions de la Flandre
où pullulent les tout petits cultivateurs et des conditions du Sois-
sonnais, du Valois, de la Brie, du Vexin qui possèdent beaucoup de
très grosses fermes ; elle se tient à mi-chemin entre l’extrême dispersion
et l’extrême ' concentration des exploitations. Il faudrait, pour
mettre en pleine lumière ce double fait, des statistiques agricoles
pour qui les unités ne fussent ni les départements, ni les arrondissements,
mais les zones d’économie rurale différente, les régions agricoles
que discernent bien les paysans. En attendant, nous nous contenterons,
sauf à les interpréter, des documents fournis par les
enquêtes décennales. Choisissons trois départements, la Somme, le
Nord et l’Aisne. La Somme tout entière située dans la région de craie
réalise le type d’exploitation moyenne que nous essayons de définir.
L’Aisne possède à la fois des terres sur la plaine de craie (Saint-
Quentin) et sur les plateaux tertiaires du Soissonnais et du Valois.
Le Nord s’étend à la fois sur le Bas-Pays Flamand et sur le Haut-
Pays de craie (Cambrésis). Ce mélange de conditions physiques, si
différentes sur le sol d’un même département, n’empêche pas les faits
que nous analysons de s’exprimer clairement, même dans une statistique
inadéquate; en face de la Somme, le Nord se présente comme
le domaine de la petite culture; l’Aisne comme un domaine de très
petite culture à cause de ses vignobles et de ses jardins et comme
un domaine de très grande culture à cause de ses grandes fermes.
Les deux tableaux suivants éclairent bien ces situations respectives :