progrès du christianisme dans les régions boisées qui terminaient au
Nord-Ouest le territoire de la cité de Reims. Détaché de Reims en
497 par saint Rémi, le diocèse de Laon grandit entre la forêt de
Yoes et la Thiérache ; pendant toute la période franque, il se composa
d’un pagus unique, le pagus Laudunensis ouLaonnais ; vers le Sud,
sa limite suivait l’Ailette et l’Aisne; vers le Nord, il s’arrêtait à la
forêt de Thierache; a l’Ouest, il possédait les deux rives de l’Oise;
nous avons remarque le meme fait pour le diocèse de Beauvais qui
empiétait sur la rive gauche de l’Oise; la rivière ne formait pas
davantage ici la limite; la frontière du Laonnais et du Vermandois
courait sur les hauteurs séparant la Haute-Somme de l ’Oise et couvertes
par des bois depuis Bohain jusqu’à Flavy-le-Martel. Au
h sieçle, le Laonnais n est pas encore subdivisé, et la plupart des
anciennes localités de la Thiérache sont dites en Laonnais. Mais à
partir du xi° siècle les textes relatent l’existence de deux archidia-
conés. L’archidiaconé deThiérache embrassaitlaplus grande partie de
cette vaste région forestière (doyennés de La Fère, Ribêmont, Crécy,
Guise, Aubenton). A l’archidiaconé de Laon revenaient les doyennés
de Laon, Bruyères, Montaigu, Neuchâtel, Marie, Yervins, Mons-en-
Laonnais. Dès lors le nom de Laonnais se restreint à l’archidiaconé
de Laon ; il s’applique à deux régions très différentes, à la plaine de
craie qui longe la Serre et aux plateaux boisés qui la dominent au
Sud. Seuls les noms de lieux l’ont gardé de l’oubli (Crépy-en-Laon-
n a is , Montaigu-en-Laonnais, Mons-en-Laonnais), Enfin le mot
Laonnais désigne plus particulièrement dès le x8 siècle le domaine
temporel des évêques de Laon dont Anizy était considéré comme le
chef-lieu. Aucune de ces désignations sans fondement naturel n ’a
survécu; le Laonnais partage le sort du Cambrésis et du Noyonnais.
Noyonnais1.
Sur la grande voie romaine de Soissons à Amiens et à Boulogne,
tout près de l’Oise eUà proximité du camp militaire de Condren se
trouvait Noyon. C est là qu en o31, à la suite des invasions, fut
transporté le siège épiscopal du diocèse des Viromandui que Saint-
Quentin avait jusqu’alors possédé. Cet événement qui donna une
nouvelle capitale au diocèse consacra l’existence et sans doute fit la
fortune du pagus Noviomensis qui, avec le pagus Yiromandensis,
constituait la cité. Sur quels territoires s’est formé le pagus Novio-
1 Pour le Noyonnais, voyez Mazière, 568, p. 18-44; Desnoyers, 399, p. 265-268 • do
Witasse, 471, p. 6-7; Longnon, 435, p. 122-123.
mensis ou Noyonnais (doyennés de Chauny et de Noyon) ? En réalité
le Noyonnais est une division territoriale de formation recente,
née sur les confins forestiers des Yiromandui, des Sucssiones et des
Bellovaci, dans les premiers grands défrichements desBeines et de la
Bouveresse. Ses limites précises ne furent fixées qu’en 814 par le
concile de Noyon ; son extension primitive sur la rive gauche de
l’Oise est encore un témoignage de l’antique influence des forêts;
la vallée ne» limitait pas plus le Noyonnais vers l’Est que le Beau-
vaisis. La vraie frontière était la crête boisee delà rive gauche portant
la forêt de Yoes. De même que le diocèse de Beauvais conservait
à l’Est de l’Oise Saint-Pierre de Pontpoint, Pont-Sainte-Maxence,
Saint-Maximin, de même le diocèse de Noyon depuis le concile de
814 gardait cinq paroisses de la rive gauche ; Yaresnes, Ourscamps,
Tracy, Jérusalem, Saint-Léger au Bois; il prétendait d’ailleurs à
Bretigny, Montmacq, Choizy, Rethondes., Berny, Yic-sur-Aisne,
Attichy, etc..., qui lui furent enlevées par Soissons. Ce sont sans
doute quelques convenances ecclésiastiques ou bien le souci d un
égal partage de revenus, qui dictèrent cet arrangement; mais tel
qu’il était avant 814, le Noyonnais, offre un exemple frappant de ces
groupements à limites imprécises fondés dans les forêts. Mais
depuis que les forêts n’ont plus leur pouvoir d’isolement, la configuration
du Noyonnais ne présente plus de consistance géographique.
En résumé, de toutes les dénominations territoriales conservées
par les documents historiques et géographiques, il en reste bien peu
qui puissent encore s’appliquer à un aspect réel et permanent de la
nature et de la vie. A l’intérieur de la région de plaines que nous
étudions, il faut parcourir de longues distances pour rencontrer un
contraste; seuls, en dernière analyse, le Yimeu et le Santerre supposent
la continuité d’un caractère naturel facile à observer et notée
dès longtemps dans le langage du peuple ; par leur adaptation
ancienne et persistante à la vie rurale, ils demeurent de petits cantons
naturels, réfractaires par leur exiguïté à toute autonomie politique,
mais tirant leur tenace personnalité du sol même qui les
nourrit. En dehors du Yimeu et du Santerre, c’est à la périphérie
des plaines de craie qu’il faut se transporter pour rencontrer des
régions naturelles; le Bray, le Boulonnais et la Thiérache sortent
pour ainsi dire du sol, avec une économie rurale dont l’originalité,
loin de s’épuiser, s’étend et se fortifie. Toutes les autres divisions
sont des conventions politiques ou administratives, privées de support
naturel; dès qu’on veut les localiser, elles échappent à la précision;
elles composent l’héritage des régimes politiques et des classi