puisque la ferme n’a pas de dépendance essentielle vers la campagne,
de plus, s’offrant directement à l’acc'es des voitures, elle se prête tout
aussi bien au travail de chargement et de déchargement. Cette disposition
Maison
était encore commandée
plus impérieusement
par l’installation du
métier à tisser. Aujourd’hui
beaucoup de paysans
se sont affranchis de
cette occupation depuis
que les progrès de la culture
ont augmenté le rendement
de la terre; mais,
à une époque qui ne
remonte pas encore très
loin, il n ’y avait pas de
maison villageoise où l’on
ne travaillât pendant l’hiver
à tisser la toile. Le
métier est installé dans
une cave qui prend jour
par une large baie vitrée
donnant sur la rue ; de là,
Fig. 26. — La ferme du Cambrésis,
Schéma de sa disposition.
cette maison originale disposée à la fois pour faire face à la cour et
pour recevoir la lumière de .côté. Dans certains villages, les maisons
de tisseurs forment encore la majorité des habitations ; elles entraînent
l’orientation et la disposition de toutes les autres (pl. XI et XVI).
Vers le Sud, si nous quittons la région picarde par le'canton de
Formerie, nous voyons, sous l’influence de la culture herbagère, les
fermes se transformer de la même manière qu’aux approches du Boulonnais.
Les maisons tendent à se séparer les unes des autres, à s entourer
de pâtures plantées et à se clore de haies vives. La ferme
comprend toujours une maison d’habitation faisant face à la rue; de
chaque côté de l’habitation, des bâtiments d’exploitation, étables,
écuries, grange, rangés autour de la cour ; en arrière d e là maison,
un jardin ; on entre dans la cour par une barrière ou par une porte
cochère. Pour comprendre cette disposition, il ne faut pas oublier que,
sur cette marche normande de la Picardie, l’élevage ne lait pas la re ssource
exclusive, que la culture s’unit à la pâture et que son rôle
fut jadis plus important. De là, ces bâtiments groupés autour d’une
cour, et non pas disséminés dans les herbages comme en plein pays
de pâture ; ils demeurent auprès de l’habitation du maître, lequel,
dans un pays de culture, est la source de tout travail. Mais, ce qui
nous ramène à la pâture, c’est la réduction de la grange, l’espacement
des bâtiments, la cour agrandie, couverte d’herbe et plantée de
pommiers; en outre, ce qui est déjà normand, c’est l’abondance dés
toits de chaume et des toits d’ardoises par opposition au domaine
picard où les pannes se mêlent au chaume.
Entre tous ces types d’habitation rurale, il existe des traits communs
qui permettent de les rapprocher. Toutes ces maisons rurales
comportent des dépendances. Tandis qu’en Lorraine, dans la Vôge
par exemple, et dans beaucoup de régions du Midi, l’habitation,
l’étable, l’écurie, la grange s’abritent sous le même toit et que la
maison ne comprend qu’une seule construction, l’exploitation dans
notre contrée comprend plusieurs bâtiments distincts ; ces bâtiments
en se groupant, dessinent une cour carrée ou rectangulaire sur
laquelle ils prennent l’air et la lumière ; cette cour affranchit l’homme
de la promiscuité des bêtes ; elle permet l ’indépendance de l’habitation
; elle marque, dans les pays de culture du Nord de la France, un
souci d’hygiène et de dignité personnelles auquel d’autres pays ne
sacrifient pas. En second lieu, toutes ces habitations appartiennent
à de petites et à de moyennes exploitations ; elles expriment ainsi le
caractère le plus répandu de la propriété et de la culture. La grosse
ferme est rare ; on la reconnaît toujours, dans la multitude des petites
fermes, à ses dimensions, à sa construction, à son isolement. Dans
l’Artois par exemple, elle forme un grand quadrilatère dont les côtés
atteignent S0, 80, 100 mètres; la maison d’habitation, les écuries,
les vacheries, les hangars entourent la cour ; les bâtiments sont construits
en pierres et en briques, couverts en tuiles ou en ardoises ; le
sol est pavé ; des rigoles joignent les étables aux fosses à purin ;
au-dessus d’une porte cochère monumentale se dresse un colombier
surmonté d’une girouette (pl. XII). Beaucoup de ces grandes fermes
proviennent d’abbayes : Camblin-l’Abbé, Bihucourt, Oisy-le-Verger,
Biache, etc. ; par leur origine et par leur fonctionnement actuel,
elles sont en dehors des conditions communes à l’ensemble des
autres ; elles sont établies seules, en plein champ, comme des
organismes outillés pour une vie indépendante et solitaire. Au contraire,
les petites fermes se réunissent, se groupent; c’est un autre
irait qui leur est commun ; ainsi se créent les villages et les hameaux,
en un mot les agglomérations rurales.