recouvraient jadis les marnes et les dièves de ces régions; la forêt
de Mormal repose sur l’argile à silex. Partout cette formation est le
témoin des assises de craie blanche disparues, la mesure de leur
antique épaisseur. Quand pour une raison quelconque la dissolution
fut moins énergique, sa puissance faiblit; sous les îlots tertiaires on
n’observe qu’une couche d’argile noire ou brune, de 10 à 30 centimètres,
contenant des silex entiers noircis1 : c’est un rudiment d’a rgile
à silex. D’autre part, de grandes étendues d’argile à silex
échappent au regard parce qu’elles ont été depuis leur formation
recouvertes par les limons ; mais elles reparaissent en maints
endroits dès que l’érosion a pu mordre assez profondément dans leur
manteau meuble ; toutes les pentes rapides, lavées de leur limon,
laissent affleurer l’argile à silex ; dans les régions accidentées, toute
la couverture de limon a disparu : de là, ces étroits plateaux caillouteux
et argileux que séparent les vallées du Haut-Boulonnais. Mais
dans les régions moins accidentées, les premières pentes seules, sur
le bord des plateaux, ont perdu leur protection de limon et laissent
poindre l’argile à silex : de là, cette ceinture boisée qui couronne
les sommets de vallées et qui forme l’un des aspects essentiels du
paysage (pl. Y).
Le paysage d’argile â, silex.
Dans un pays aussi calme et aussi uniforme qu’une plaine de craie,
l ’argile à silex entre dans le paysage comme un élément puissant de
différenciation géographique. Grâce à elle, on peut voir certains
plateaux de craie/ devenir des pays marécageux. Jusqu’à notre
siècle, les hauts pays de Picardie ont connu les fièvres à l’état endémique
; autour de Crèvecoeur, de Lihus, de Viefvillers, de Hardi-
villers, la « suette miliaire », régnait dans les villages ; les rues
boueuses demeuraient impraticables même pendant la bonne saison ;
maintenant encore, sous l’ombre épaisse des arbres qui entourent les
habitations, le voyageur traverse en plein été des chemins défoncés
où croupit l’eau des ornières. Dans les parties les plus humides,
on a dû creuser des « boit-tout » remplis de gros cailloux où l’eau
s’écoule ; l’hygiène y a gagné. Originairement tous ces pays de
bief et de cailloux portaient de grands bois ; les noms de lieux
pullulent qui rappellent une ancienne forêt. Les forêts du Nouvion,
de Regnaval, de Mormal, reposent sur un sol de cette nature. Quand
les bois n’existent plus, le pays prend un aspect de bocage ; les
1 Gosselet et Cayeux, 54, p. 160-163. Gosselet, 47.
P L A IN E P IC A R D E .