Le 19 le vent était N. 0 .; le 20, il passe à l’O., le 21 au S. 0 . Cette
saute de vent s’accompagne d’une brusque dépression barométrique
et d une brusque augmentation de température :
b a r o m è t r e
9 heures. Minimum. Maximum.
f f ÿ ............................................... 764,1 7SCÜS 76?,S '
21............................................... 747,2 746,5 750,5
t h e r m o m è t r e
9 heures. Minimum. Maximum.
Le 2 0 ....................... _ « 0
Le 21. - 2° 5 9o
- 10°,5 — 2°
+ 3°,5
Ce vent S. 0 . violent et chaud déverse sur le pays une pluie
générale signal du dégel et de l’inondation. L ’eau de pluie, mêlée
a i eau de fonte des neiges, ruisselle sur les pentes encore gelées
orme des torrents temporaires dans tous les vallons secs, gonfle
les n vieres qui crèvent leurs digues, inonde les prés et les hortillonnages
dans la vallée de la Somme; mêmes ravages dans les val-
lees de 1 Ancre, de l’Authie, de la Nièvre, de la Selle, du Saint-
andón. C est par des phénomènes semblables que se terminèrent
les hivers de 1784, 1820, 1823, 1841. Incartades d’un climat paisible,
ils sont d autant plus cruellement ressentis qu’ils sont irréguliers
et inattendus et qu’ils trouvent sans défense les champs et les
maisons.
Le printemps.
Autant les moyennes thermométriques restent stationnaires pendant
les mois d’hiver, autant leurs mouvements se précipitent pendant
les mois de printemps. Le réveil de la nature se fait fiévreusement.
De 3°,28 en Février, on passe à 5“,38 en Mars, .9°,58 en
vnl, 14°,13 en Mai1. Sous l’action du soleil, le sol s’échauffe
lentement; mais durant la nuit il se refroidit vite; la vapeur d’eau
atmosphérique, peu abondante, n ’empêche pas encore le rayonnement.
Les incursions du courant équatorial sur le continent se multiplient,
alternant avec les récurrences des vents septentrionaux. De
la, cette grande variabilité du climat printanier, ces transitions sou
daines au cours de la même journée. C’est en Avril et Juin qu’appa*
Moyennes de Montdidier, 1784-1869.
raissent les variations les plus grandes dans les températures diurnes
(16° à 18°); c’est en Avril et Mai que l’oscillation mensuelle atteint
son maximum. Surtout le long de la côte, les vents se succèdent
rapidement, apportant le trouble dans la végétation : aussi rien n y
est plus variable d’année en année que les dates de feuillaison des
plantes. La physionomie du printemps tarde à se préciser; avant
d’aboutir aux allures plus régulières de l’été, elle se prête, mobile et
inconstante, aux mille caprices des deux influences en conflit. Parfois
de belles journées ensoleillées font croire à la venue définitive de
la belle saison; mais il vaut mieux s’attendre aux bourrasques pluvieuses
de l’Ouest ou bien aux coups de froid du Nord-Est. La
venue de la pluie est agréable au cultivateur; la sécheresse retarde
la levée des blés de printemps et des betteraves. La carte des pluies
montre qu’Avril est le mois le moins pluvieux de l’année. C’est en
même temps l ’un de ceux où l’humidite est la plus nécessaire :
« P lu ie d’Avril v a u t fum ie r ou p u rin de b reb is. »
Lorsqu’il a été sec et que Mai ne répare rien, les pailles restent
courtes, les betteraves petites, les fourrages maigres. Dans une économie
rurale où l’assolement se complique chaque jour davantage
par l ’ingénieux rapprochement des céréales, des racines et des fourrages,
la variété des cultures multiplie les relations du travail
humain et du climat. Sous ce climat inconstant, l’heureuse destinée
de toutes les récoltes résulte de mille concordances favorables, rarement
fidèles, ordinairement capricieuses. Au cours de son évolution
qui est parallèle à la marche des saisons, le travail de la glèbe
dans ses multiples applications ne cesse d’interroger l’heure, la
journée, la semaine. Le paysan a toujours une raison de mécontentement,
car il n’a jamais, toutes à la fois, ses raisons d’être satisfait.
De là vient que, de tous les phénomènes naturels, ce sont les phénomènes
météorologiques que le paysan sache le mieux observer;
quand il parle de la pluie et du beau temps, il ne sacrifie pas à la
banalité; il avoue le souci de sa vie; il cherche à deviner quel sera
le sort de son travail. Aussi rien ne défraie davantage les conversations
du peuple que les gelées de printemps .provoquées par les
retours des vents N. E.
« Il n ’e st si g en til moes d ’a v ri
Qui n ’aye sin capieu de grési. »
A la fin d’Avril et au début de Mai, par les nuits claires, sans
nuages, le rayonnement nocturne amène des gelées redoutables aux