Bresle 130. Dans le département de la Somme, on en rencontre 20
sur la Noye, 18 sur l’Avre, S sur la Luce, 46 sur la Selle , et ses
affluents, 21 sur l’Airaines, 21 sur l’Ancre, 8 sur l’Hallue, 14 sur la
Nièvre, 10 sur la Vimeuse. Parfois leur nombre a dépassé ce que la
rivière pouvait porter; les eaux surélevées se sont répandues dans
la vallée en formant des marais; en certains cas, sur la basse Authie,
sur la Maye et sur la Somme moyenne, le drainage de la vallée ne
fut possible que par l’expropriation des moulins, leur suppression et
le retour des eaux à un niveau normal. Mais c’est surtout dans les
villes qui peuvent occuper toute la largeur des vallées et s’établir à
cheval sur la rivière et ses bras qu’on trouve concentrés par véritables
colonies les établissements hydrauliques.
L’origine des moulins dans les villes est fort ancienne. Il est
question des moulins de la Somme à Péronne en 1221 h des moulins
de F Authie à Doullens2 en 1100. Mais la cité classique des moulins,
c’est Amiens. En sortant des hortillonnages, la Somme pénètre en
ville par trois branches qui se subdivisent en onze canaux de dimensions
inégales et de trajets divers ; ils circulent à travers les vieilles
maisons de bois du quartier des foulons et des drapiers. En 1804s,
ils faisaient mouvoir 16 moulins à blé, 2 à huile, 1 à papier, 1 à filer
le coton, 6 à foulon, 1 à tabac et 1 pour le Château d’Eau. L’époque
moderne fait chômer les moulins à farine, à huile et à foulon. Mais
leurs fonctions changent; ils donnent asile aux nombreuses industries
qu’une grande ville fait naître chez elle et à ses portes : fabriques
de robinets, préparation du velours, moulin à moutarde, fabrique
de peignes pour filature, fabrique de boîtes en carton, dégraissage
de laine, tissage de passementerie, fonderie de cuivre, élévation de
l’eau, teinture, fabrique de sacs de toile, modelage sur bois, concasr
sage d’écorces, filatures de laine, concassage de grains pour brasseries,
fabrique de poêles, fabrique d’épaulettes, filature de coton, fabrique
d’outils d’horticulture. Mais la force en chevaux-vapeur, empruntée
à la Somme dans la traversée d’Amiens, ne dépasse pas 625, alors
qu’une seule filature du faubourg de Hem en demande 1.500 à la
vapeur. Toutes ces rivières ne fournissent que la quantité de force
compatible avec leur régime.
Jadis on leur confiait la mouture du blé, des graines de colza, le
pressage des étoffes; aujourd’hui elles se maintiennent encore en
contact intime avec le travail rural. Presque tous les moulins de la
4 Vallois, 589, p. 5.
- Delgove, 533, p. 397-400.
Rivoire, 583, p. 28.
campagne sont encore des moulins à blé ; mais ils faiblissent chaque
jour devant la concurrence des minoteries à vapeur. Aussi voit-on
ces rivières travailleuses passer peu à peu de la culture à l ’industrie ;
le Thérain travaille pour les industries du bois et de la laine répandues
dans les campagnes de l’Oise ; la papeterie revendique toute la
vallée de l’Aa. La Nièvre, la Selle et la Somme se mettent au service
des tissages de toiles à sacs ; la Somme, l’Avre et l’Ancre besognent
pour la bonneterie. Ce mouvement industriel s’esquissait déjà au
milieu du xixe siècle ; nous en avons deux curieux exemples. L’abondance
du bois et la présence du sable dans le sol avaient de bonne
heure localisé à Saint-Gobain une grande manufacture de glaces;
mais lorsqu’on appliqua la machine au doucissage des glaces, l’industrie
dut se transporter en partie à Chauny pour emprunter la force
motrice de l’Oise : c’est le principe de la fortune de Chauny. De
même, les premiers ateliers de la maison Saint pour le tissage des
toiles d’emballage s’établirent à Beauval (Somme), dans un de ces
villages de plateau où la main-d’oeuvre se trouvait à bon marché;
mais l’industrie qui grandissait exigea bientôt l’emploi de la force
hydraulique ; on descendit dans la vallée de la Nièvre pour utiliser
les chutes. Ce mouvement de migration vers les vallées, qui aurait
pu se généraliser et entraîner toute l’industrie, s’arrêta parce que les
rivières avec leur puissance limitée ne purent pas lutter contre la
vapeur. Mais, même dépossédées du premier rôle p a rla vapeur, elles
attirent encore auprès d’elles de nombreux ateliers. On peut même
prévoir le jour où l’utilisation complète des chutes d’eau par des
installations électriques rendra aux rivières une partie de l’importance
agricole qu’elles ont perdu : déjà dans la vallée de la Serre,
l’usine hydro-électrique d’Agnicourt et Séchelles permet d’éclairer
les fermes et les villages et d’actionner les machines agricoles.