étroits, 1 isolement et la faiblesse do chaque rivière, l’absence d’un
grand drainage capable de donner un fleuve unique à la région.
L existence de ce grand fleuve fut sans doute réalisée à une époque
lointaine, bien antérieure au quaternaire, alors que le synclinal de
la Somme réunissait à ses eaux actuelles celles de l’Oise supérieure
et de 1 Aisne; mais nous avons vu que l’influence d’un synclinal tertiaire
a conféré à l’Oise son autonomie1. Au moment où commençaient
les phénomènes qui amenèrent le creusement définitif et le
comblement de nos vallées, tout ce partage d’influences se trouvait
déjà réglé.
Depuis cette époque lointaine, l ’individualité de ces vallées n’a
pas souffert. On remarque que leurs alluvions viennent toutes de
leur bassin hydrographique actuel. Le diluvium des vallées de la craie
se compose exclusivement de silex plus ou moins roulés, mêlés de
quelques grès provenant des anciennes assises tertiaires. On n’ÿ
trouve pas comme, dans la vallée de la Meuse, des roches étrangères
au bassin actuel, originaires d’une région capturée. Aussi toutes nos
rivières, et, en particulier, la Somme, réduites très tôt à leurs
propres ressources, présentent un réseau hydrographique d’une
unité remarquable et fort anciennement constitué. Contrairement à
l’Oise qui pénètre dans la craie avec les eaux de l ’Ardenne et qui
en sort pour recueillir les eaux du Bassin Parisien, e lle s'n ’offrent
rien de disparate dans leurs possessions, rien de composite dans leur
régime : elles n’appartiennent qu’à la craie. C’est au détriment de
leur puissance et de leur volume, mais c’est au profit de leur régime
et de leur lit. La Somme réalise le type de ces rivières qui ont eu le
temps de s’accommoder aux conditions physiques de leur bassin; elle
a traversé sans entraves les temps héroïques du creusement et atteint
plus tôt son état d’équilibre ; l’affouillement du lit dans les parties
hautes, le dépôt des alluvions dans les parties basses s’y sont peu à
peu arrêtés; elle rencontra d autant moins de difficultés que le relief
lui opposait moins de résistance à vaincre, moins de pente à atténuer;,
c’est un exemple de rivière, ayant dépassé la maturité et touchant
déjà à la vieillesse, incapable de se fixer dans un lit unique et de
déblayer son embouchure.
Elle n est parvenue à cet état qu’à la suite de longues vicissitudes.
Pour retracer tous les épisodes de cette existence, il nous manque
. 1„^,e niveau supérieur.de l’argile à lignites, que l’on vienne de l’Ouest ou de l’Est
s enfonce sur l’emplacement de la vallée de l’Oise ; il est à l’altitude de 110 mètres
a Oessieres entre Laon et Saint-Gobain ; à 100 mètres à Sept vaux au Sud de Saint-Gobain ;
a 70 métrés àChauny sur l’Oise; à 100 mètres à Lassigny, au Nord de Noyon. Cf. Gos-
sclet, 60, p. 43. , .,
la plus grande partie des documents. Les alluvions qui sont les
témoins de cette histoire ne subsistent que très localement. Toutefois
il nous en reste encore assez de lambeaux pour nous permettre de
fixer les grandes étapes du passé. La longue durée des temps, pendant
laquelle s’élaboratout ce système hydrographique, fut marquée
par deux phénomènes généraux : d’abord une série de mouvements
tectoniques amenant tantôt un soulèvement, tantôt un affaissement
de la contrée ; ensuite une série de crues produites par un climat
pluvieux alternant avec des périodes d’accalmie et de sécheresse. Ce
double processus, commun à toute l’Europe occidentale pendant
l’époque pléistocène, eut pour conséquence une alternative de creusements
et d’alluvionnements dont le sol porte les traces; mais l’intensité
de ces phénomènes alla toujours en décroissant, comme le
prouvent les alluvions qui, d’une manière générale, sont d’autant
moins grossières qu’elles sont plus récentes. La Somme et les
rivières voisines reflètent dans leur état actuel l’influence de ces conditions
générales, modifiées par les conditions locales (fig. 10 ).
L e s h a u t s g r a v ie r s .
Le premier épisode de l’histoire des vallées dont il nous reste
des traces matérielles est une phase d’alluvionnement, bien antérieure
à leur creusement définitif. On rencontre, à une grande hauteur
au-dessus des vallées actuelles, une nappe de cailloux formant . j : ■ 1 4
une terrasse peu prononcée et très discontinue à l’origine même des
plateaux. Le long de la Somme, on les trouve par 68 mètres d’altitude
entre le chemin de Sains et celui de Buinigny au Sud d’Amiens ;
par 63 mètres sur la rive gauche du ravin de Saveuse ; par 85 mètres
et 74 mètres au sommet de la colline de la ferme de Grâce1 ; on en
observe de pareils aux environs de Corbie et près d’Abbeville, au
mont Caubert (70 m.), à Saigneville, àPinchefalise. Les cailloux peu
usés, mais certainement roulés, proviennent soit des roches tertiaires,
soit des argiles à silex, soit de la craie, mais ils ne renferment
pas de fossiles qui permettent de dater leur dépôt. En tous
cas, leur hauteur au-dessus delà vallée, qui peut atteindre 60 mètres
prouve qu’ils se sont déposés à une époque où les vallées étaient seulement
ébauchées et représentées par des dépressions peu profondes
sur lesquelles les eaux se déplaçaient en laissant le cailloutis et le
sable. La rivière n’avait pas une pente beaucoup plus considérable
que maintenant, car, en joignant par la pensée ces lambeaux de haute
* De Mercey, 116 bis, p. 262.
P LA IN E P IC A R D E .