ficielle, et à les empêcher de séjourner. Leur poussée est irrésistible;
on les rencontre partout dans les alluvions ; ce sont elles qui alimentent
les puits des vallées, qui remplissent les « entailles » des
tourbières et qui gênent les travaux d’écluses ou de barrages. Par
leur abondance, elles empêchent les marais et les rivières de geler
pendant l’Inver; souvent la Somme coule, alors que la Seine est
Pn se) en Décembre 1870, malgré la rigueur du froid, les Allemands
trouvèrent libre le courant de l’Hallue qu’ils s’apprêtaient à franchir
à pied. Plus tiède l’hiver, l’eau des sources demeure plus fraîche
l’été; à côté des étangs immobiles et de la rivière lente, elle entretient
le long de la vallée de la Somme de clairs viviers ; elle alimente
de petites rivières comme l’Ancre, la Selle, la Noye, l’Avre d’où les
truites n ’ont pas disparu.
A sa sortie de terre, une source de la craie forme ce qu’on
appelle dans le pays « un bouillon »: Ce n’est ni le type des terrains
argileux d’où l’eau suinte et s’écoule lentement, ni des terrains de
calcaire compact où les sources forment en réalité les débouchés de
rivières souterraines. La Somme naît dans un bassin arrondi, ombragé
d’ormes, à la périphérie duquel on voit surgir sans bruit,’ avec
un léger bouillonnement, une trentaine de petits ruisseaux ; toutes
ces eaux se réunissent aussitôt en un lac presque tranquille où
viennent barboter les canards et boire les animaux de la ferme prochaine.
Rien de la masse, ni de la puissance d’une source vauclu-
sienne. Mais le régime est le même, régulier et paisible; dans les
vallées profondes, l’écoulement ne cesse pas, et, s’il est sensible aux
alternatives des saisons, il ne montre d’excès ni dans l’étiage, ni
dans les crues : on peut en faire l’observation dans le tableau suivant
qui donne le débit de quelques sources de rivières du bassin de la
Somme (en litres à la seconde).
Rivières. ^ Etiage. Eaux ordinaires. Grandes eaux.
Gezaineourt (A u th ie ) ................................ 90 180 270
Hallue (S om m e )......................................... go 100 250
Bief (Selle) . . . 75 120 ^ 0
S a in t-L an d o n (Somme).......................... 110 150 1 7 g
A ira in e s (S om m e ) ............................... 360 420 450
Liger (B r e s le ) ......................................... 120 260 300
Drucat (Somme)......................................... 60 100 150
Ces qualités d’abondance moyenne et de régularité font la valeur
des sources pour l’alimentation des villes. Les agglomérations
urbaines renoncent peu à peu aux eaux des puits difficiles à extraire
et aux eaux des rivières trop aisément souillées. Le seul obstacle
était l’éloignement des sources ; mais le développement des villes, en
augmentant leurs ressources, apermis de nombreux travaux d’adductio
n 1. Dans la région du Nord (Aisne, Nord, Oise, Pas-de-Calais,
Seine-Inférieure, Somme), sur '115 villes de plus de 5.000 habitants,
35 s’abreuvent à des sources. Cambrai fait venir de 2.500 mètres l’eau
des sources de Proville qui suffisent à une consommation moyenne
de 3.200 mètres cubes par jour. Caudry demande son eau aux sources
de Pont-à-Capelle à 9km,800 ; Lille, aux sources de la Haute-Deûle;
Valenciennes aux sources de la Rhonelle à 4km,6 ; Laon aux sources
d’Ardon à 800 mètres ; Beauvais aux sources du Canada et de Saint-
Quentin à 2km,5 ; Clermont aux sources de Fitz-James à 1 kilomètre;
Arras aux sources du Yivier, toutes proches, dans la vallée de la
Scarpe; Abbeville à des sources voisines de la vallée de la Somme;
Amiens aux sources de la vallée de la Selle qui lui arrivent par des
conduites de 4 kilomètres ; Montdidier aux sources de la vallée des
Dons qu’on lui élève par une machine à vapeur. Au pied de la falaise
du Haut-Boulonnais, c’est une source de la craie, donnant en étiage
7.000 mètres cube par jour, que la ville de Boulogne fait capter à
Tingry, à une distance de 20 kilomètres.
La vie des sources et le s vallées sèches.
L ’une des particularités les plus originales du pays de craie, c’est
l’existence de deux sortes de vallées : les vallées les plus profondes
qui recueillent les sources et les vallées les moins profondes qui
restent sèches. A mesure que la nappe d’eau remplit les fissures de
la craie, elle monte vers la surface du sol; si elle s’épuise, son
niveau baisse et s’éloigne de la surface. Dans ce mouvement de va-et-
vient, les vallées les plus vite atteintes sont les mieux creusées ; les
plus tôt abandonnées sont aussi les moins bien creusées, de sorte
que la différence entre les vallées humides et les vallées sèches revient
à une différence d’altitude. Il semble qu’il s’établit entre elles une
rivalité où l’avantage demeure aux plus basses. On peut imaginer
que la nappe s’élève ou qu’elle s’abaisse ; dans le premier cas, on
verrait les sources remonter les vallées principales et envahir les
vallées secondaires, les vallées sèches devenir des vallées humides ;
dans le second cas, on verrait les sources émigrer vers l’aval, descendre
le long des thalwegs et disparaître des vallées secondaires, en
un mot les vallées humides devenir des vallées sèches. Or, en fait,
ces oscillations se produisent sous nos yeux. Les unes sont annuelles
Imbeaux, 232, passim.
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