Noyelles. Les anciens titres parlent avec raison du pays e t« roc » de
Cayeux. Qu'ant au Crotoy1, il est assis sur un banc de galets, ra ttaché
jadis à celui dont le relief est encore si sensible jusqu’à Rue en
passant par Mgyoc et Saint-Firmin ; il en formait l’extrémité méridionale,
recourbée en crochet vers le Sud-Est; long de 3.600 mètres,
large en moyenne de 500 et même
de 1 .200 au-dessus du Vieux-Mayoc,
eleve de 1 2 mètres à Saint-Firmin
et de 7 au Vieux-Mayoc, on le connaissait
autrefois dans la topographie
sous le nom de Barre-Mer ;
c’est à l’abri de ce monticule, dans
le crochet qu’il ouvrait à l’Est, que
lurent construites les premières maisons
du Crotoy; on en a retrouvé les
traces sous les sables. Mais les coups
de mer ont détaché cette extrémité
du reste de l’îlot ; et maintenant
! ' — Position da Crotoy, sur
l'extrémité d’un banc de galets détachée
de l’ensemble p a r les attaques
de la mer.
Le Crotoy, assis sur une butte de galets isolée, est séparé du banc
par un creux de 800 mètres où l’on a découvert, dans les grèves, des
médailles romaines et des objets de l’époque impériale. Le même
banc fut très anciennement occupé par une agglomération qui dépassa
longtemps Le Crotoy en importance : Mayoc, résidence de chef
romain, siège d’abbaye et château des comtes du Ponthieu. Ainsi, ces
amas solides de graviers, de sables et de galets ont été les premiers
points stables au milieu de cette terre d’alluvions. Sites des établissements
humains, les routes les ont suivis ; il n’en est point dont un
chemin n’emprunte toute la longueur afin d’éviter les marais et les
bas-fonds. C’est à ces tertres solides que les habitants soudèrent les
premières digues : ce furent pour eux leurs primitives bases d’opérations
contre les marees et contre les inondations.
Autour des bancs de galets qui forment comme l’ossature du
pays, les sables ont comblé les vides. Presque partout, c’est le sable
qui compose le sous-soldes Bas-Champs. Entre Cayeux etLanchères
le fond des fossés rencontre ce sable; un coup de bêche suffit parfois
pour le découvrir. A Rue et à Saint-Quentin, trente mètres de
sable séparent de la craie la surface du sol; à Paris-Plage, on en
rencontre 27 mètres, à Merlimont 31. Mais, en dehors des « pruques »
et des « foraines », il est assez rare que le sol soit sablonneux; au-
1 Lefils, 559, p. 8-17 ; Ravin, 270 ; Lefils, 260.
dessus du sable, dans les dépressions des Bas-Champs, se sont
déposées des matières plus fines, des vases et des limons argileux
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n peut assister tous les jours à l’atterrissement de ces nouveaux
sédiments; sur les hauts sables baignés p a rle s marées où la force
de l’eau s’amortit, les couches de fin limon se déposent, s’accumulent
et s’élèvent progressivement. La végétation sé fait l’auxiliaire
du colmatage. Les plantes retiennent les fines particules et les
empêchent de suivre l’eau dans son mouvement de retra ite ; c’est
l’Artemisia Maritima dont la souche rampante consolide ces fragiles
dépôts ; ce sont aussi les Salicornes et l’Aster tripolium qui
s’emparent des terrains évacués par la mer; c’est l’Obione pedoncu-
lata, caractéristique de cette côte, et aussi une Graminée, Glyceria
distans. Les vases fines se déposent partout où la tranquillité de l’eau
permet leur décantation. On les voit, à marée basse, recouvrir de
leur teinte brunâtre le fond des bassins des ports ; et, sur les plages,
dans les sillons que tracent, au milieu des sables, les allées et
venues du îlot, elles laissent une traînée boueuse qui s’élargit,
s’épaissit et finit par sortir de l’eau. Entre leHourdel et Saint-Valery
la b a ie , de Somme dessine une anse où la mer n’arrive plus qu’à
marée haute par de larges rigoles et dont le comblement s’opère
sous nos yeux. Les terres des Bas-Champs, qui restèrent longtemps
à cet état de lagunes, sont formées par cette vase argileuse et
grasse qui fait la fertilité des « bassures ». A l’Est de Cayeux, on
en trouve une épaisseur de 0m,50; sur l’emplacement du canal de la
Somme, les travaux l’ont rencontrée sur une profondeur variant de
1 mètre à l m,60 ; dans les prairies de Cucq, on en tire de l ’argile pour
torchis. A la sortie dé Berck vers Groffliers, elle recouvre le sable
d’une couche épaisse de 0m,25 à 0m,40. C’est elle qui donne les
terres les plus fécondes, mais les plus difficiles à cultiver; même
conquises sur les marées, il reste à les dessécher; car sur ce sol
imperméable et plat les eaux ne s’écoulent pas.
Rien d’étonnant enfin à ce que la tourbe s’y soit développée dans
les eaux abondantes et claires des sources de la craie. La tourbe occupe
une large dépression qui longe, de la Somme à la Canche, le pied
de l’ancienne falaise. Le chemin de fer du Nord traverse d’un bout
à l’autre cette bande de tourbières; à l’O. de la voie, les morceaux
de tourbe, entassés en piles carrées, achèvent de sécher le long des
« clairs ». Entre la Canche e t l ’Autliie, sur Cucq, Merlimont, Airon
et Yerton, la tourbe occupe presque tout l’espace compris entre les
dunes et le plateau; à l’O., elle passe même sous la dune et les