ans seulement, on compte par douzaines les anciens journaliers
devenus petits propriétaires ; ils ont réussi à acheter les terres des
rentiers habitant les villes voisines. A Simencourt, le quart des
terres a été vendu par ses propriétaires forains et acheté par les
habitants de la commune ; les ouvriers, les serruriers, les maçons, les
maréchaux qui vont travailler au dehors rapportent leur salaire au
village : le pécule ayant grossi, ils achètent une parcelle, arrondissent
leur héritage ; pendant leur absence, la femme et les enfants
cultivent; l’âge venu, le père abandonne son métier nomade et
devient laboureur. Ce phénomène s’observe partout, soit autour des
villes où l’artisan va travailler journellement, soit dans les campagnes
ou les métiers à domicile ont survécu. De là, la diminution
partout remarquée des ouvriers agricoles. On se tromperait fort en
l’attribuant uniquement à l’émigration vers les villes ; elle provient
aussi de ce que beaucoup d’ouvriers se sont rendus propriétaires ou
locataires de terres, et travaillent pour eux-mêmes. Dans l ’arrondissement
de Montreuil, on évaluait en 1848 à 23 p. 100 le nombre des
ouvriers agricoles qui, en dehors d’un jardin, exploitaient quelques
parcelles de terre ; aujourd’hui la proportion dépasse 50 p. 100 et
atteint souvent 75 et 80 *. D’après la statistique agricole de 1892, les
départements du Nord, de l’Aisne, du Pas-de-Calais et de la Somme
sont remarquables par leur forte proportion de journaliers-proprié-
taires.
Total Journaliers Proportion
des journaliers: propriétaires. p . 10 0 .
A isn e ........................... 14.320 51
N o r d .................. 14.290- 39
P a s - d e -C a la i s .................. . . . 35.949 47.746 49
S om m e .................. . . . 25.873 14.394 54
Seine-Inférieure . . . . . . . 12.158 1.812 13
Ainsi, la classe des paysans propriétaires n’a pas cessé de s’accroître.
D’un côté, ce sont des journaliers qui sont devenus propriétaires
; de l’autre, ce sont les propriétaires qui ont accru leur propriété.
La petite propriété paysanne marche, sans s’arrêter, à la
conquête de la terre ; la terre, dans ces plaines fertiles, attire tous
ceux qu elle fait travailler. « La fourmilière, malgré les époques de
crise, n a jamais interrompu son oeuvre et elle continue à mettre la
glèbe en poudre2. » En résumé, si nous considérons les détenteurs du
sol, les campagnes de Picardie, d’Artois, de Cambrésis et de Beau-
vaisis peuvent se caractériser à la fois par le grand nombre de culti-
' Pas-de-Calais, 572, IV, p. 348.
! Foville, 406.
vateurs qui sont propriétaires et par le grand nombre de propriétaires
qui sont en même temps fermiers; elles s’opposent par exemple à la
région du Gers où la plupart des cultivateurs sont propriétaires sans
être fermiers et à la région de la Sarthe où beaucoup de cultivateurs
sont fermiers sans être propriétaires. Le tableau suivant, que nous
avons dressé en interprétant les chiffres de l ’Enquête Agricole de
1892, permet d’apprécier ces différences dans le régime d e là propriété
agricole.
Par rapport au nombre total des cultivateurs.
Proportion p. 100 des cultivateurs qui sont :
F ermiers
Propriétaires ou locataires
Propriétaires, et fermiers, non propriétaires.
Aisne. 67 47 0 ,9
N o r d ....................................... 46 48 25
Oise. . 68 24 42
Pas-de-Calais . . . . , . . . 59 24 19
Somme . ........................... . . . 68 ' 36 11
L o t 86 3 2,2
L o t- e t-G a ro n n e 78 2 ,4 1 9
G e r s . 84 2 ,3 0*7
M o rb ih a n .................. .... . 55 16 27
S a r t h e ................................... 40 8 43
La division du sol.
Comme la propriété se trouve partagée entre beaucoup de personnes,
les lots deviennent d’autant plus petits qu’elles sont plus
nombreuses; cette multitude d’héritages a pour conséquence ce qu’on
appelle la division du sol. En statistique, ce fait s’exprime par le
grand nombre des cotes foncières. On l’ôbserve communément dans
les plaines dont nous nous occupons. Parmi la vingtaine de départements
où la superficie imposable divisée p a rle nombre des cotes foncières
donne comme quotient moins de 3 hectares, nous trouvons le
Nord (1,67), la Somme (1,93), le Pas-de-Calais (2,09), l’Oise (2,19),
l’Aisne (2,54). Ces chiffres prennent toute leur valeur si nous les comparons
à ceux de la Marne (3,61), du Cher (5,68), des Basses-Alpes
(9,22), des Landes (15,67) h Le degré de division du sol apparaît
nettement si nous calculons combien il y a de propriétaires pour
100 hectares dans chaque commune. Nous avons fait ce calcul pour
une partie de la Somme et du Pas-de-Calais et nous avons observé
que, dans 220 communes sur 330, le nombre de propriétaires par