offre 21 ; clans le Pas-de-Calais, une seulement, si l’on excepte le Boulonnais,
la région houillère et le Bas-Pays. Représentée sur une carte,
la répartition des agglomérations humaines offre plutôt l’aspect d’un
semis de gros villages, de bourgades et de bourgs que l’aspect de
traînées populeuses où des centres ouvriers, débordant de vie, semblent
lutter pour l’espace sur un terrain mesuré (voir carte n° III).
Il existe quelques-unes de ces traînées ; elles obéissent au déterminisme
des moyens de production et des moyens de transport. On
aperçoit des bandes de population plus pressée le long des rivières qui
fournissent de la force motrice : Thérain, Brèche, Canche, Aa ; le long
des côtes où la mer attire des colonies de commerçants, de pêcheurs
et d’oisifs, et surtoutle long des vallées que suivent des voies ferrées,
des rivières navigables ou des canaux; en aval d’Arras, la vallée de
la Scarpe jusqu’à Douai n’est plus qu’une rue d’usines; d’Amiens à
Abbeville, la vallée de la Somme abrite tout un monde de tisseurs et
de fileurs. Les voies navigables qui joignent Paris à la Flandre et à
laBelgique présententune chaîne ininterrompue de centres populeux,
de plus en plus pressés à mesure qu’on avance vers le Nord ; c’est un
vrai ruban humain qui, de Chauny à la frontière belge, marque le
cours de l’Oise, le canal de Saint-Quentin et l’Escaut.
Mais en dehors de ces sillons de bourgs et de villes industrielles,
la population semble échapper à l’influence de lois fixes ; elle se dissémine
à travers les campagnes en une multitude de centres ruraux
dont beaucoup tiendraient ailleurs, par le chiffre de leurs habitants,
figure de ville. La forte densité de la population dans ce pays n’est pas
une moyenne fournie par l’addition de villes surpeuplées à des campagnes
désertes, mais l’expression d’un fait que l’arithmétique n ’a
pas oblitéré : le grand nombre des grosses agglomérations rurales.
Ce phénomène s’exprime avec clarté sur la carte où nous avons
pointé les agglomérations supérieures à 500 habitants. Certaines
régions en sont couvertes, tel le département de la Somme sur une
zone assez large qui le traverse vers son centre d’Est en Ouest ; tels
aussi les arrondissements d’Arras, de Cambrai, de Saint-Quentin, de
Laon. D’autres groupes de grands villages parsèment les plateaux
qui s’étendent entre les rivières, entre le Thérain et la Somme, entre
la Somme et l’Aùthie, entre l’Authie et la Canche, entre la Canche
et la plaine flamande. La population de ces contrées étant agglomérée,
il se trouve que notre carte de la distribution des centres habités,
qui tient compte de leur importance relative, donne par le fait même
une carte de la densité de la population. Ce qui ne frappe pas moins
que l’importance des centres ruraux, c’est leur nombre. Par le nombre
des communes qui forment ici les groupements élémentaires, le Pas-
de-Calais et la Somme dépassent tous les autres départements français
avec 13 communes pour 100 kilomètres carrés comme le Calvados;
l’Aisne et l’Oise, qui en renferment 11, viennent avec la Seine-
et-Oise, la Seine-Inférieure, l’Eure, leDoubs, le Jura, la Haute-Saône,
le Nord et la Manche parmi les pays les plus découpés et les plus riches
en communautés rurales. La densité de la population dans ces contrées
s’exprime donc par ce double fait que les agglomérations rurales
sont à la fois très [nombreuses et très peuplées (voir carte n° III).
Par ces caractères, le peuplement se trouve en rapport étroit avec
la nature, l’étendue et la variété des ressources qui constituent la
fortune économique de ces campagnes. Ces ressources dépendent à
la fois de la culture et de l’industrie ; nous sommes dans un milieu
depuis longtemps réservé aux combinaisons les plus ingénieuses du
travail des champs et du travail de l’atelier, où la multiplicité des
occupations, en créant la multiplicité des bénéfices, permet à plus
d’hommes de pourvoir aux besoins de leur existence.
Toute seule l’exploitation de cette terre fertile suffit déjà à la
peupler abondamment. Si l’on compare entre elles des étendues
égales de pays agricole, on constate que la plus fertile prend une
énorme avance sur la plus déshéritée. Les cantons de Croisilles, de
Marquion, deBapaume, de Bertincourt, territoires de limon, donnent
au kilomètre carré une densité de 102 habitants, alors que dans la
Somme les sols médiocres et accidentés .des cantons de Poix, d’Hor-
noy, de Molliens-Vidame et de Conty donnent à peine 42. Dans les
cantons d’Heuchin, de Fruges, du Parcq, de Saint-Pol, grâce à la
variété des ressources qui proviennent à la fois de la culture et de
l’élevage, la densité se maintient à 65 ;. elle descend à 52 autour de
Saint-Just, de Maignelay et de Breteuil où l’on ne vit guère que de
la culture. Sur la même terre, les mouvements de la population suivent
les variations de la fertilité. A la suite des améliorations foncières
pratiquées dans la Thiérache, l’arrondissement de Vervins
vit sa population augmenter d’un sixième de 1765 à 1800. De même,
l’accroissement de population, constaté partout dans la Picardie et
l’Artois depuis le milieu du xvin® siècle jusqu’au milieu du xixe,
trouva son principe dans l’évolution culturale qui, par l’introduction
de plantes nouvelles et d’assolements méthodiques, par les défrichements
et par les amendements, augmenta l’étendue et la valeur des
terres arables. C’est une différence de fertilité qui crée une différence
de peuplement entre le canton de Sissonne couvert en partie
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