s’étant plissée déjà durant leur dépôt, il est naturel que les. plus
récentes manquent aux endroits qui émergeaient ou qui formaient
dôme et que, par contre, elles montrent plus de constance et d’épaisseur
aux endroits mieux immergés; cette inégalité originelle dans la
puissance des dépôts nous explique encore que, aux endroits les plus
minces, ils aient été plus facilement enlevés p a rla dénudation et que
les couches inférieures aient été mises au jour ; la craie à Bélemni-
telles, l’une des plus récentes, ne se montre plus en maintes localités
que par lambeaux ou par traînées. Enfin, sous l ’effet du plissement,
la surface plus ou moins soulevée a donné plus ou moins de prise
aux agents d érosion; parfois démantelée, elle a disparu, laissant
apparaître le soubassement; à droite de la Canche, les couches se
redressent vers le N o rd ;l’etage à Micraster Goranguinum qui forme
le sol de la région littorale au Sud de la Canche est remplacé au Nord
de cette rivière par les étages inférieurs à Micraster Cortestudina-
rium et à Micraster Breviporus h De toutes ces agitations, de toutes
ces modifications de la surface, il devrait résulter, si les variations
paléontologiques de la craie correspondaient toujours à des variations
minéralogiques/ une grande diversité des formes de terrain et des
phénomènes géographiques. Il n’en est rien.
Partout où la craie se rencontre, et, d’une manière générale, à
quelque niveau qu’on l’observe, elle apparaît avec des caractères
presque constants. Les divisions stratigraphiques n’ont guère qu’une
valeur paléontologique. Sans doute, il importe de les déterminer;
sans elles on ne pourrait ni connaître les ondulations de là craie, ni
reconstituer la paléogéographie de la contrée. Mais ici, contrairement
à tant d autres régions du Bassin de Paris où les variations de faune
correspondent à des variations de dépôts, l’âge géologique d’une craie
nous renseigne rarement sur sa^composition minéralogique. Entre
des craies d’âge différent, une analyse exacte peut établir des différences
dans la finesse du grain, dans l ’abondance et la forme des silex, dans
la proportion des minéraux accessoires comme la glauconie, le phosphate,
1 alumine et le fer ; mais ces différences ne sont pas constantes.
De même, entre des craies de même âge, on observe souvent d’importantes
différences lithologiques; la Craie à Micraster Breviporus
se montre tout autre, selon qu’on la voit à l’Ouest ou à l’Est de la contrée
, sur les bords de l ’Authie, près de Doullens, c’est une craie grossière,
jaunâtre, renfermant de petits grains de glauconie, très faiblement
phosphatée; mais vers l’Est elle se modifie latéralement, se
1 Légende de la1 carte géologique de Montreuil.
charge de produits sableux et s’enrichit en glauconie; en outre, elle
durcit èt peut fournir à Curlu et Bouchavesnes de bonnes pierres de
construction; à l’Est de Templeux, les grains de phosphate abondent
et l’on arrive progressivement dans le voisinage de Cambrai à une
craie àla fois phosphatée et glauconieuse. De même la Craie Marneuse
ou Turonienne présente des faciès différents à l’Ouest et à l’Est. Aux
appi’oches du Bray, elle reste très calcaire et contient peu d’argile.
Vers le Boulonnais, c’est encore le faciès calcaire qui l’emporte ; sans
les fossiles, il est à peu près impossible de discerner la Craie Turonienne
de la Craie Sénonienne;. cette uniformité s’étend même à une
partie des couches Cénomaniennes sans qu’on puisse saisir aucun
caractère minéralogique différentiel, si ce n ’est de haut en bas une
tendance légère à la diminution de la proportion de carbonate de
chaux1. Mais à mesure qu’on se rapproche de la Thiérache, la proportion
d’argile s’accroît dans la Craie Turonienne; cette région N. E.
du Bassin de Paris, comme l’a montré M. Cayeux2, fut influencée
par le voisinage immédiat d’une terre émergée située en Ardennc et
en Belgique»; les assises Turoniennes s’y chargent de matière argileuse,
tandis que vers le Boulonnais elles restent beaucoup plus
pures; dans la vallée d e l’Authie on voit déjà apparaître des marnes
argileuses grises, légèrement bleuâtres sur lesquelles s’arrête une
abondante nappe d’eau ; au Nord-Ouest d’Arras, les couches à lnoce-
ramus Labiatus contiennent de 16 à 25 p. 100 d’argile et la Craie Marneuse
fournit de la chaux hydraulique ; vers Le Cateau et Landrecies
elle affleure dans les vallées de la Sambre et de ses affluents dont elle
entretient l’humidité et la verdure; l’argile l ’envahit de plus en plus
dans les marlettes (marnes àT. gracilisj, puis dans les dièves (marnes
à I. Labiatus) ; les- dièves contiennent jusqu’à 70 p . 100 d’argile.
Ainsi, deux craies de même âge peuvent présenter deux faciès
minéralogiques différents. La description géographique doit donc
subordonner la notion de l’âge de la craie à la considération de ses
caractères lilhologiques ; malgré des accidents locaux,-ces caractères
demeurent partout assez uniformes pour donner à la contrée
que nous avons délimitée une véritable unité géographique.
La description de la roche.
C’est une même roche, la craie blanche, qui forme le substratum
de la Picardie, de l’Artois et du Cambrésis. Elle apparaît au regard
1 Gosselet, 74, p. T-2.
* Cayeux, 23, p. 544.