
 
        
         
		la  ferme  d’Havrincourt  à  l’Est  de  Bertincourt,  poussé  jusqu’à  
 ■150 mètres,  atteint une  nappe  abondante  qui  alimente  l ’exploitation  
 agricole; mais  en  été  elle  contribue  à remplir la mare  communale;  
 tandis  qu’en  1858,  on  devait  aller chercher  de  l’eau  à  1 2   ou  15 kilomètres  
 jusqu’à l ’Escaut, on dispose aujourd’hui, grâce au forage, d’une  
 eau pure  et  abondante ;  pour  d’autres  villages  encore,  c’est  le  voisinage  
 d une râperie qui résout le  problème de l’eau.  Pour les villes qui  
 n’ont pas  de  sources,  c’est  aux  forages  profonds  qu’on  demande  de  
 l’eau ;  comme  l’extraction  exige  une  machine  à  vapeur,  toutes  les  
 villes  ne  possèdent pas cette  coûteuse  installation;  mais  quand elles  
 peuvent  l’établir,  elles  disposent  d’une  inépuisable  réserve  d’eau ;  
 ainsi  ce  sont  des  forages  dans  la  craie  qui  alimentent Douai,  Haze-  
 brouck,  Merville,  Roubaix-Tourcoing,  Saint-Quentin,  La  Fère,  
 Berck,  Béthune,  Lens,  Noeux,  Montreuil,  Albert,  Saint-Valery1. 
 I I 
 L’EAU  DANS  LES VALLÉES 
 Par  leur  humidité  et  leur  verdure,  les  vallées  sont  des  cadres  
 naturels  pour  des  formes  originales  d’activité  humaine.  L’eau  qui  
 fuit  les  plateaux  s’y  rassemble  dans  les  marais  et  les  tourbières ;  
 entre les plaines  monotones  du blé,  des betteraves  et  des  fourrages,  
 les vallées  s’insinuent comme  de larges  sillons verdoyants  où  s’abritent  
 les jardins  etles  prairies;  sur les bords de leurs  rivières paisibles  
 se  pressent  les  moulins  et  les  usines,  attirés  par  les  avantages  de  
 cette force  réglée et  disciplinable. 
 Tourbières  et  tourbiers. 
 La tourbe, qui donne un combustible et un engrais, devait fixer certaines  
 populations  dans les vallées. L ’exploitation,  qui  remonte  assez  
 loin,  ne  s’est développée que  très  tard. On la  signale  dès  le xne  siècle  
 dans  la vallee  de  la  Sensée.  En  1313 2,  Isabelle,  reine  d’Angleterre,  
 comtesse  de  Ponthieu,  accordait  au  maire  d’Abbeville.  le  droit  de  
 tourber  pendant  sept  ans  les  marais  de  la  banlieue-.  Au  xvie  siècle,  
 Guichardin  parle  de l’usage  de  la  tourbe  en  Picardie;  et,  en  1693,  
 les  trésoriers  d e là   Généralité  d’Amiens  3  protestent  déjà  contre  les 
 ‘  Imbeaux,  232,  passim. 
 2  Cocheris, 518,  I, p.  58. 
 3  Correspondance  des contrôleurs  généraux,  1 ,1169. 
 abus  de  l’exploitation  qui  dégrade  les  prairies  entre  Abbeville  et  
 Amiens  et  les  creuse  de  grands  trous  pleins  de  roseaux  et  de  mauvaises  
 herbes. Mais la plus  grande  activité des tourbiers  se  développe  
 au  xvme  siècle.  L’invention  du  grand  louchet  par  Ëloi  Morel,  de  
 Thézy-Glimont  sur  l’Avre,  permit  d’extraire  la  tourbe  jusqu’à  7  à  
 8  mètres  au-dessous  du  niveau  de  l’eau  et  d’atteindre  les  bancs  de  
 meilleure  qualité.  En  même  temps  la  disparition  des  forêts  et  la  
 cherté  du  bois  firent  regarder  la  tourbe  comme  une  matière  précieuse  
 dans  ce  pays  dénudé;  pendant  tout  le  xviii8  siècle,  de  nombreux  
 règlements  1  assurent la  police  du tourbage.  Avec  les  progrès  
 de  l’industrie,  la tourbe  prit  une  valeur  plus  grande  encore  ;  non  
 seulement les habitants  d’Amiens 2 ne  connaissaient pas d’autre  combustible  
 domestique,  mais  encore  on  la  brûlait par masses  énormes  
 chez  les  teinturiers,  les  brasseurs,  les  imprimeurs  d’étoffes  et  les  
 chaufourniers.  Beauvais  fit  d’abord  venir  la  tourbe  d’Amiens,  puis  
 il  fallut  exploiter  celle  du  pays  pour  les  manufactures  d’indiennes,  
 les  teintureries  etles blanchisseries.  En  1785, dans la vaste pâture de  
 Bresles  où l’on menait près  de  1.200 vaches, on ouvrit de larges  tourbières  
 où puisèrent longtemps  les  usines  de  Beauvais  e tle s   villages  
 à  dix lieues  à  la  ronde ;  de  même,  le  début  de  l’extraction  date  de  
 1790  à Bulles,  de  1798  à Breuil-le-Vert,  de  1799  à Rue-Saint-Pierre,  
 de  1801  à  Sacy-le-Grand3.  Pendant  la  Révolution,  le  partage  des  
 communaux  étendit encore l’exploitation  et la vulgarisa :  des vallées  
 entières  se  creusèrent  d’immenses  excavations,  profondes  de  plusieurs  
 mètres,  véritables  lacs  d’eau  claire  où  les  bateaux  peuvent  
 circuler.  Mais  une  nouvelle  réglementation  intervint  qui  modéra  
 l’exploitation,  en  même  temps  que  la  concurrence  de  la  houille  la  
 ralentissait  pour  toujours.  On  continue  à  exploiter  la  tourbe,  mais  
 on  ne  la  consomme  plus  que  sur  les  lieux  d’extraction.  Jadis  elle  
 s’exportait  au  loin;  en  1880,  des  voitures  venaient  encore  en  chercher  
 d Anvin  à Beaurainville  sur la Canche.  Jadis  on  en  vendait  les  
 cendres  jusqu’en  des  campagnes  fort  éloignées  pour  jeter  sur  les  
 terres.  Maintenant le chemin de fer  amène  partout  le  charbon  et  les  
 engrais  commerciaux ;  on n’achète plus  de tourbe dont la  fumée nauséabonde  
 empeste  l ’air.  On  l ’extrait  encore  dans  les  grandes  vallées  
 (Somme, Noye,  Selle,  Avre,  Canche),  daos  les  Bas-Champs,  sur  la  
 périphérie  du  massif  crayeux,  à  Sacy-le-Grand  et  à Bresles,  et  dans  
 les marais  de la  Souche,  de  l’Ardon,  de  la  Sensée  et  de  la  Scarpe ; 
 *  Arch. Somme,  C, 1523. 
 2  Journal des Mines,  an  III,  I.  2, p.  52-53. 
 3  Graves,  545  (1830),  p.  117-119.