s’épanche en une multitude de ruisseaux qui ont découpé le sol en
autant de vallées (fig.2) ; plus de ces larges surfaces entre de rares vallées
comme à l’Ouest, mais des sillons nombreux séparant d’étroits
plateaux aux bords échancrés; en un mot, un morcellement de la
surface qui est l’expression sculpturale de l’activité hydrographique.
Obéissant au relèvement des couches imperméables, les sources
quittent le fond des vallées ; elles émigrent sur les versants. Sur la
route de Marie à Yervins, c’est à Rougeries qu’on voit pour la première
fois, au sortir du paysage de craie, l’eau claire des fontaines
Échelle des longueurs : 1/160 000. Échelle des hauteurs : 1/10 000. ?
Fig. 3. — Coupe S. O.-N. E., depuis la Serre (à l’Ouest de Marie) ju sq u ’à l’Est de Venins,
montrant l’affleurement progressif de la craie marneuse (c°) au-dessous de la craie
blanche (c7).
courir le long du chemin ; elle s’échappe de partout, apportant la
fraîcheur aux pommiers parmi les haies d’osier. Aux sources de
thalweg succèdent ici les sources de versant. Vers le Nord, dans les
parages du Quesnoy, on assiste à la même substitution, plus g ra duelle
encore ; sur le versant de la vallée de la Rhonelle, à Yillers-
Pol, l’eau courante jaillit à flanc de coteau; les pentes s’animent et
se creusent de vallons verts où s’insinuent les prés et les arbres.
L’aspect des villages change avec la nature du sol. Dès la sortie
de Marie, les villages, entourés de haies et de pommiers, se cachent
dans la verdure. Les maisons, petites et modestes, ne rappellent en
rien les grosses fermes de pierre du pays de Laon; quelques-unes se
protègent d’un revêtement de planches, annonce d’un pays mieux
boisé et d’un climat plus rigoureux; parfois déjà elles s’égrènent au
bord des chemins ou se perdent dans les prés; nous quittons insensiblement
les villages des environs de Laon et de Saint-Quentin aux
habitations groupées, aux grandes portes muettes sur des rues silencieuses,
pour des localités plus fraîches, plus riantes, moins pressées.
Beaucoup d’entre elles, fidèles à l’affleurement de l’eau, se sont
établies, non pas sur les plateaux, ni dans le fond des vallées, mais
à mi-chemin entre les deux, sur le versant : ce sont des villages de
versant. Le long du Yilpion et de la Brune, ils suivent exactement le
contact de la craie blanche et de la craie marneuse, s’allongent sur
le niveau d’eau, s’étirent en hameaux, en « rues » qui souvent
finissent par se rejoindre; ainsi, le long du Vilpion, Saint-Gobert
■avec ses annexes le Hameau et le Perron; ainsi, le long de la Brune,
Harcigny, Plomion, Longue Rue ; ainsi, plus au Nord, Romery,
Wiège, Proizy, Malzy, Montceau, le long de l’Oise. Puis, peu à peu
lorsque le sol débarrassé de la craie blanche devient uniformément
argileux, l’habitation s’affranchit de toute loi, et c’est, au coeur de la
Thiérache, sur une. terre étanche, la poussière des fermes éparpillées,
les files interminables des hameaux égarés dans la verdure : c’est un
profond contraste avec les grosses agglomérations du pays de Cambrai
et de Saint-Quentin.
Tout s’enchaîne; l’activité humaine change avec le milieu naturel
où elle évolue. Yers l’Ouest dominent sur les terres limoneuses, les
champs de blé et de betteraves ; à l’automne, des troupeaux de moutons,
bétail des pays arides, broutent dans les chaumes. Mais vers
l’Est l’humidité du sol développe les herbages ; on les voit d’abord
garnir le fond des vallées, puis s’avancer sur le plateau ; longtemps
ils alternent avec les champs, par exemple au Nord de Yervins et à
l ’Est du Cateau. A Bazuel, entre les meules de blé se glissent déjà
des pâtures; auprès des maisonnettes la grange diminue ou s’efface ;
à côté de la charrue prend place le grand tonneau qui porte l’eau
aux bêtes dans les enclos; les deux vies rurales s’entremêlent avant
de se séparer. Mais, vers Oisy, paraissent les derniers champs de
betteraves ; vers la Groise, cessent les moissons ; au delà, l’on entre
dans le pays des laiteries. Une grosse sucrerie à l’entrée de Catillon,
une grosse laiterie à la sortie vers l ’Est donnent une image concrète
de ces deux économies rurales à leur contact. Tandis que vers le
Sud elles se pénètrent assez longtemps avant de s’isoler, vers le
Nord-Est elles s’opposent presque subitement : au delà du Quesnoy,
sur la lisière occidentale de la forêt de Mormal, la pâture envahit les
champs tout d’un coup par Curgies, Jenlain, Wargnies, Preux-au-
Sart, Frasnoy, Yilleréau, Gommegnies, Anfoinpré, Jolimetz : c’est
une autre géographie qui commence.
I I
L ES LIMITES DE LA PLAINE VERS LE NORD
De Yalenciennes à Saint-Omer en passant par Douai et par
Béthune se poursuit, sur la lisière septentrionale des plaines agri