les nuages élevés, le courant polaire souffle à la surface du sol.
Selon que l’un ou l’autre règne, le temps est tout différent. En
Inver, les vents Est sont froids et secs ; quand ils sévissent, le froid
devient rigoureux. Leur caractère est de rester assez stables; parfois
ils persistent durant de longues semaines, dégageant l’air de nuages :
c est à leur fixité, à la pureté constante du ciel pendan t cette période
qu il faut attribuer la dureté de l’hiver 1879-1880 ; durant deux mois
et demi, un grand anticyclone s’établit sur l’Europe Centrale, précipitant
sur la France les basses couches d’air et refoulant au loin les
dépressions du large. En été, les vents E. et N. E. apportent la
secheresse; en 1842, ils régnèrent neuf mois, dont huit consécutifs;
faute de pluie, la seconde coupe des fourrages fut nulle ; la paille
d avoine et de blé resta courte et rare, mais jamais le blé ne pesa
davantage. Presque toutes les périodes sans pluie correspondent à
ces vents (octobre 1788, octobre 1809, juillet 1869)'. Dans l’Oise, on
les connaît sous le nom de vents de France. Dans le Boulonnais, ce
sont, par opposition aux vents d’aval (S. 0 .), les vents d’amont qui
gelent les bourgeons précoces et jaunissent les blés en herbe.
Au contraire, les vents S. 0 . et 0 . sont par excellence des vents
pluvieux. Quand ils soufflent, le baromètre baisse; tandis que par
le vent N. E. la pression est en moyenne de 761mm,5 à Abbevillea,
elle descend à 754,4 par les vents S. 0 . Les longues périodes de
pluie coïncident avec leur persistance : octobre 1792 (125““ de
pluie) ; janvier 1806 (114““ .); octobre 1812 (126““ )- octobre 1820
(131““ .); mai 1838 (136““ .)8. De 1834 à 1841, à Abbeville, le nombre
des jours de pluie par vent S. 0 . l’emporte sur le nombre des jours
de pluie par vent N. E. dans la proportion de 12 contre 1 4. A Amiens,
la moitié des jours de pluie correspond aux vents S. 0 . et 0.
Amiens. Proportion p . 100 des jo u r s de p lu ie p a r v e n t 6.
^ Entre ces deux influences atmosphériques, le partage n’est pas
égal. Les vents 0 . et S. 0 . régnent en maîtres sur tout le littoral.
Mais si l’on pénètre vers l’intérieur, leur tyrannie se tempère. Tandis
que, dans la Seine-Inférieure, la victoire demeure aux vents S. 0.
* Duchaussoy, 172, passim.
s Hecquet, 176, p. 21S.
3 Duchaussoy, 172, passim.
1 Brion, 1S9, p. 322.
5 Duchaussoy, 170, p. 101-102.
et 0 ., la supériorité à Laventie revient au vent N. E. Même contraste
entre les bords de la Manche et Montdidier, entre Cambrai et
Abbeville; les chiffres suivants le prouvent.
Nombre des jo u r s de v en t m
N. N. E. N. 0 . E. S. S. 0 . ' S. E. 0 .
122 178 150 101 98 145 111 91
L aventie . : .
Seine-Inférieure. 124
105 136 84 87 199 64 196
Manche . . .
66 114 94 142 108 191 100 185
M o n td id ie r. .
136 177 125 62 140 173 102 84
Ainsi la répartition des vents permet déjà de remarquer le passage
graduel d’un régime plus littoral à un régime plus continental. La
prédominance des vents d’Ouest sur toute la cote, du Vimeu au Boulonnais,
se marquera dans la carte des pluies en une bordure mieux
arrosée, favorable aux herbages et aux arbres. C est elle qui sur le
littoral tourne vers l’Est les branches des arbres. C’est elle qu’on
redoute dans le Boulonnais lorsque, comme à Bainghen et à Bru-
nembërt, on expose à l ’Est et au Sud-Est la façade des maisons ou
bien lorsque, comme à Senlecques, à Halinghen et dans le Vimeu,
les paysans abritent leurs demeures, leurs pommiers et leurs jardins
derrière un écran de grands arbres. S’ils font rage sur la côte, les
vents d’Ouest restent aussi les plus violents, dans 1 intérieur du
pays : Proportion p . 100 des vents forts 2.
N. N. 0 . 0 . S. 0 . S. S. E. E. N. E.
7,2 13,5 30 1 7 ,1 6,7 6,2 9,1 10
Ils sont bien connus des paysans : à l’automne, ils soulèvent
sur les grandes routes ces rafales de poussière que les Picards
nomment « veindoèses » ; ils ont assez de force parfois pour arracher
des arbres et renverser des chaumières. Par eux se poursuit, loin
de la côte, la maîtrise de la mer sur le climat.
La température.
Sur ces plaines où la circulation des vents pénétré librement, la
température se répartit suivant les mêmes lois. Dans le courant de
1 Ces chiffres indiquent combien de fois, sur mille observations, le vent a soufflé
d’une direction donnée. Pour Laventie et la Seine-Inférieure, nous avons lait la moyenne
1888-1897 avec les chiffres fournis p ar (179) et (163). Pour la Manche et Montdidier, nos
moyennes vont de 1863 à 1868 ; les éléments viennent d’Allard (148) et de Duchaussoy
(172).
1 Duchaussoy, 168, p. 166.