encore de larges étendues : avec la craie, le limon forme le trait essentiel
de la géographie physique des plaines de Picardie, d’Artois
et de Cambrésis. Assise meuble, composée d’argile et de sable, il
recouvre la craie d’un manteau jaunâtre, longuement déchiré par les
vallées et troué de place en place par l’usure de l’érosion. On dirait
le dépôt d’une large nappe d’inondation et de ruissellement, étalée
sur le sol dont elle aurait moulé les formes. Le limon se compose
d assises diverses qui, malgré des différences minéralogiques, se
reconnaissent depuis Paris jusqu’à la Hesbaye. On observe dans ces
assises une stratification horizontale, puis la présence de veines sableuses,
de nodules de craie et d’éclats de silex en lits. On constate
en outre qu’elles sont en rapport avec les vallées actuelles vers lesquelles
leurs couches s’inclinent. On remarque enfin dans l’ensemble
de la formation la succession de deux séries semblables d’éléments
indiquant la répétition de deux séries de phénomènes : gravier,
limon sableux, limon argileux, sol végétal. Tout se présente comme
si, durant le Pléistocène, la surface de la craie, chargée encore des
sables et des argiles tertiaires, avait été soumise à deux périodes
successives de ruissellement et d’inondation. Il ne nous appartient
pas de rechercher la cause de ces événements; quelque explication
qu’on en donne, c’est avant tout la répartition et la nature de ces
dépôts qui intéressent le géographe. A peine formés, ces dépôts
meubles sont devenus la proie de l ’érosion ; pendant que les vallées
se creusaient, les sédiments pléistocènes perdaient une partie de leur
continuité; ils disparaissaient presque entièrement des vallées ; et, dé
nouveau, sur les plateaux, la craie apparaissait comme au travers
d’un manteau troué. Toutes les forces de démolition et de désagrégation
mises enjeu ont fini par constituer à l’aide des débris arrachés
au sol de nouveaux dépôts qu’on peut appeler des limons de lavage
par opposition aux limons pléistocènes. Mais cette opposition n’est
pas absolue: car bien souvent ou ne peut guère distinguer le limon
pléistocène d’un limon de lavage qui en est le remaniement. On
peut dire toutefois qu’en général le limon pléistocène couvre les
hauteurs et les plaLeaux et que le limon de lavage occupe les pentes
et les dépressions. Par cette différence de site topographique entre
le limon des plateaux et le limon des pentes, se crée entre les
limons une distinction géographique. Mais tous les deux possèdent
un intérêt commun qui réside dans leurs qualités agricoles : ils forment
le sol d’un pays où la culture est la forme essentielle de l’activité
humaine.